L'homme qui rit. Victor Hugo

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L'homme qui rit - Victor  Hugo

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le cap à l’ouest.

      – Caramba!

      – Mets le cap à l’ouest.

      – Pas possible,

      – Comme tu voudras. Ce que je t’en dis, c’est pour les autres. Moi, j’accepte.

      – Mais, seigneur docteur, le cap à l’ouest…

      – Oui, patron.

      – C’est le vent debout!

      – Oui. patron.

      – C’est un tangage diabolique!

      – Choisis d’autres mots. Oui, patron.

      – C’est le navire sur le chevalet!

      – Oui, patron.

      – C’est peut-être le mât rompu!

      – Peut-être.

      – Vous voulez que je gouverne à l’ouest!

      – Oui.

      – Je ne puis.

      – En ce cas, fais ta dispute avec la mer comme tu voudras.

      – Il faudrait que le vent changeât.

      – Il ne changera pas de toute la nuit.

      – Pourquoi?

      – Ceci est un souffle long de douze cents lieues.

      – Aller contre ce vent-là! impossible.

      – Le cap à l’ouest, te dis-je!

      – J’essaierai. Mais malgré tout nous dévierons.

      – C’est le danger.

      – La brise nous chasse à l’est.

      – Ne va pas à l’est.

      – Pourquoi?

      – Patron, sais-tu quel est aujourd’hui pour nous le nom de la mort?

      – Non.

      – La mort s’appelle l’est.

      – Je gouvernerai à l’ouest.

      Le docteur cette fois regarda le patron, et le regarda avec ce regard qui appuie comme pour enfoncer une pensée dans un cerveau. Il s’était tourné tout entier vers le patron et il prononça ces paroles lentement, syllabe à syllabe:

      – Si cette nuit, quand nous serons au milieu de la mer, nous entendons le son d’une cloche, le navire est perdu.

      Le patron le considéra, stupéfait.

      – Que voulez-vous dire?

      Le docteur ne répondit pas. Son regard, un instant sorti, était maintenant rentré. Son oeil était redevenu intérieur. Il ne sembla point percevoir la question étonnée du patron. Il n’était plus attentif qu’à ce qu’il écoutait en lui-même. Ses lèvres articulèrent, comme machinalement, ces quelques mots bas comme un murmure:

      – Le moment est venu pour les âmes noires de se laver.

      Le patron fit cette moue expressive qui rapproche du nez tout le bas du visage.

      – C’est plutôt le fou que le sage, grommela-t-il.

      Et il s’éloigna.

      Cependant il mit le cap à l’ouest.

      Mais le vent et la mer grossissaient.

      V. HARDQUANONNE

      Toutes sortes d’intumescences déformaient la bruine et se gonflaient à la fois sur tous les points de l’horizon, comme si des bouches qu’on ne voyait pas étaient occupées à enfler les outres de la tempête. Le modelé des nuages devenait inquiétant.

      La nuée bleue tenait tout le fond du ciel. Il y en avait maintenant autant à l’ouest qu’à l’est. Elle avançait contre la brise. Ces contradictions font partie du vent.

      La mer qui, le moment d’auparavant, avait des écailles, avait maintenant une peau. Tel est ce dragon. Ce n’était plus le crocodile, c’était le boa. Cette peau, plombée et sale, semblait épaisse et se ridait lourdement. A la surface, des bouillons de houle, isolés, pareils à des pustules, s’arrondissaient, puis crevaient. L’écume ressemblait à une lèpre.

      C’est à cet instant-là que l’ourque, encore aperçue de loin par l’enfant abandonné, alluma son fanal.

      Un quart d’heure s’écoula.

      Le patron chercha des yeux le docteur; il n’était plus sur le pont.

      Sitôt que le patron l’avait quitté, le docteur avait courbé sous le capot de chambre sa stature peu commode, et était entré dans la cabine. Là il s’était assis près du fourneau, sur un chouquet; il avait tiré de sa poche un encrier de chagrin et un portefeuille de cordouan; il avait extrait du portefeuille un parchemin plié en quatre, vieux, taché et jaune; il avait dépli cette feuille, pris une plume dans l’étui de son encrier, pos plat le portefeuille sur son genou et le parchemin sur le portefeuille, et, sur le verso de ce parchemin, au rayonnement de la lanterne qui éclairait le cuisinier, il s’était mis à écrire. Les secousses du flot le gênaient. Le docteur écrivit longuement.

      Tout en écrivant, le docteur remarqua la gourde d’aguardiente que le provençal dégustait chaque fois qu’il ajoutait un piment au puchero, comme s’il la consultait sur l’assaisonnement.

      Le docteur remarqua cette gourde, non parce que c’était une bouteille d’eau-de-vie, mais à cause d’un nom qui était tress dans l’osier, en jonc rouge au milieu du jonc blanc. Il faisait assez clair dans la cabine pour qu’on pût lire ce nom.

      Le docteur, s’interrompant, l’épela à demi-voix,

      – Hardquanonne,

      Puis il s’adressa au cuisinier.

      – Je n’avais pas encore fait attention à cette gourde. Est-ce qu’elle a appartenu à Hardquanonne?

      – A notre pauvre camarade Hardquanonne? fit le cuisinier. Oui.

      Le docteur poursuivit:

      – A Hardquanonne, le flamand de Flandre?

      – Oui.

      – Qui est en prison?

      – Oui.

      – Dans le donjon de Chatham?

      – C’est sa gourde, répondit le cuisinier, et c’était mon ami. Je la garde en souvenir de lui Quand le reverrons-nous? Oui, c’est sa gourde de hanche.

      Le docteur

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