Double-Blanc. Fortuné du Boisgobey

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Double-Blanc - Fortuné du Boisgobey

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père et encore moins à la fille qu’il venait de s’aboucher dans une rue déserte avec la belle quêteuse, et il ne voulait pas non plus inventer un récit mensonger de son excursion.

      Il voulait être seul afin de se recueillir.

      Depuis qu’il était entré au bal de l’Opéra, les incidents se succédaient et la situation ne faisait que se compliquer.

      Hervé pressentait qu’elle allait se compliquer encore et il tenait à l’envisager sous toutes ses faces, avant de prendre un parti.

      III. Avant la guerre, on avait déjà commencé à construire le nouvel Hôtel-Dieu…

      Avant la guerre, on avait déjà commencé à construire le nouvel Hôtel-Dieu, mais les bâtiments de l’ancien hôpital attristaient encore le parvis de Notre-Dame.

      Il n’en est resté debout qu’un corps de logis, isolé, en façade sur le quai, et masquant les laideurs des ruelles sombres qui serpentent entre la place Saint-Michel et la place Maubert.

      Ce coin de l’ancien Paris, échappé à la pioche des démolisseurs, confine au pays Latin, mais les étudiants le dédaignent et se cantonnent de préférence aux environs du Luxembourg.

      Les bas-fonds de la rive gauche sont trop noirs et trop humides pour ces jeunes gens qui aiment l’air et le soleil.

      Au contraire, les ouvriers et les petits industriels s’en accommodent, parce qu’ils trouvent à s’y loger à bon marché.

      C’est un des quartiers les plus peuplés de la grande ville, et, quoiqu’il ne soit guère habité que par des pauvres, ce n’est pas un quartier mal famé. Les cabarets n’y manquent pas, mais on y travaille du matin au soir; on s’y couche de bonne heure et les attaques nocturnes y sont rares.

      On y vit un peu comme dans une petite ville de province, car on y voisine beaucoup et on se met volontiers sur les portes pour regarder les passants.

      C’est encore ainsi maintenant; c’était bien pis, ou bien mieux, en 1870.

      Hervé de Scaër s’en aperçut lorsque, le surlendemain de son entrevue avec la marquise de Mazatlan, il se décida à entreprendre le voyage de la place Vendôme à la rue de la Huchette, à seule fin de savoir ce que devenait Alain Kernoul qui ne lui avait pas donné signe de vie depuis la nuit du samedi au dimanche gras.

      Hervé craignait qu’il ne fût mésarrivé à ce brave garçon et désirait lui venir en aide, le plus tôt possible.

      Hervé n’avait pas revu non plus monsieur ni mademoiselle de Bernage, ni la quêteuse havanaise. Il n’avait revu que Pibrac, au Cercle; Pibrac, mal dégrisé, qui, avec la ténacité d’un ivrogne, s’était remis à lui dire du mal de son futur beau-père et à le taquiner à propos de la blonde qu’il avait surnommée Double-Blanc.

      À en croire ce garnement, Bernage était un vieux coureur hypocrite et la blonde une dévergondée dangereuse.

      Ces propos d’homme entre deux vins ne méritaient pas d’être pris au sérieux, et pourtant ils n’avaient pas laissé d’affecter désagréablement Hervé, qui était devenu très impressionnable depuis ses dernières aventures.

      Il venait de passer deux jours à y réfléchir et il n’était pas parvenu à les tirer au clair. Son entretien avec la marquise, dans la rue de Lisbonne, avait été si écourté qu’il n’avait pas eu le temps de lui demander certaines explications, faute desquelles l’histoire qu’elle racontait restait très ténébreuse.

      Ainsi, elle disait avoir été la meilleure amie d’Héva Nesbitt; comment se faisait-il donc qu’elle eût attendu dix ans avant de rechercher ceux qui l’avaient fait disparaître? Et ce débarquement clandestin sur la côte de Bretagne, pourquoi n’en avait-elle pas profité pour se renseigner sur les circonstances de la disparition, en s’adressant à Hervé de Scaër qu’elle savait être dans le pays? Et plus tard, depuis qu’elle s’était fixée à Paris, pourquoi, au lieu d’entrer aussitôt en relations avec lui, avait-elle attendu qu’un hasard le lui fît rencontrer au bal de l’Opéra?… Un hasard prévu, puisqu’elle avait écrit d’avance la lettre qu’elle lui avait remise dans la loge.

      Autant d’énigmes qu’Hervé n’était pas en état de deviner.

      Il avait d’ailleurs d’autres sujets de préoccupation.

      Sans ajouter foi aux accusations de Pibrac, il commençait à se défier un peu du père de Solange. M. de Bernage, qui ne se faisait pas scrupule de mentir à propos du but de sa prochaine visite à la marquise, lui semblait presque suspect. L’empressement que ce dernier mettait à marier sa fille au dernier des Scaër pouvait bien cacher une arrière-pensée. Ce soupçon naissant tourmentait Hervé plus que de raison.

      Et l’étrange incident du carnet volé lui revenait à l’esprit.

      Le voleur ne s’était plus montré depuis la tentative manquée sur la place Vendôme. Cela ne prouvait pas qu’il eût renoncé à rentrer en possession d’un objet auquel il paraissait tenir tout autant que s’il lui eût appartenu légitimement, et Hervé avait hâte de savoir si ce chenapan ne s’était pas retourné contre Alain Kernoul.

      Pour le savoir, il fallait d’abord trouver le domicile du gars aux biques, et Hervé, entré par le boulevard Saint-Michel dans la rue de la Huchette, cheminait, le nez en l’air, en regardant du côté des numéros pairs.

      Il ne tarda guère à voir le 22, plaqué sur une large, haute et vieille maison, irrégulièrement percée de fenêtres de dimensions inégales.

      Plus de murs que d’ouvertures dans cette longue façade, coupée à chaque bout par une ruelle aboutissant au quai.

      En bas et à peu près au milieu, une porte bâtarde qui n’était pas fermée, et au-delà une allée sombre.

      Ce triste logis convenait fort bien à un ménage persécuté par la fortune et répondait à l’idée que Scaër s’était faite de l’immeuble où Alain abritait sa misère… et sa malade.

      Il ne s’agissait plus que d’y entrer, mais à quel étage perchait le couple et à qui s’en informer? Ces masures-là n’ont jamais de concierge.

      Il y avait bien, au rez-de-chaussée, trois ou quatre boutiques, mais elles étaient closes et il ne paraissait pas que, depuis des temps reculés, elles eussent jamais été louées, car les volets tombaient de vétusté.

      Les fenêtres aussi étaient fermées, et Hervé aurait pu croire que personne n’habitait cette bâtisse vermoulue si, en se reculant pour mieux voir, il n’eût remarqué, sur le rebord d’une croisée du cinquième étage, des pots de fleurs, une caisse peinte en vert et un treillage en fil de fer évidemment destiné à supporter au prochain printemps des tiges de plantes grimpantes.

      – C’est le jardin de Jenny l’ouvrière, chantonna Hervé. Je parierais volontiers que c’est Alain qui le cultive pour sa bonne amie.

      L’indication, à vrai dire, était insuffisante, mais faute de renseignements plus précis qu’il n’espérait pas obtenir, il se décida à tenter l’ascension, non sans avoir préalablement observé et noté comment la fenêtre était placée.

      C’était la dernière à gauche en regardant la maison: la plus rapprochée, par conséquent, d’une des deux ruelles qui coupaient à angle droit la rue de

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