La comédie de la mort. Theophile Gautier

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La comédie de la mort - Theophile  Gautier

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le marbre entr’ouvert sur ta tête retombe.

      Ne viens pas! ne viens pas et garde dans ta tombe

      Le rêve de ton coeur.

      Analyseurs damnés, abominable race,

      Hyènes qui suivez le cortége à la trace

      Pour déterrer le corps;

      Aurez-vous bientôt fait de déclouer les bières,

      Pour mesurer nos os et peser nos poussières;

      Laissez dormir les morts!

      Mes maîtres, savez-vous, qui donc a pu le dire?

      Ce qu’on sent quand la scie avec ses dents déchire

      Nos lambeaux palpitants.

      Savez-vous si la mort n’est pas une autre vie,

      Et si quand leur dépouille à la tombe est ravie

      Les aïeux sont contents?

      Ah! vous venez fouiller de vos ongles profanes

      Nos tombeaux violés, pour y prendre nos crânes,

      Vous êtes bien hardis.

      Ne craignez vous donc pas qu’un beau jour, pâle et blême,

      Un trépassé se lève et vous dise: Anathème!

      Comme je vous le dis.

      Vous imaginez donc, dans cette pourriture,

      Surprendre les secrets de la mère nature

      Et le travail de Dieu?

      Ce n’est pas par le corps qu’on peut comprendre l’âme.

      Le corps n’est que l’autel, le génie est la flamme;

      Vous éteignez le feu!

      O mes Enfants-Jésus! O mes brunes madones!

      O vous qui me devez vos plus fraîches couronnes,

      Saintes du paradis!

      Les savants font rouler mon crâne sur la terre,

      Et vous souffrez cela sans prendre le tonnerre,

      Sans frapper ces maudits!

      Il est donc vrai! Le ciel a perdu sa puissance.

      Le Christ est mort, le siècle a pour Dieu, la science,

      Pour foi, la liberté.

      Adieu les doux parfums de la rose mystique;

      Adieu l’amour; adieu la poésie antique;

      Adieu sainte beauté!

      Vos peintres auront beau, pour voir comme elle est faite,

      Tourner entre leurs mains et retourner ma tête,

      Mon secret est à moi.

      Ils copieront mes tons, ils copieront mes poses,

      Mais il leur manquera ce que j’avais, deux choses,

      L’amour avec la foi!

      Dites qui d’entre vous, fils de ce siècle infâme,

      Peut rendre saintement la beauté de la femme;

      Aucun, hélas! aucun.

      Pour vos petits boudoirs, il faut des priapées;

      Qui vous jette un regard, ô mes vierges drapées,

      O mes saintes! Pas un.

      L’aiguille a fait son tour. Votre tâche est finie,

      Comme un pâle vieillard le siècle à l’agonie

      Se lamente et se tord.

      L’ange du jugement embouche la trompette

      Et la voix va crier: Que justice soit faite,

      Le genre humain est mort!

      Je n’entendis plus rien. L’aube aux lèvres d’opale,

      Tout endormie encor, sur le vitrage pâle

      Jetait un froid rayon,

      Et je vis s’envoler, comme on voit quelque orfraye,

      Que sous l’arceau gothique une lueur effraye,

      L’étrange vision!

      La Mort dans la Vie

IV

      La mort est multiforme, elle change de masque

      Et d’habit plus souvent qu’une actrice fantasque;

      Elle sait se farder,

      Et ce n’est pas toujours cette maigre carcasse,

      Qui vous montre les dents et vous fait la grimace

      Horrible à regarder.

      Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière,

      Ils ne dorment pas tous sur des chevets de pierre

      A l’ombre des arceaux;

      Tous ne sont pas vêtus de la pâle livrée,

      Et la porte sur tous n’est pas encor murée

      Dans la nuit des caveaux.

      Il est des trépassés de diverse nature,

      Aux uns la puanteur avec la pourriture,

      Le palpable néant,

      L’horreur et le dégoût, l’ombre profonde et noire,

      Et le cercueil avide entr’ouvrant sa mâchoire

      Comme un monstre béant.

      Aux autres, que l’on voit sans qu’on s’en épouvante

      Passer et repasser dans la cité vivante

      Sous leur linceul de chair,

      L’invisible néant, la mort intérieure

      Que personne ne sait, que personne ne pleure,

      Même votre plus cher.

      Car, lorsque l’on s’en va dans les villes funèbres

      Visiter les tombeaux inconnus ou célèbres,

      De marbre ou de gazon;

      Qu’on ait ou qu’on n’ait pas quelque paupière amie

      Sous l’ombrage des ifs à jamais endormie,

      Qu’on soit en pleurs ou non,

      On dit: Ceux-là sont morts. La mousse étend son voile

      Sur leurs noms effacés; le ver file sa toile

      Dans le trou de leurs yeux;

      Leurs cheveux ont percé les planches de la bière,

      A côté de leurs os, leur chair tombe en poussière

      Sur les os des aïeux.

      Leurs héritiers, le soir, n’ont plus peur qu’ils reviennent;

      C’est à peine à présent si leurs chiens s’en souviennent.

      Enfumés et poudreux,

      Leurs portraits adorés traînent dans les boutiques,

      Leurs jaloux d’autrefois font leurs panégyriques;

      Tout est fini pour eux.

      L’ange de la douleur, sur leur tombe en prière,

      Est seul à les pleurer de ses larmes de pierre.

      Comme le ver leur corps,

      L’oubli ronge leur nom avec sa lune sourde;

      Ils ont pour draps de lit six pieds de terre lourde.

      Ils sont morts! et bien morts!

      Et peut-être une larme à votre âme échappée

      Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée,

      Filtre insensiblement.

      Qui les va réjouir dans leur triste demeure;

      Et leur coeur desséché, comprenant qu’on les

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