La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo
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Si l'homme ne sent pas l'âme en soi, cela ne veut pas dire qu'il n'a pas d'âme, mais cela prouve seulement qu'il n'a pas encore appris à la connaître.
Tant que nous ne comprenons pas ce qui est en nous, quel intérêt avons-nous à savoir ce qui est en dehors de nous? Et peut-on connaître le monde avant de s'être compris soi-même? Celui qui est aveugle chez lui, peut-il voir lorsqu'il est chez les autres?
De même que la bougie ne peut pas brûler sans feu, l'homme ne peut pas vivre sans force spirituelle. L'esprit vit dans tous les hommes, mais tous les hommes ne le savent pas.
La vie de ceux qui le savent est heureuse, et la vie de ceux qui l'ignorent est malheureuse.
Nous avons mesuré la terre, le soleil, les étoiles, les profondeurs des mers; nous descendons dans l'antre de la terre pour y chercher de l'or; nous avons trouvé des rivières et des montagnes sur la lune; nous découvrons de nouveaux astres et connaissons leurs dimensions; nous nivelons des précipices, nous construisons des machines compliquées; chaque jour apporte de nouvelles et toujours de nouvelles inventions. Que ne savons-nous pas? que de choses nous pouvons faire! Seulement, il y a une chose absolument essentielle qui nous manque. Et nous ne saurions préciser ce que c'est. Nous sommes pareils à un petit enfant: il sent qu'il n'est pas à son aise, mais il ne sait pas pourquoi.
Nous sommes malheureux, parce que nous savons beaucoup de choses inutiles et que nous ignorons l'essentiel, c'est nous-mêmes. Nous ne connaissons pas ce qui est en nous. Si nous savions et si nous nous souvenions de ce qui est en nous, notre vie serait toute différente.
Nous ne pouvons savoir ce qu'est en réalité tout ce qui est matériel en ce monde. Nous ne pouvons connaître parfaitement que ce qui est spirituel en nous-mêmes, ce qui est nous-mêmes et ce qui ne dépend ni de nos sentiments ni de nos pensées.
Les hommes croient souvent que seules les choses qu'ils peuvent toucher de leurs mains existent. Bien au contraire: existe seulement ce qu'on ne peut voir, ni entendre, ni palper, ce que nous appelons notre «moi» – notre âme.
Confucius disait: Le ciel et la terre sont grands, mais ils ont une couleur, une forme, une dimension, alors qu'en l'homme il y a quelque chose qui pense à tout et qui n'a ni couleur, ni forme, ni dimension. De sorte que si tout l'univers était mort, ce qui est en l'homme aurait donné la vie au monde.
Chacun de nous est un homme absolument distinct de tous les autres: un homme, une femme, un vieillard, un garçon, une fille; et dans chacun de nous, comme dans tous, réside le même être spirituel. Chacun de nous est donc Jean ou Nathalie et en même temps un être spirituel qui est le même dans tous les hommes. Et lorsque nous disons: Je veux, cela indique, parfois, ce que désirent Jean et Nathalie, mais d'autres fois ce que veut l'être spirituel qui est commun à nous tous. Et il arrive, parfois, que Jean et Nathalie veulent quelque chose, mais que l'être spirituel ne le veut pas et qu'il désire tout autre chose.
Dire que ce que nous appelons nous-mêmes n'est que notre chair, dire que ma raison, mon âme, mon amour ne dépendent que de mon corps, c'est prétendre que notre corps n'est que la nourriture dont notre chair s'alimente.
Il est vrai que mon corps n'est composé que d'aliments qu'il transforme, mais mon corps n'est pas aliment. Ceux-ci lui sont nécessaires pour vivre, mais ils ne sont pas le corps.
Il en est de même de l'âme. Il est vrai que, sans ma chair, ce que j'appelle âme n'existerait pas; mais mon âme n'est pas mon corps. Celui-ci est nécessaire à l'âme, mais il n'est pas l'âme.
Si l'âme n'existait pas, je ne saurais pas ce qu'est mon corps.
Les éléments de la vie ne sont pas dans le corps, mais dans l'âme.
Lorsque nous disons: cela est arrivé, cela arrivera ou cela pourra arriver, nous parlons de notre vie corporelle. Mais, en dehors de la vie corporelle qui a été et qui sera, nous reconnaissons en nous une autre vie: la vie spirituelle. Et cette vie-là n'a pas été, ne sera pas, mais est toujours. C'est cette vie qui est la vraie. L'homme est heureux lorsqu'il vit de la vie spirituelle, et non de la vie corporelle.
Le Christ apprend à connaître à l'homme qu'il y a en lui quelque chose qui le met au-dessus de cette vie, de ses misères, de ses craintes et de ses désirs.
L'homme qui a compris la doctrine du Christ se sent comme un oiseau qui, ignorant la présence de ses ailes, aurait compris brusquement qu'il pouvait voler, être libre et ne rien craindre.
Dans chaque homme il y a deux êtres: l'un: aveugle, matériel; l'autre: voyant clair, spirituel. L'un – l'être aveugle – mange, boit, travaille, se repose, se reproduit et fait tout comme une horloge réglée. L'autre – l'être spirituel – ne fait rien lui-même, mais ne fait qu'approuver ou désapprouver les actes de l'être aveugle et animal.
On appelle conscience la partie éclairée, spirituelle de l'homme. Cette partie spirituelle agit de même que les branches d'un compas. Celles-ci ne changent de place que lorsque celui qui tient les compas abandonne la direction qu'elles indiquent. Il en est de même de la conscience: elle se tait tant que l'homme fait ce qu'il doit, mais dès qu'il abandonne la bonne voie, elle lui montre où et à quel point il s'est trompé.
Lorsque nous apprenons qu'un homme a fait une mauvaise action, nous disons: il n'a pas de conscience. Qu'est-ce que la conscience? La conscience est la voix de l'être unique et spirituel qui réside en nous tous.
La conscience, c'est la manifestation de l'être spirituel qui vit dans tous les hommes. Et ce n'est que lorsqu'elle se manifeste qu'elle devient un directeur sûr de la vie des hommes. Car souvent les hommes prennent pour la conscience non pas la manifestation de l'être spirituel, mais simplement ce qui est considéré comme bon ou mauvais par les gens dont ils sont entourés.
La voix de la passion peut être plus forte que celle de la conscience; mais elle est tout autre que la voix calme et persuasive de la conscience. Celle-ci est la voix de l'Éternel, du divin qui vit en l'homme.
Le philosophe Kant disait que deux choses l'étonnaient le plus: les étoiles au ciel et la loi du bien dans l'âme humaine.
La vraie bonté est en toi-même, dans ton âme. Celui qui cherche le bien en dehors de lui-même, agit comme le pâtre qui cherche dans son troupeau l'agneau qu'il a caché sur sa poitrine.
L'homme a, d'abord, le sentiment de la séparation de son essence du reste de sa substance, c'est-à-dire de sa chair; ensuite, la conscience de ce qui est séparé, c'est-à-dire de son âme; enfin, la conscience de ce dont cette base spirituelle de la vie est séparée: la conscience du Tout, de Dieu.
C'est précisément cet élément, conscient d'être séparé du Tout, de Dieu, qui est l'unique être spirituel qui vit en chaque homme.
Reconnaître
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Théologien américain. (