Lettres intimes. Hector Berlioz
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Lettres intimes - Hector Berlioz страница 8
Je ne puis pas me livrer à la moindre composition importante; quand j'ai la force de travailler, je copie des parties pour le concert futur, et je n'ai pas beaucoup de temps à y consacrer; on me tourmente pour des articles de journaux. Je suis chargé de la correspondance, à peu près gratuite, de la Gazette musicale de Berlin. On me traduit en allemand; le propriétaire est à Paris dans ce moment, et il m'ennuie. Pour le Correspondant, un seul article a paru; comme dans le second, j'attaquais l'école italienne. M. de Carné m'a écrit avant-hier pour me prier d'en faire un autre sur un sujet différent. On a trouvé que j'étais un peu dur pour l'école italienne. La Prostituée trouve donc des amants même parmi les gens religieux.
Je prépare une notice bibliographique sur Beethoven.
J'ai mes entrées au théâtre allemand; le Freyschütz et Fidelio m'ont donné des sensations nouvelles, malgré le détestable orchestre des Italiens, dont la voix publique fait enfin justice; les journaux d'aujourd'hui surtout le tuent.
On m'a offert de me présenter à Rossini; je n'ai pas voulu, comme vous pensez bien; je n'aime pas ce Figaro, ou plutôt je le hais tous les jours davantage; ses plaisanteries absurdes sur Weber, au foyer du théâtre allemand, m'ont exaspéré; je regrettais bien de ne pas être de la conversation pour lui lâcher ma bordée.
Mon pauvre Ferrand, je vous écris de bien longues digressions qui ne vous intéressent guère; je suis porté à craindre que mes lettres n'aient plus pour vous l'intérêt d'autrefois. S'il ne s'était pas fait en vous quelque étrange changement, seriez-vous resté depuis si longtemps sans répondre à ma lettre qui accompagnait le paquet de musique? C'est pendant la semaine sainte que vous avez dû la recevoir. Vous ne m'avez même pas écrit un mot d'amitié après que je vous ai annoncé que je perdais toutes les espérances dont j'avais été bercé. Je ne suis pas plus avancé que le premier jour; cette passion me tuera; on a répété si souvent que l'espérance seule pouvait entretenir l'amour! Je suis bien la preuve du contraire. Le feu ordinaire a besoin d'air, mais le feu électrique brûle dans le vide. Tous les journaux anglais retentissent de cris d'admiration pour son génie. Je reste obscur. Quand j'aurai écrit une composition instrumentale, immense, que je médite, je veux pourtant aller à Londres la faire exécuter; que j'obtienne sous ses yeux un brillant succès!
O mon cher ami, je ne puis plus écrire: la faiblesse m'ôte la plume des doigts.
Adieu.
XV
Oui, mon cher ami, il est entièrement vrai que je n'ai pas reçu de vos nouvelles jusqu'à ce 11 juin; et il m'est impossible de concevoir ce que sont devenues vos lettres; peut-être le découvrirez-vous; j'en doute.
Je serais enchanté d'être annoncé dans le Journal de Genève, si vous pouvez l'obtenir. Je vous prie de ne pas vous laisser entraîner par votre amitié en parlant de mon ouvrage (Faust): rien ne paraît plus étrange aux lecteurs froids que cet enthousiasme qu'ils ne conçoivent pas. Je ne sais que vous dire pour le sommaire d'articles que vous me demandez; voyez celui de la Revue musicale, et parlez de chaque morceau en particulier; ou, si cela ne convient pas au cadre du journal, appuyez davantage sur le Premier chœur, le Concert des Sylphes, le Roi de Thulé et la Sérénade, et surtout sur le double orchestre du concert, dont la Revue n'a pas fait mention, puis quelques considérations sur le style mélodique et les innovations que vous aurez le mieux senties.
Je ne fais rien annoncer dans les autres journaux, parce que j'attends tous les jours la réponse de Goethe, qui m'a fait prévenir qu'il allait m'écrire et qui ne m'écrit pas. Dieu! quelle impatience j'éprouve de recevoir cette lettre. Je suis un peu mieux depuis deux jours. La semaine dernière, j'ai été pris d'un affaissement nerveux tel, que je ne pouvais presque plus marcher ni m'habiller le matin; on m'a conseillé des bains qui n'ont rien fait; je suis resté tranquille, et la jeunesse a repris le dessus. Je ne puis me faire à l'impossible. C'est précisément parce que c'est impossible que je suis si peu vivant.
Cependant il faut sans cesse m'occuper: j'écris une vie de Beethoven pour le Correspondant. Je ne puis trouver un instant pour composer; le reste du temps, il faut que je copie des parties.
Quelle vie!
Adieu.
XVI
Mon cher ami,
Je vous réponds courrier par courrier, comme vous me le demandez. J'ai reçu vos deux actes sans encombre. Je trouve le dernier magnifique; l'interrogatoire surtout est de la plus grande beauté; le dénouement vaut mille fois mieux que celui dont nous étions convenus. Les observations que j'ai à vous faire portent uniquement sur la coupe des morceaux de musique et le rapprochement trop fréquent de sensations semblables, qui amèneraient une monotonie désagréable au premier acte; mais nous reparlerons de cela.
Vous auriez déjà reçu depuis longtemps la musique que je dois vous envoyer; mais il faut bien finir par vous avouer le motif de ce retard. Depuis mon concert, mon père a pris une nouvelle boutade et ne veut plus m'envoyer ma pension, de sorte que je me trouve tellement à court d'argent, que les trente ou quarante francs que coûterait la copie de mes deux morceaux m'ont arrêté jusqu'à présent; je n'ai pas voulu demander à Auguste de me les prêter, parce que je lui dois déjà cinquante francs. Je ne puis pas copier moi-même, puisque, depuis quinze jours, je suis enfermé à l'Institut; cet abominable concours est pour moi de la dernière nécessité, puisqu'il donne de l'argent et qu'on ne peut rien faire sans ce vil métal.
Mon père n'a pas même voulu fournir à la dépense de mon séjour à l'Institut; c'est M. Lesueur qui y a pourvu. Je vous écrirai dès que j'aurai des nouvelles à vous apprendre. Le jeune Daudert, qui part le 12 du mois d'août, se chargera de vous porter la musique, si je puis l'avoir à cette époque. Je suis trop abattu pour vous écrire plus longuement. J'oubliais de vous dire que Gounet a fini son deuxième acte.
Adieu. Je suis bien aise que vous ayez fait la connaissance de Casimir Faure.
On donne la Vestale ce soir pour la première fois depuis sept mois, et je ne puis y aller; j'aurais eu des billets de madame Dabadie. C'est elle qui me chantera ma scène, elle me l'a promis.
XVII
Mon cher ami,
Je vous envoie enfin la musique que vous attendez depuis si longtemps; il y a de ma faute et de celle de mon imprimeur. Pour moi, le concours de l'Institut m'excuse un peu, et toutes les nouvelles agitations, the new pangs of my despised love, me justifient malheureusement trop de ne penser à rien. Oui, mon pauvre et cher ami, mon cœur est le foyer d'un horrible incendie; c'est une forêt vierge que la foudre a embrasée; de temps en temps, le feu semble assoupi, puis un coup de vent… un éclat nouveau… le cri des arbres s'abîmant dans la flamme, révèlent l'épouvantable puissance du fléau dévastateur.
Il est inutile d'entrer dans les détails des nouvelles secousses que j'ai reçues dernièrement; mais tout se réunit. Cet absurde et honteux concours de l'Institut vient de me faire le plus grand tort à cause de mes parents. Ces messieurs les juges, qui ne sont pas les Francs Juges, ne veulent pas, disent-ils, m'encourager dans une fausse route. Boïeldieu m'a dit:
– Mon cher ami, vous aviez le prix dans la main, vous l'avez jeté à terre. J'étais venu avec la ferme conviction que vous l'auriez; mais quand j'ai entendu votre ouvrage!.. Comment voulez-vous que je donne