Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 2. Bastiat Frédéric

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Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 2 - Bastiat Frédéric

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question est toujours pendante, s'étend à tous les impôts, et aucun de nous n'entend aliéner, à cet égard, la liberté de son opinion.

      «Mais voici que quelques propriétaires de jardins veulent systématiquement empêcher l'entrée des légumes afin de mieux vendre les leurs; voici que, pour justifier cette prétention, ils émettent une bizarre théorie de l'échange, qui représente ce fondement de toute société comme funeste en soi; voici que cette théorie envahit les convictions de nos concitoyens et que nous sommes menacés de la voir appliquée successivement à tous les articles du tarif de l'octroi; voici que, grâce à cette théorie qui décrédite les importations, les arrivages vont diminuer, jusqu'à affaiblir les recettes de l'octroi, en sorte que nous verrons accroître dans la même proportion les autres impôts: nous nous associons pour combattre cette théorie, pour la ruiner dans les intelligences, afin que la force de l'opinion fasse cesser l'influence qu'elle a exercée et qu'elle menace d'exercer encore sur nos tarifs.»

      20. – LE MONDE RENVERSÉ

18 Avril 1847.

      Un navire arriva au Havre, ces jours-ci, après un long voyage.

      Un jeune officier, quelque peu démocrate, débarque, et rencontrant un de ses amis: Oh! des nouvelles, des nouvelles! lui dit-il, j'en suis affamé.

      – Et nous, nous sommes affamés aussi. Le pain est hors de prix. Chacun emploie à s'en procurer tout ce qu'il gagne; l'énorme dépense qui en résulte arrête la consommation de tout ce qui n'est pas subsistance, en sorte que l'industrie souffre, les ateliers se ferment, et les ouvriers voient baisser leurs salaires en même temps que le pain renchérit.

      – Et que disent les journaux?

      – Ils ne sont pas d'accord. Les uns veulent laisser entrer le blé et la viande afin que le peuple soit soulagé, que les aliments baissent de prix, que toutes les autres consommations reprennent, que le travail soit ranimé et que la prospérité générale renaisse; les autres font à la libre entrée des subsistances une guerre ouverte ou sourde, mais toujours acharnée.

      – Et quels sont les journaux pour et contre?

      – Devine.

      – Parbleu! le journal des Débats défend les gros propriétaires, et le National le peuple.

      – Non, les Débats réclament la liberté et le National la combat.

      – Qu'entends-je? que s'est-il donc passé?

      – Les mariages espagnols.

      – Qu'est-ce que les mariages espagnols, et quel rapport ont-ils avec les souffrances du peuple?

      – Un prince français a épousé une princesse espagnole. Cela a déplu à un homme qui s'appelle lord Palmerston. Or, le National accuse les Débats de vouloir ruiner tous les propriétaires français pour apaiser le courroux de ce lord. – Et le National, qui est très-patriote, veut que le peuple de France paye le pain et la viande cher pour faire pièce au peuple d'Angleterre.

      – Quoi! c'est ainsi qu'on traite la question des subsistances?

      – C'est ainsi que, depuis ton départ, on traite toutes les questions.

      21. – SUR L'EXPORTATION DU NUMÉRAIRE

11 Décembre 1847.

      À l'occasion de la situation financière et commerciale de la Grande-Bretagne, le National s'exprime ainsi:

      «La crise a dû être d'autant plus violente, que les produits étrangers, les céréales, ne s'échangeaient pas contre des produits anglais. La balance entre les importations et les exportations était toute au désavantage de la Grande-Bretagne, et la différence se soldait en or. Il y aurait lieu, à cette occasion, d'examiner la part de responsabilité qui revient au libre-échange dans ce résultat; mais nous nous réservons de le faire plus tard. Contentons-nous de constater aujourd'hui que cette vieillerie qu'on appelle la balance du commerce, si dédaignée, si méprisée, du reste, par certaine école économiste, mérite cependant qu'on y prenne garde; et la Grande-Bretagne, en comparant ce qu'elle a reçu à ce qu'elle a envoyé depuis un an, doit s'apercevoir que les plus belles théories ne peuvent rien contre ce fait très-simple: quand on achète du blé en Russie, et que la Russie ne prend pas en échange du calicot anglais, il faut payer bel et bien ce blé en argent. Or, le blé consommé, l'argent exporté, que reste-t-il à l'acheteur? Son calicot, peut-être, c'est-à-dire une valeur dont il ne sait que faire et qui dépérit entre ses mains.»

      Nous serions curieux de savoir si le National regarde en effet la balance du commerce comme une vieillerie, ou si cette expression, prise dans un sens ironique, a pour objet de railler une certaine école qui se permet de regarder, en effet, la balance du commerce comme une vieillerie. «La question vaut la peine qu'on y prenne garde,» dit le National. Oui, certes, elle en vaut la peine, et c'est pour cela que nous aurions voulu que cette feuille fût un peu plus explicite.

      Il est de fait que chaque négociant, pris isolément, fort attentif à sa propre balance, ne se préoccupe pas le moins du monde de la balance générale du commerce. Or, il est à remarquer que ces deux balances apprécient les choses d'une manière si opposée, que ce que l'une nomme perte, l'autre l'appelle profit, et vice versâ.

      Ainsi, le négociant qui a acheté en France pour 10,000 fr. de vin, et l'a vendu pour le double de cette somme aux États-Unis, recevant en payement et faisant entrer en France 20,000 fr. de coton, croit avoir fait une bonne affaire. – Et la balance du commerce enseigne qu'il a perdu son capital tout entier.

      On conçoit combien il importe de savoir à quoi s'en tenir sur cette doctrine; car, si elle est juste, les négociants tendent invinciblement à se ruiner, à ruiner le pays, et l'État doit s'empresser de les mettre tous en tutelle, – ce qu'il fait.

      Ce n'est pas le seul motif qui oblige tout publiciste digne de ce nom à se faire une opinion sur cette fameuse balance du commerce; car, selon qu'il y croit ou non, il est conduit nécessairement à une politique toute différente.

      Si la théorie de la balance du commerce est vraie, si le profit national consiste à augmenter la masse du numéraire, il faut peu acheter au dehors, afin de ne pas laisser sortir des métaux précieux, et beaucoup vendre, afin d'en faire entrer. Pour cela, il faut empêcher, restreindre et prohiber. Donc, point de liberté au dedans; – et comme chaque peuple adopte les mêmes mesures, il n'y a d'espoir que dans la force pour réduire l'étranger à la dure condition de consommateur ou tributaire. De là les conquêtes, les colonies, la violence, la guerre, les grandes armées, les puissantes marines, etc.

      Si, au contraire, la balance du négociant est un thermomètre plus fidèle que la balance du commerce, – pour toute valeur donnée sortie de France, – il est à désirer qu'il entre la plus grande valeur possible, c'est-à-dire que le chiffre des importations surpasse le plus possible dans les états de douane, le chiffre des exportations. Or, comme tous les efforts des négociants ont ce résultat en vue, – dès qu'il est conforme au bien général, il n'y a qu'à les laisser faire. La liberté et la paix sont les conséquences nécessaires de cette doctrine.

      L'opinion que l'exportation du numéraire constitue une perte étant très-répandue, et selon nous très-funeste, qu'il nous soit permis de saisir cette occasion d'en dire un mot.

      Un homme qui a un métier, par exemple un chapelier,

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