Oliver Twist. Dickens Charles

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Oliver Twist - Dickens Charles

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apprentissage, monsieur! dit l'enfant tout tremblant.

      – Oui, Olivier, dit M. Bumble; les hommes bienfaisants et généreux qui vous tiennent lieu de père, Olivier, puisque vous n'en avez pas, vont vous mettre en apprentissage, vous lancer dans la vie, faire de vous un homme, bien qu'il en coûte à la paroisse trois livres dix schellings. Trois livres dix schellings, Olivier! soixante-dix schellings! Cent quarante pièces de six pence! Et tout cela pour un misérable orphelin, qui n'est aimé de personne!»

      M. Bumble s'arrêta pour reprendre haleine, après avoir prononcé cette allocution d'un ton doctoral; les larmes inondaient le visage du pauvre enfant et il sanglotait amèrement.

      «Allons, dit M. Bumble avec moins d'emphase, car son amour-propre était flatté de l'impression que causait son éloquence; allons, Olivier, essuyez vos yeux avec les manches de votre veste, et ne pleurez pas dans votre gruau; c'est agir comme un sot, Olivier.» Sans aucun doute, car il y avait déjà assez d'eau dans le gruau sans cela.

      En se rendant chez le magistrat, M. Bumble apprit à Olivier que tout ce qu'il avait à faire, c'était de paraître bien content, et, quand on lui demanderait s'il voulait entrer en apprentissage, de dire qu'il ne demandait pas mieux. Olivier promit d'obtempérer à ces deux injonctions, d'autant plus que M. Bumble lui donna doucement à entendre que, s'il y manquait, on ne pouvait répondre de ce qui lui en adviendrait. Arrivé au bureau du magistrat, il fut enfermé seul dans un petit cabinet, où M. Bumble lui ordonna de l'attendre.

      L'enfant y resta une demi-heure, palpitant de crainte, et au bout de ce temps M. Bumble entr'ouvrit la porte, montra sa tête sans tricorne et dit à haute voix:

      «Olivier, mon ami, venez trouver le magistrat.» En même temps, lançant à l'enfant un regard menaçant, il ajouta tout bas: «Attention à ce que je t'ai dit, petit vaurien.»

      En entendant ces deux manières de parler un peu contradictoires, Olivier regarda ingénument M. Bumble avec de grands yeux; mais celui-ci prévint toute observation de la part de l'enfant, en l'introduisant tout de suite dans une pièce voisine, dont la porte était ouverte. C'était une grande salle avec une grande fenêtre. Derrière un bureau élevé, siégeaient deux vieux messieurs à tête poudrée, dont l'un lisait un journal, tandis que l'autre, à l'aide d'une paire de lunettes d'écaille, parcourait un petit parchemin étalé devant lui. Devant le bureau, M. Limbkins était debout d'un côté, et de l'autre M. Gamfield, avec sa figure noire de suie, tandis que deux ou trois gros gaillards à bottes à revers paradaient dans la salle.

      Le vieux monsieur à lunettes s'assoupit peu à peu sur le petit morceau de parchemin, et il y eut une courte pause, après qu'Olivier eut été placé par M. Bumble en face du bureau.

      «Voici l'enfant, Votre Honneur,» dit M. Bumble.

      Le vieux monsieur qui lisait le journal leva un instant la tête, et éveilla son voisin en le tirant par la manche.

      «Ah! voici l'enfant? dit le vieux monsieur.

      – Oui, monsieur, répondit M. Bumble. Saluez le magistrat, mon ami.

      Olivier s'arma de courage et salua de son mieux. Les yeux fixés sur la perruque poudrée des magistrats, il se demandait s'ils venaient tous au monde avec cette étoupe blanche sur la tête, et si c'était à cela qu'ils étaient redevables d'être magistrats.

      «Eh bien! dit le vieux monsieur, je suppose qu'il a du goût pour l'état de ramoneur?

      – Il en raffole, Votre Honneur, répondit Bumble en pinçant sournoisement Olivier, pour lui faire comprendre qu'il ne devait pas dire le contraire.

      – Il veut être ramoneur, n'est-ce pas? demanda le vieux monsieur.

      – Si demain on voulait lui faire embrasser un autre état, il se sauverait immédiatement, répondit Bumble.

      – Et voici l'homme qui doit être son maître? Vous, monsieur? Vous le traiterez bien, n'est-ce pas? Vous le nourrirez, enfin vous en aurez bien soin? dit le vieux monsieur.

      – Quand je dis oui, c'est oui, répondit M. Gamfield d'un air rébarbatif.

      – Vous avez le ton brusque, mon ami, mais vous avez l'air d'un honnête homme plein de franchise, dit le vieux monsieur en tournant ses lunettes vers le candidat à la prime de cinq livres sterling, dont l'extérieur hideux respirait la cruauté; mais le magistrat était presque aveugle et moitié en enfance: aussi ne pouvait-on s'attendre qu'il vit aussi clair que tout le monde.

      – Je m'en flatte, monsieur, dit M. Gamfield avec un affreux sourire.

      – Je n'en doute pas, mon ami, répondit le vieux monsieur en affermissant ses lunettes sur son nez et en cherchant des yeux l'encrier.

      C'était le moment critique de la destinée d'Olivier. Si l'encrier s'était trouvé à la place où le vieux monsieur le cherchait, il y eût trempé sa plume, il eût signé l'acte d'apprentissage, et Olivier eût été emmené sur l'heure. Mais le hasard voulut que l'encrier fût précisément sous son nez, et qu'il le cherchât des yeux de tous côtés sans l'apercevoir. Pendant cette recherche, il jeta les yeux en face de lui, et son regard rencontra la figure pâle et bouleversée d'Olivier Twist, qui, en dépit des coups d'oeil significatifs et des pinçons de Bumble, considérait l'extérieur affreux de son futur maître avec une expression d'horreur et de crainte, trop visible pour échapper même à un magistrat à demi aveugle.

      Le vieux monsieur s'arrêta, posa sa plume et regarda M. Limbkins qui prit une prise de tabac, en affectant un air de gaieté et d'indifférence.

      «Mon enfant,» dit le vieux monsieur en se penchant sur le bureau.

      Olivier tressaillit à cette parole, et on peut excuser son trouble, car ces mots étaient dits d'un ton bienveillant, et un bruit inconnu effraye toujours; il trembla de tout son corps et fondit en larmes.

      «Mon enfant, dit le vieux monsieur, vous avez l'air pâle et épouvanté; pourquoi cela?

      – Éloignez-vous un peu de lui, bedeau, dit l'autre magistrat en posant son journal et en se penchant vers Olivier d'un air d'intérêt. Voyons, mon enfant, qu'avez-vous? n'ayez pas peur.»

      Olivier tomba à genoux, et, joignant les mains, supplia les magistrats d'ordonner qu'on le ramenât au cachot, disant qu'il aimait mieux mourir de faim, être battu, être tué même, si on voulait, plutôt que d'être remis à cet homme qui le faisait trembler.

      «Bien! dit M. Bumble levant les yeux et les mains de l'air le plus majestueux. Bien, Olivier! De tous les orphelins rusés et trompeurs que j'aie jamais vus, tu es bien un des plus effrontés.

      – Taisez-vous, bedeau, dit le second magistrat, quand M. Bumble eût achevé ce superlatif.

      – Je demande pardon à Votre Honneur, dit M. Bumble, qui ne pouvait en croire ses oreilles; est-ce à moi que s'adresse Votre Honneur?

      – Oui, taisez-vous.»

      Bumble demeura stupéfait: ordonner à un bedeau de se taire! c'était le monde renversé!

      Le vieux monsieur à lunettes d'écaille regarda son collègue, et lui fit un mouvement de tête qui témoignait de son approbation.

      «Nous refusons notre sanction à cet acte d'apprentissage, dit le magistrat, et en même temps il jeta de côté la feuille de parchemin.

      – J'espère, balbutia M. Limbkins,

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