Жерминаль. Книга для чтения на французском языке. Эмиль Золя

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Жерминаль. Книга для чтения на французском языке - Эмиль Золя Чтение в оригинале (Каро)

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le regarda un moment en silence. Elle devait le trouver joli, avec son visage fin et ses moustaches noires. Vaguement, elle souriait de plaisir.

      – Alors, tu es machineur, et on t’a renvoyé de ton chemin de fer… Pourquoi?

      – Parce que j’avais giflé mon chef.

      Elle demeura stupéfaite, bouleversée dans ses idées héréditaires de subordination, d’obéissance passive.

      – Je dois dire que j’avais bu, continua-t-il, et quand je bois, cela me rend fou, je me mangerais et je mangerais les autres… Oui, je ne peux pas avaler deux petits verres, sans avoir le besoin de manger un homme… Ensuite, je suis malade pendant deux jours.

      – Il ne faut pas boire, dit-elle sérieusement.

      – Ah! n’aie pas peur, je me connais!

      Et il hochait la tête, il avait une haine de l’eau-de-vie, la haine du dernier enfant d’une race d’ivrognes, qui souffrait dans sa chair de toute cette ascendance trempée et détraquée d’alcool, au point que la moindre goutte en était devenue pour lui un poison.

      – C’est à cause de maman que ça m’ennuie d’avoir été mis à la rue, dit-il après avoir avalé une bouchée. Maman n’est pas heureuse, et je lui envoyais de temps à autre une pièce de cent sous.

      – Où est-elle donc, ta mère?

      – A Paris… Blanchisseuse, rue de la Goutte-d’Or.

      Il y eut un silence. Quand il pensait à ces choses, un vacillement pâlissait ses yeux noirs, la courte angoisse de la lésion dont il couvait l’inconnu, dans sa belle santé de jeunesse. Un instant, il resta les regards noyés au fond des ténèbres de la mine; et, à cette profondeur, sous le poids et l’étouffement de la terre, il revoyait son enfance, sa mère jolie encore et vaillante, lâchée par son père, puis reprise après s’être mariée à un autre, vivant entre les deux hommes qui la mangeaient, roulant avec eux au ruisseau, dans le vin, dans l’ordure. C’était là-bas, il se rappelait la rue, des détails lui revenaient: le linge sale au milieu de la boutique, et des ivresses qui empuantissaient la maison, et des gifles à casser les mâchoires.

      – Maintenant, reprit-il d’une voix lente, ce n’est pas avec trente sous que je pourrai lui faire, des cadeaux… Elle va crever de misère, c’est sûr.

      Il eut un haussement d’épaules désespéré, il mordit de nouveau dans sa tartine.

      – Veux-tu boire? demanda Catherine qui débouchait sa gourde. Oh! c’est du café, ça ne te fera pas de mal… On étouffe, quand on avale comme ça.

      Mais il refusa: c’était bien assez de lui avoir pris la moitié de son pain. Pourtant, elle insistait d’un air de bon coeur, elle finit par dire:

      – Eh bien! je bois avant toi, puisque tu es si poli… Seulement, tu ne peux plus refuser à présent, ce serait vilain.

      Et elle lui tendit sa gourde. Elle s’était relevée sur les genoux, il la voyait tout près de lui, éclairée par les deux lampes. Pourquoi donc l’avait-il trouvée laide? Maintenant qu’elle était noire, la face poudrée de charbon fin, elle lui semblait d’un charme singulier. Dans ce visage envahi d’ombre, les dents de la bouche trop grande éclataient de blancheur, les yeux s’élargissaient, luisaient avec un reflet verdâtre, pareils à des yeux de chatte. Une mèche des cheveux roux, qui s’était échappée du béguin, lui chatouillait l’oreille et la faisait rire. Elle ne paraissait plus si jeune, elle pouvait bien avoir quatorze ans tout de même.

      – Pour te faire plaisir, dit-il, en buvant et en lui rendant la gourde.

      Elle avala une seconde gorgée, le força à en prendre une aussi, voulant partager, disait-elle; et ce goulot mince, qui allait d’une bouche à l’autre, les amusait. Lui, brusquement, s’était demandé s’il ne devait pas la saisir dans ses bras, pour la baiser sur les lèvres. Elle avait de grosses lèvres d’un rose pâle, avivées par le charbon, qui le tourmentaient d’une envie croissante. Mais il n’osait pas, intimidé devant elle, n’ayant eu à Lille que des filles, et de l’espèce la plus basse, ignorant comment on devait s’y prendre avec une ouvrière encore dans sa famille.

      – Tu dois avoir quatorze ans alors? demanda-t-il, après s’être remis à son pain.

      Elle s’étonna, se fâcha presque.

      – Comment! quatorze! mais j’en ai quinze!.. C’est vrai, je ne suis pas grosse. Les filles, chez nous, ne poussent guère vite.

      Il continua à la questionner, elle disait tout, sans effronterie ni honte. Du reste, elle n’ignorait rien de l’homme ni de la femme, bien qu’il la sentît vierge de corps, et vierge enfant, retardée dans la maturité de son sexe par le milieu de mauvais air et de fatigue où elle vivait. Quand il revint sur la Mouquette, pour l’embarrasser, elle conta des histoires épouvantables, la voix paisible, très égayée. Ah! celle-là en faisait de belles! Et, comme il désirait savoir si elle-même n’avait pas d’amoureux, elle répondit en plaisantant qu’elle ne voulait pas contrarier sa mère, mais que cela arriverait forcément un jour. Ses épaules s’étaient courbées, elle grelottait un peu dans le froid de ses vêtements trempés de sueur, la mine résignée et douce, prête à subir les choses et les hommes.

      – C’est qu’on en trouve, des amoureux, quand on vit tous ensemble, n’est-ce pas?

      – Bien sûr.

      – Et puis, ça ne fait du mal à personne… On ne dit rien au curé.

      – Oh! le curé, je m’en fiche!.. Mais il y a l’Homme noir.

      – Comment, l’Homme noir?

      – Le vieux mineur qui revient dans la fosse et qui tord le cou aux vilaines filles.

      Il la regardait, craignant qu’elle ne se moquât de lui.

      – Tu crois à ces bêtises, tu ne sais donc rien?

      – Si fait, moi, je sais lire et écrire… Ça rend service chez nous, car du temps de papa et de maman, on n’apprenait pas.

      Elle était décidément très gentille. Quand elle aurait fini sa tartine, il la prendrait et la baiserait sur ses grosses lèvres roses. C’était une résolution de timide, une pensée de violence qui étranglait sa voix. Ces vêtements de garçon, cette veste et cette culotte sur cette chair de fille, l’excitaient et le gênaient. Lui, avait avalé sa dernière bouchée. Il but à la gourde, la lui rendit pour qu’elle la vidât. Maintenant, le moment d’agir était venu, et il jetait un coup d’oeil inquiet vers les mineurs, au fond, lorsqu’une ombre boucha la galerie.

      Depuis un instant, Chaval, debout, les regardait de loin. Il s’avança, s’assura que Maheu ne pouvait le voir; et, comme Catherine était restée à terre, sur son séant, il l’empoigna par les épaules, lui renversa la tête, lui écrasa la bouche sous un baiser brutal, tranquillement, en affectant de ne pas se préoccuper d’Étienne. Il y avait, dans ce baiser, une prise de possession, une sorte de décision jalouse.

      Cependant, la jeune fille s’était révoltée.

      – Laisse-moi, entends-tu!

      Il lui maintenait la tête, il la regardait au fond des yeux. Ses moustaches et sa barbiche rouges

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