Жерминаль. Книга для чтения на французском языке. Эмиль Золя

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Жерминаль. Книга для чтения на французском языке - Эмиль Золя Чтение в оригинале (Каро)

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venait de le prier d’attendre une minute, pour qu’elle le conduisît à sa chambre, où il se débarbouillerait. Devait-il rester? Une hésitation l’avait repris, un malaise qui lui faisait regretter la liberté des grandes routes, la faim au soleil, soufferte avec la joie d’être son maître. Il lui semblait qu’il avait vécu là des années, depuis son arrivée sur le terri, au milieu des bourrasques, jusqu’aux heures passées sous la terre, à plat ventre dans les galeries noires. Et il lui répugnait de recommencer, c’était injuste et trop dur, son orgueil d’homme se révoltait, à l’idée d’être une bête qu’on aveugle et qu’on écrase.

      Pendant qu’Étienne se débattait ainsi, ses yeux, qui erraient sur la plaine immense, peu à peu l’aperçurent. Il s’étonna, il ne s’était pas figuré l’horizon de la sorte, lorsque le vieux Bonnemort le lui avait indiqué du geste, au fond des ténèbres. Devant lui, il retrouvait bien le Voreux, dans un pli de terrain, avec ses bâtiments de bois et de briques, le criblage goudronné, le beffroi couvert d’ardoises, la salle de la machine et la haute cheminée d’un rouge pâle, tout cela tassé, l’air mauvais. Mais, autour des bâtiments, le carreau s’étendait, et il ne se l’imaginait pas si large, changé en un lac d’encre par les vagues montantes du stock de charbon, hérissé des hauts chevalets qui portaient les rails des passerelles, encombré dans un coin de la provision des bois, pareille à la moisson d’une forêt fauchée. Vers la droite, le terri barrait la vue, colossal comme une barricade de géants, déjà couvert d’herbe dans sa partie ancienne, consumé à l’autre bout par un feu intérieur qui brûlait depuis un an, avec une fumée épaisse, en laissant à la surface, au milieu du gris blafard des schistes et des grès, de longues traînées de rouille sanglante. Puis, les champs se déroulaient, des champs sans fin de blé et de betteraves, nus à cette époque de l’année, des marais aux végétations dures, coupés de quelques saules rabougris, des prairies lointaines, que séparaient des files maigres de peupliers. Très loin, de petites taches blanches indiquaient des villes, Marchiennes au nord, Montsou au midi; tandis que la forêt de Vandame, à l’est, bordait l’horizon de la ligne violâtre de ses arbres dépouillés. Et, sous le ciel livide, dans le jour bas de cet après-midi d’hiver, il semblait que tout le noir du Voreux, toute la poussière volante de la houille se fût abattue sur la plaine, poudrant les arbres, sablant les routes, ensemençant la terre.

      Alors, Étienne, brusquement, se décida. Peut-être avait-il cru revoir les yeux clairs de Catherine, là-haut, à l’entrée du coron. Peut-être était-ce plutôt un vent de révolte, qui venait du Voreux. Il ne savait pas, il voulait redescendre dans la mine pour souffrir et se battre, il songeait violemment à ces gens dont parlait Bonnemort, à ce dieu repu et accroupi, auquel dix mille affamés donnaient leur chair, sans le connaître.

      Deuxième partie

      I

      La propriété des Grégoire, la Piolaine, se trouvait à deux kilomètres de Montsou, vers l’est, sur la route de Joiselle. C’était une grande maison carrée, sans style, bâtie au commencement du siècle dernier. Des vastes terres qui en dépendaient d’abord, il ne restait qu’une trentaine d’hectares, clos de murs, d’un facile entretien. On citait surtout le verger et le potager, célèbres par leurs fruits et leurs légumes, les plus beaux du pays. D’ailleurs, le parc manquait, un petit bois en tenait lieu. L’avenue de vieux tilleuls, une voûte de feuillage de trois cents mètres, plantée de la grille au perron, était une des curiosités de cette plaine rase, où l’on comptait les grands arbres, de Marchiennes à Beaugnies.

      Ce matin-là, les Grégoire s’étaient levés à huit heures. D’habitude, ils ne bougeaient guère qu’une heure plus tard, dormant beaucoup, avec passion; mais la tempête de la nuit les avait énervés. Et, pendant que son mari était allé voir tout de suite si le vent n’avait pas fait de dégâts, Mme Grégoire venait de descendre à la cuisine, en pantoufles et en peignoir de flanelle. Courte, grasse, âgée déjà de cinquante-huit ans, elle gardait une grosse figure poupine et étonnée, sous la blancheur éclatante de ses cheveux.

      – Mélanie, dit-elle à la cuisinière, si vous faisiez la brioche ce matin, puisque la pâte est prête. Mademoiselle ne se lèvera pas avant une demi-heure, et elle en mangerait avec son chocolat… Hein! ce serait une surprise.

      La cuisinière, vieille femme maigre qui les servait depuis trente ans, se mit à rire.

      – Ça, c’est vrai, la surprise serait fameuse… Mon fourneau est allumé, le four doit être chaud; et puis, Honorine va m’aider un peu.

      Honorine, une fille d’une vingtaine d’années, recueillie enfant et élevée à la maison, servait maintenant de femme de chambre. Pour tout personnel, outre ces deux femmes, il n’y avait que le cocher, Francis, chargé des gros ouvrages. Un jardinier et une jardinière s’occupaient des légumes, des fruits, des fleurs et de la basse-cour. Et, comme le service était patriarcal, d’une douceur familière, ce petit monde vivait en bonne amitié.

      Mme Grégoire, qui avait médité dans son lit la surprise de la brioche, resta pour voir mettre la pâte au four. La cuisine était immense, et on la devinait la pièce importante, à sa propreté extrême, à l’arsenal des casseroles, des ustensiles, des pots qui l’emplissaient. Cela sentait bon la bonne nourriture. Des provisions débordaient des râteliers et des armoires.

      – Et qu’elle soit bien dorée, n’est-ce pas? recommanda Mme Grégoire en passant dans la salle à manger.

      Malgré le calorifère qui chauffait toute la maison, un feu de houille égayait cette salle. Du reste, il n’y avait aucun luxe: la grande table, les chaises, un buffet d’acajou; et, seuls, deux fauteuils profonds trahissaient l’amour du bien-être, les longues digestions heureuses. On n’allait jamais au salon, on demeurait là, en famille.

      Justement, M. Grégoire rentrait, vêtu d’un gros veston de futaine, rose lui aussi pour ses soixante ans, avec de grands traits honnêtes et bons, dans la neige de ses cheveux bouclés. Il avait vu le cocher et le jardinier: aucun dégât important, rien qu’un tuyau de cheminée abattu. Chaque matin, il aimait à donner un coup d’oeil à la Piolaine, qui n’était pas assez grande pour lui causer des soucis, et dont il tirait tous les bonheurs du propriétaire.

      – Et Cécile? demanda-t-il, elle ne se lève donc pas, aujourd’hui?

      – Je n’y comprends rien, répondit sa femme. Il me semblait l’avoir entendue remuer.

      Le couvert était mis, trois bols sur la nappe blanche. On envoya Honorine voir ce que devenait Mademoiselle. Mais elle redescendit aussitôt, retenant des rires, étouffant sa voix, comme si elle eût parlé en haut, dans la chambre.

      – Oh! si monsieur et madame voyaient mademoiselle!.. Elle dort, oh! elle dort, ainsi qu’un Jésus… On n’a pas idée de ça, c’est un plaisir à la regarder.

      Le père et la mère échangeaient des regards attendris. Il dit en souriant:

      – Viens-tu voir?

      – Cette pauvre mignonne! murmura-t-elle. J’y vais.

      Et ils montèrent ensemble. La chambre était la seule luxueuse de la maison, tendue de soie bleue, garnie de meubles laqués, blancs à filets bleus, un caprice d’enfant gâtée satisfait par les parents. Dans les blancheurs vagues du lit, sous le demi-jour qui tombait de l’écartement d’un rideau, la jeune fille dormait, une joue appuyée sur son bras nu. Elle n’était pas jolie, trop saine, trop bien portante, mûre à dix-huit ans; mais elle avait une chair superbe, une fraîcheur de lait, avec ses cheveux châtains, sa face ronde au petit nez volontaire, noyé entre les joues. La couverture avait glissé, et elle respirait si doucement, que son haleine ne soulevait même

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