Le comte de Moret. Dumas Alexandre
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– Non.
– Vous ne connaissez pas Fargis?
– Fargis, la femme de notre ambassadeur en Espagne?
– Justement! On l'a placée près de la reine après la fameuse scène des jardins d'Amiens dont je vous parlais tout à l'heure et qui nous a fait exiler toutes.
– Eh bien! à la bonne heure, dit le comte de Moret en éclatant de rire, voilà une reine bien gardée, avec la duchesse de Chevreuse à la tête de son lit et Mme de Fargis au pied! Ah! mon pauvre frère Louis XIII!.. Avouez, duchesse, qu'il n'a pas de chance.
– Mais savez-vous, monseigneur, que vous êtes impertinent à ravir, et qu'il est bien heureux que nous soyons arrivés?
– Nous sommes donc arrivés?
La duchesse tira une clef de sa poche et ouvrit la porte d'un corridor obscur.
– Voilà votre chemin, monseigneur, dit-elle.
– Je présume que vous n'avez pas la prétention de me faire entrer là-dedans?
– Au contraire, vous allez y entrer, et tout seul même.
– Bon! l'on a juré ma mort. Je vais trouver quelque trappe ouverte sous mes pieds et bonsoir à Antoine de Bourbon! Au fait, je n'y perdrai pas grand'chose, les femmes me traitent si mal.
– Ingrat! Si vous connaissiez celle qui vous attend à l'autre bout de ce corridor…
– Comment! s'écria le comte de Moret, au bout de ce corridor, je suis attendu par une femme?
– Ce sera la troisième de la soirée, et vous vous plaignez, bel Amadis?
– Non, je ne me plains pas. Au revoir, duchesse!
– Prenez garde à la trappe.
La duchesse referma la porte sur le comte, qui se trouva dans la plus complète obscurité.
Le comte hésita un instant. Il ignorait complétement où il était. Il eut d'abord l'idée de revenir sur ses pas, mais le bruit de la clef tournant dans la serrure et fermant la porte à double tour l'arrêta.
Enfin, après quelques secondes d'hésitation, décidé à pousser l'aventure jusqu'au bout:
– Ventre-saint-gris! se dit-il, la belle duchesse a dit que j'étais le fils légitime de Henri IV, ne la faisons pas mentir.
Et il s'avança vers l'extrémité du corridor opposée à celle par laquelle il était entré, retenant son haleine, marchant à tâtons et les bras en avant.
A peine eut-il fait vingt pas dans l'obscurité la plus profonde, avec cette hésitation que l'homme le plus brave éprouve dans les ténèbres, qu'il entendit un frôlement de robe et une respiration qui semblaient venir à lui.
Il s'arrêta. Le frôlement et la respiration s'arrêtèrent.
Il cherchait comment il adresserait la parole à ce bruit charmant, lorsqu'une voix douce et tremblante demanda:
– Est-ce vous, monseigneur?
La voix était à deux pas à peine.
– Oui, répondit le comte.
Le comte fit un pas en avant, et rencontra une main étendue cherchant sa main, mais à peine l'eut-il touchée qu'elle se retira, timide comme la sensitive.
Un léger cri, qui tenait le milieu entre la surprise et la crainte, se fit entendre et passa, aux oreilles du prince, faible et mélodieux comme le soupir d'un sylphe ou la vibration d'une harpe éolienne.
Le comte tressaillit; il venait d'éprouver une sensation complétement nouvelle, et par conséquent complétement inconnue.
Cette sensation était délicieuse.
– Oh! murmura-t-il, où êtes vous?
– Ici, balbutia la voix.
– On m'avait dit que je trouverais une main pour me guider, ne connaissant pas mon chemin. Cette main, me la refuserez-vous?
Il y eut un moment sensible d'hésitation chez la personne à laquelle cette demande était adressée; mais presque aussitôt, cependant:
– La voici, dit-elle.
Le comte saisit de ses deux mains la main qu'on lui présentait et fit un mouvement pour la porter à ses lèvres, mais ce mouvement fut réprimé par un seul mot, qu'à son accent plein de prière, on ne pouvait interpréter autrement que comme le cri de la pudeur alarmée.
– Monseigneur!
– Pardon, Mademoiselle, répondit le comte d'une voix respectueuse, autant que s'il eût parlé à la reine.
Puis il écarta cette main frémissante et craintive, déjà à moitié chemin de ses lèvres, et un silence se fit.
Le comte la garda dans les siennes, et l'on n'essaya point de la retirer, mais elle y demeura immobile et comme si, par la force de la volonté, on lui avait enlevé jusqu'à l'apparence de la vie.
C'était, si l'on peut se servir de cette expression, une main complétement muette.
Mais ce mutisme qui lui était imposé n'empêchait point le comte de s'apercevoir qu'elle était petite, fine, douce, allongée, aristocratique et surtout virginale.
Ce n'était plus contre ses lèvres que le comte eût voulu la presser, c'était contre son cœur.
Il était, depuis qu'il avait touché cette main, resté immobile comme s'il eût complétement oublié la cause qui l'amenait.
– Venez-vous, monseigneur? demanda la douce voix.
– Où voulez-vous que j'aille? demanda le comte, sans trop savoir ce qu'il répondait.
– Mais, où la reine vous attend, chez Sa Majesté.
– C'est vrai! je l'avais oublié! – Et avec un soupir: Allons, dit-il.
Et il se remit en marche, nouveau Thésée, guidé dans le labyrinthe, moins compliqué, mais plus obscur que celui de Crète, non point par le fil d'Ariane, mais par Ariane elle-même.
Au bout de quelques pas, Ariane tourna à droite.
– Nous arrivons, dit-elle.
– Hélas! murmura le comte.
Et en effet, on approchait d'un grand portail vitré donnant sur l'antichambre de la reine. Mais comme, vu son indisposition, Sa Majesté était censée dormir, tout était éteint à l'exception d'une lampe pendue au plafond, et qui, à travers le vitrage, ne laissait filtrer qu'une lueur pareille à celle qu'eût projetée une étoile.
A cette faible lueur, le comte essaya de voir son guide, mais il ne distingua, pour ainsi dire, que les contours d'une ombre.
La jeune