Micah Clarke – Tome II. Le Capitaine Micah Clarke. Артур Конан Дойл

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Micah Clarke – Tome II. Le Capitaine Micah Clarke - Артур Конан Дойл

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de ses traits avait un caractère de douceur qui faisait songer à la tourterelle.

      Néanmoins il y avait dans la bouche une fermeté, dans le menton une délicate saillie qui indiquaient qu'en des temps de trouble et de danger, la petite demoiselle saurait se montrer la digne descendante du soldat Tête-Ronde et du magistrat puritain.

      Je suis certain qu'en des circonstances où des matrones, à la voix plus forte et plus autoritaire, se seraient vues réduites au silence, la jeune fille du Maire, avec sa douce voix, n'aurait pas été longtemps à perdre son accent de conciliation et à laisser apparaître l'énergie naturelle qu'elle cachait.

      Je fus fort diverti en observant le mal que Sir Gervas se donnait pour causer avec elle, car la demoiselle et lui appartenaient à des mondes si profondément divers, qu'il lui fallait toute sa galanterie, tout son esprit, pour se maintenir sur un terrain où ses propos fussent intelligibles pour elle.

      – Sans doute, Mistress Ruth, vous employez une grande partie de votre temps à la lecture, remarqua Sir Gervas, je me demande si vous pouvez faire autre chose, étant aussi loin de la Ville.

      – De la ville? dit-elle d'un air surpris. Est-ce que Taunton n'est point une ville.

      – Le Ciel me préserve de dire le contraire, répondit Sir Gervas et tout particulièrement en présence d'un aussi grand nombre de dignes bourgeois qui passent pour être assez susceptibles en ce qui regarde l'honneur de leur cité natale. Il n'en est pas moins vrai, belle Mistress, que la ville de Londres l'emporte sur toutes les autres villes à tel point qu'on la nomme la Ville, ainsi que je viens de le faire.

      – Elle est bien grande alors, s'écria-t-elle, avec un joli étonnement. Mais on bâtit de nouvelles maisons à Taunton, en dehors des anciennes murailles, et de l'autre côté de Shuttern, et même sur l'autre bord de la rivière. Peut-être sera-t-elle aussi grande, avec le temps.

      – Quand bien même on ajouterait toute la population de Taunton à Londres, dit Sir Gervas, personne n'y remarquerait le moindre accroissement.

      – Mais non, vous vous moquez de moi, s'écria la petite provinciale. C'est contre toute raison.

      – Votre grand-père confirmera mes paroles, dit Sir Gervas. Mais pour revenir à vos lectures, je parierais qu'il n'y a pas une page de Scudéry et de son Grand Cyrus que vous n'ayez lue. Sans nul doute vous connaissez très bien les choses sentimentales qui se trouvent dans Cowley, dans Waller, ou Dryden?

      – Qui sont ces gens-là? demanda-t-elle. Dans quelle église prêchent-ils?

      – Sur ma foi! s'écria le baronnet en riant, l'honnête John prêche dans l'église de Will Unwin, connue de tout le monde sous la dénomination de «Chez Will», et bien souvent deux heures du matin sonnent avant la fin de son sermon. Mais pourquoi cette question? Croyez-vous que nul n'a le droit d'écrire sur du papier, à moins qu'il ne porte une robe et n'ait grimpé dans une chaire. Je me figurais que toutes les personnes de votre sexe avaient lu Dryden. Dites-moi, je vous prie, quels sont vos livres favoris.

      – Il y a le Tocsin sonné aux Inconvertis d'Alleine, dit-elle. C'est un ouvrage qui vous remue, un ouvrage qui a opéré beaucoup de bien. N'avez-vous pas ressenti des fruits abondants à sa lecture?

      – Je n'ai point lu l'ouvrage que vous désignez, avoua Sir Gervas.

      – Point lu? s'écria-t-elle en levant les sourcils. Vraiment, je croyais que tout le monde avait lu le Tocsin. Alors, que pensez-vous des Combats du Fidèle?

      – Je ne l'ai point lu.

      – Ou bien des Sermons de Baxter? demanda-t-elle.

      – Je ne les ai point lus.

      – Et le Cordial de l'Esprit, par Bull?

      – Je ne l'ai point lu.

      Mistress Ruth le regarda en ouvrant de grands yeux, pleins d'un étonnement sincère.

      – Vous trouverez peut-être qu'en parlant ainsi je manque d'éducation, mais je ne puis m'empêcher d'être surprise. Où donc avez-vous été? Qu'avez-vous fait pendant toute votre vie? Mais voyons, les enfants des rues eux-mêmes ont lu ces livres.

      – La vérité, c'est que des ouvrages de cette sorte ne se rencontrent guère sur notre chemin, à Londres, répondit Sir Gervas. Une pièce de Georges Etheredge, des bouts-rimés de Sir John Suckling sont choses plus légères, bien qu'elles soient peut-être moins nourrissantes pour l'esprit. À Londres, on peut se tenir au fait de ce qui se passe dans le monde des lettres, sans avoir beaucoup de lectures à faire, car sans parler des commérages des cafés et des nouvelles à la main qu'on rencontre sur sa route, il y a les bavardages des poètes et les beaux-esprits dans les assemblées, puis de temps en temps, peut-être une soirée ou deux dans la semaine, le théâtre, avec Vanbrugh ou Farquhar. Ainsi on ne fausse pas longtemps compagnie aux Muses. Puis, après la pièce, si l'on se sent disposé à tenter la fortune au tapis-vert chez Groom Porter, on peut aller faire un tour au «Cocotier» si l'on est Tory, ou à Saint-James, si l'on est un Whig. Il y a dix contre un à parier que la conversation tournera sur la façon de composer des alcaïques, ou sur la rivalité entre le vers blanc et le vers rimé. Puis, après un arrière-souper, on s'en ira chez Will ou chez Slaughter où l'on trouvera le vieux John, ainsi que Tickell, Congrève, et le reste de la troupe, en train de travailler ferme sur les unités dramatiques, ou sur la justice poétique, ou d'autres sujets analogues. J'avoue que mes goûts ne me portent guère dans cette direction, et qu'à cette heure-là, j'avais le tort de consacrer mon temps à la bouteille de vin, au cornet à dés, ou bien…

      – Hem! Hem! fis-je très bruyamment pour le mettre sur ses gardes, car plusieurs des Puritains étaient aux écoutes, avec des mines qui exprimaient toute autre chose que de l'approbation.

      – Ce que vous dites de Londres m'intéresse vivement, dit la jeune Puritaine, bien que ces noms et ces endroits n'aient pas beaucoup de sens pour mes oreilles d'ignorante. Mais vous avez parlé du théâtre. Assurément, personne ne s'approche de ces antres d'iniquité, de ces pièges que tend le Mauvais? Le bon et sanctifié Maître Bull déclara du haut de la chaire que ce sont là les lieux où se rassemblent les effrontés, les lieux que hantent de préférence les pervers Assyriens, et qui sont aussi dangereux pour l'âme qu'aucune de ces constructions papistes pourvues d'un clocher, où la créature est d'une manière sacrilège confondue avec le Créateur.

      – Voilà qui est bien parlé, et qui est bien vrai, Mistress Timewell, s'écria le jeune et efflanqué Puritain de gauche, qui avait prêté une oreille attentive à toute la conversation. Il y a plus de choses mauvaises en ces maisons-là, qu'en toutes les cités de la plaine. Je ne doute point que la colère du Seigneur ne fonde un jour sur elles et ne les détruise entièrement, ainsi que les hommes dissolus et les femmes perdues qui les fréquentent.

      – Vos opinions tranchées sont sans doute, mon ami, fondées sur une connaissance complète de votre sujet, dit avec calme Sir Gervas. Combien de fois, dites-moi, êtes-vous entré dans ces maisons que vous décriez?

      – Grâce au Seigneur, je n'ai jamais été tenté de m'écarter du droit chemin jusqu'au point de mettre les pieds dans une seule. Je n'ai pas même pénétré dans ce vaste égout qu'on appelle Londres. Toutefois, j'espère, et avec moi d'autres fidèles, que nous arriverons un jour à nous mettre en marche dans cette direction, nos estocs au côté, avant que cette affaire-ci soit terminée, et alors, je vous en réponds, nous ne nous bornerons pas, comme fit Cromwell, à clore ces séjours du vice, mais nous n'en laisserons pas pierre sur pierre, nous sèmerons du

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