Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II. Бенджамин Франклин
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»Je répète la question. Si l'on donne la liberté aux esclaves, qu'en fera-t-on? J'ai entendu dire qu'on les transplanteroit dans le désert où il y a une vaste étendue de terre, sur laquelle ils pourroient subsister, et former un état libre et florissant. Mais je crois qu'ils sont trop peu portés à travailler volontairement, et trop ignorans pour établir un bon gouvernement. D'ailleurs, les Arabes sauvages les opprimeroient, les détruiroient ou les réduiroient de nouveau à l'esclavage.
»Tandis qu'ils nous servent, nous avons soin de leur fournir tout ce qui leur est nécessaire, et nous les traitons avec humanité. Dans les pays où ils sont nés, la classe de ceux qui travaillent est, ainsi que j'en suis informé, plus mal nourrie, plus mal logée, plus mal vêtue. La condition de la plupart d'entr'eux est donc déjà améliorée, et n'exige rien de plus. – Ici, ils vivent en sûreté; ils ne sont point sujets à devenir soldats, et à être forcés de s'égorger les uns les autres, comme dans les guerres qu'on fait chez eux.
»Si quelques-uns de ces bigots insensés, qui nous fatiguent à présent de leurs sottes pétitions, ont, dans l'excès d'un zèle aveugle, affranchi leurs esclaves, ce n'est ni par générosité, ni par humanité. C'est parce qu'accablés du fardeau de leurs péchés, ils ont espéré que le mérite prétendu de cette action les sauveroit d'une damnation éternelle. Mais combien ils se trompent grossièrement en imaginant que l'esclavage est condamné par l'alcoran! Je ne citerai ici que deux préceptes qui sont la preuve du contraire: – Maîtres, traitez vos esclaves avec douceur. – Esclaves, servez vos maîtres avec fidélité. – Ce livre sacré ne défend pas non plus de piller les infidèles; puisqu'il est bien connu, d'après lui, que Dieu a donné le monde et tout ce qu'il contient, à ses fidèles Musulmans, et qu'ils ont le droit d'en jouir autant qu'ils pourront y étendre leurs conquêtes.
»Ne prêtons donc plus l'oreille à la détestable proposition d'affranchir les esclaves chrétiens. Si elle étoit adoptée, le prix de nos terres et de nos maisons diminueroit; beaucoup de bons citoyens seroient dépouillés de leur propriété; le mécontentement deviendroit universel et provoqueroit des insurrections qui mettroient en danger le gouvernement, et la confusion générale seroit bientôt à son comble. Je ne doute donc pas que ce sage conseil ne préfère la tranquillité et le bonheur de toute une nation de vrais croyans, au caprice de quelques Erika, et ne rejette leur pétition.»
Le consul Martin nous apprend que la résolution du divan portoit: – «Que la doctrine qui prétendoit qu'il étoit injuste de piller les Chrétiens et de les rendre esclaves, paroissoit au moins problématique: mais que l'intérêt qu'avoit l'état à maintenir cet usage, étoit clair; et qu'ainsi la proposition seroit rejetée». – Et, en effet, elle le fut.
Puisque les mêmes motifs produisent dans l'ame des hommes, des opinions et des résolutions semblables, ne pouvons-nous pas, sans parler de notre congrès Américain, nous hasarder à prédire que les adresses présentées au parlement d'Angleterre, pour l'abolition de la traite des nègres, et les débats qui auront lieu à ce sujet, auront le même effet que ceux du divan d'Alger?
OBSERVATIONS
SUR LA GUERRE
D'après la première loi des nations, la guerre et la destruction étoient destinées à punir l'injure: en s'humanisant par degrés, elles admirent l'esclavage au lieu de la mort; ensuite, l'échange des prisonniers succéda à l'esclavage; et enfin, pour respecter davantage la propriété des particuliers, les conquérans se contentèrent de régner sur eux.
Pourquoi cette loi des nations ne s'amélioreroit-elle pas encore? Des siècles se sont écoulés entre les divers changemens qu'elle a éprouvés: mais comme de nos jours l'esprit humain a fait des progrès plus rapides, pourquoi le perfectionnement de la loi des nations ne seroit-il pas accéléré? Pourquoi ne conviendroit-on pas désormais que dans toutes les guerres, on n'attaqueroit point certaines classes d'hommes, que même les partis opposés les protégeroient également, et leur permettroient de se livrer à leurs travaux avec sécurité? Ces hommes seraient:
1o. Les agriculteurs, parce qu'ils travaillent pour la subsistance du genre-humain.
2o. Les pêcheurs, qui ont le même but que les agriculteurs.
3o. Les marchands, dont les navires ne sont point armés, et qui sont utiles aux différentes nations, en leur portant des denrées ou des marchandises agréables.
4o. Les artistes et les ouvriers qui travaillent dans des villes sans défense.
Il n'est pas, sans doute, nécessaire d'ajouter que les hôpitaux de l'ennemi devroient être, non pas inquiétés, mais secourus au besoin. – L'intérêt général de l'humanité exigeroit qu'on diminuât les causes de la guerre, et tout ce qui peut exciter à la faire. Si l'on interdisoit le pillage, on auroit moins d'ardeur à combattre, et vraisemblablement la paix seroit bien plus durable.
L'usage de voler les marchands en pleine mer est un reste de l'ancienne piraterie; et quoiqu'il soit accidentellement avantageux à quelques particuliers, il est loin de l'être à tous ceux qui l'entreprennent, et aux nations qui l'autorisent. Au commencement d'une guerre, quelques navires richement chargés sont surpris et enlevés; cela encourage les premiers armateurs des corsaires à en armer de nouveaux. Beaucoup d'autres les imitent. Mais, en même-temps, l'ennemi devient plus soigneux. Il équipe mieux ses vaisseaux marchands, et les rend plus difficiles à prendre. Il les fait aussi partir plus souvent sous la protection d'un convoi. Tandis que les corsaires se multiplient, les navires qui peuvent être pris et les chances du profit diminuent; de sorte qu'il y a beaucoup de croisières où les dépenses surpassent le gain. C'est alors une loterie comme les autres. Quoiqu'un petit nombre de particuliers y gagne, la masse de ceux qui y mettent perd. La totalité de ce que coûte l'armement de tous les corsaires, durant le cours d'une guerre, excède de beaucoup le montant de toutes les prises.
Ainsi, une nation perd tout le travail de beaucoup d'hommes, pendant le temps qu'ils sont employés à voler. En outre, ce que ces hommes acquièrent, ils le dépensent en s'enivrant et en s'abandonnant à toute sorte de débauches. Ils perdent l'habitude du travail. À la paix, ils sont rarement propres à reprendre des occupations honnêtes, et ne servent qu'à augmenter le nombre des scélérats qui infestent les villes, et des voleurs de grand chemin.
Les armateurs mêmes, qui ont été heureux, aveuglés par la rapidité de leur fortune, se livrent à une manière de vivre dispendieuse, et ne pouvant plus y renoncer, lorsque les moyens d'y suffire diminuent, finissent par se ruiner; juste punition de l'extravagante cruauté qu'ils ont eue de réduire à la misère les familles de beaucoup d'honnêtes commerçans, employés à servir l'intérêt commun du genre-humain.
SUR
LA PRESSE DES MATELOTS 18
Le juge Foster, page 158 de son ouvrage, dit: «Chaque homme» cette conclusion du tout à une partie ne me semble pas d'une bonne logique. – Si l'alphabet disoit: – «Que toutes nos lettres combattent pour la défense commune. – » Il y auroit de l'égalité, et par conséquent de la justice. Mais s'il disoit: – «Qu'A, B, C, D, s'arment et combattent pendant que les autres lettres resteront chez elles et dormiront tranquilles». – Cela ne serait point égal, et conséquemment ne pourroit être juste.
Ibid.– «Employez»
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Ce morceau est composé de diverses notes, que Franklin avoit écrites avec un crayon, sur les marges d'un exemplaire de la fameuse