Discours par Maximilien Robespierre — 17 Avril 1792-27 Juillet 1794. Robespierre Maximilien
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Hâtez-vous donc, vous et vos amis, d'éclairer la partie de la nation qu'il a abusée; déployez le caractère d'un véritable représentant; n'épargnez pas Narbonne plus que Lessart. Faites mouvoir horizontalement le glaive des lois pour frapper toutes les têtes des grands conspirateurs; si vous désirez de nouvelles preuves de leurs crimes, venez plus souvent dans nos séances, je m'engage à vous les fournir. Défendez la liberté individuelle, attaquée sans cesse par cette faction; protégez les citoyens les plus éprouvés contre ses attentats journaliers; ne les calomniez pas; ne les persécutez pas vous-même; le costume des prêtres a été supprimé; effacez toutes ces distinctions impolitiques et funestes par lesquelles Lafayette a voulu élever une barrière entre les gardes nationales et la généralité des citoyens; faites réformer cet état-major ouvertement voué à Lafayette, et auquel on impute tous les désordres, toutes les violences qui oppriment le patriotisme. Il est temps de montrer un caractère décidé de civisme et d'énergie véritable; il est temps de prendre les mesures nécessaires pour rendre la guerre utile à la liberté; déjà les troubles du Midi et de divers départements se réveillent; déjà on nous écrit de Metz que depuis cette époque tout s'incline dans cette ville devant le général; déjà le sang a coulé dans le département du Bas-Rhin. A Strasbourg, on vient d'emprisonner les meilleurs citoyens; Diétrich, l'ami de Lafayette, est dénoncé comme l'auteur de ces vexations; il faut que je vous le dise: vous êtes accusé de protéger ce Diétrich et sa faction; non par moi, mais par la Société des Amis de la Constitution de Strasbourg. Effacez tous ces soupçons, venez discuter avec nous les grands objets qui intéressent le salut de la patrie; prenez toutes les mesures que la prudence exige pour éteindre la guerre civile et terminer heureusement la guerre étrangère; c'est à la manière dont vous accueillerez cette proposition que les patriotes vous jugeront; mais, si vous la rejetez, rappelez-vous que nulle considération, que nulle puissance ne peut empêcher les amis de la patrie de remplir leurs devoirs.
Réponse de Maximilien Robespierre à l'accusation de J. — B. Louvet [imprimé par ordre de la Convention nationale] (5 novembre 1792)
Citoyens, délégués du peuple,
Une accusation, sinon très redoutable, au moins très grave et très solennelle, a été intentée contre moi, devant la Convention nationale; j'y répondrai, parce que je ne dois pas consulter ce qui me convient le mieux à moi-même, mais ce que tout mandataire du peuple doit à l'intérêt public. J'y répondrai, parce qu'il faut qu'en un moment disparaisse le monstrueux ouvrage de la calomnie, si laborieusement élevé pendant plusieurs années, peut-être; parce qu'il faut bannir du sanctuaire des lois la haine et la vengeance, pour y rappeler les principes de la concorde. Citoyens, vous avez entendu l'immense plaidoyer de mon adversaire; vous l'avez même rendu public par la voie de l'impression; vous trouverez sans doute équitable d'accorder à la défense la même attention que vous avez donnée à l'accusation.
De quoi suis-je accusé? D'avoir conspiré pour parvenir à la dictature, ou au triumvirat, ou au tribunat. L'opinion de mes adversaires ne paraît pas bien fixée sur ces points. Traduisons toutes ces idées romaines un peu disparates par le mot de pouvoir suprême, que mon accusateur a employé ailleurs.
Or, on conviendra d'abord que si un pareil projet était criminel, il était encore plus hardi; car, pour l'exécuter, il fallait non seulement renverser le trône, mais anéantir la législature, et surtout empêcher encore qu'elle ne fût remplacée par une Convention nationale; mais alors comment se fait-il que j'aie le premier, dans mes discours publics et dans mes écrits, appelé la Convention nationale, comme le seul remède des maux de la patrie? Il est vrai que cette proposition même fut dénoncée comme incendiaire, par mes adversaires actuels; mais bientôt la révolution du 10 fit plus que la légitimer, elle la réalisa. Dirai-je que, pour arriver à la dictature, il ne suffisait pas de maîtriser Paris; qu'il fallait asservir les 82 autres départements? Où étaient mes trésors, où étaient mes armées? Où étaient les grandes places dont j'étais pourvu? Toute la puissance résidait précisément dans les mains de mes adversaires. La moindre conséquence que je puisse tirer de tout ce que je viens de dire, c'est qu'avant que l'accusation pût acquérir un caractère de vraisemblance, il faudrait au moins qu'il fût préalablement démontré que j'étais complètement fou: encore ne vois-je pas ce que mes adversaires pourraient gagner à cette supposition; car alors il resterait à expliquer comment des hommes sensés auraient pu se donner la peine de composer tant de beaux discours, tant de belles affiches, de déployer tant de moyens, pour me présenter à la Convention nationale et à la France entière comme le plus redoutable de tous les conspirateurs.
Mais venons aux preuves positives. L'un des reproches les plus terribles que l'on m'ait faits, je ne le dissimule point, c'est le nom de Marat. Je vais donc commencer par vous dire quels ont été mes rapports avec lui. Je pourrai même faire ma profession de foi sur son compte, mais sans en dire ni plus de bien, ni plus de mal que j'en pense. Car je ne sais point trahir ma pensée, pour caresser l'opinion générale.
Au mois de janvier 1792, Marat vint me trouver; jusque-là, je n'avais eu avec lui aucune espèce de relations directes, ni indirectes. La conversation roula sur les affaires publiques, dont il me parla avec désespoir; je lui dis, moi, tout ce que les patriotes, même les plus ardents, pensaient de lui; à savoir qu'il avait mis lui-même un obstacle au bien que pouvaient produire les vérités utiles développées dans ses écrits, en s'obstinant à revenir éternellement sur certaines propositions absurdes et violentes, qui révoltaient les amis de la liberté autant que les partisans de l'aristocratie. Il défendit son opinion; je persistai dans la mienne, et je dois avouer qu'il trouva mes vues politiques tellement étroites, que, quelque temps après, lorsqu'il eut repris son journal, alors abandonné par lui depuis quelque temps, en rendant compte lui-même de la conversation dont je viens de parler, il écrivit en toutes lettres qu'il m'avait quitté parfaitement convaincu que je n'avais ni les vues ni l'audace d'un homme d'Etat; et, si les critiques de Marat pouvaient être des titres de faveur, je pourrais remettre encore sous vos yeux quelques-unes de ses feuilles publiées six semaines avant la dernière révolution, où il m'accusait de feuillantisme,