Discours par Maximilien Robespierre — 17 Avril 1792-27 Juillet 1794. Robespierre Maximilien

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Discours par Maximilien Robespierre — 17 Avril 1792-27 Juillet 1794 - Robespierre Maximilien

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et des malheurs de vos semblables.

      La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m'est suspecte. Cessez d'agiter sous mes yeux la robe sanglante du tyran, ou je croirai que vous voulez remettre Rome dans ses fers. En voyant ces peintures pathétiques des Lamballe, des Montmorin, de la consternation des mauvais citoyens, et ces déclamations furieuses contre des hommes connus sous des rapports tout à fait opposés, n'avez-vous pas cru lire un manifeste de Brunswick ou de Condé? Calomniateurs éternels, voulez-vous donc venger le despotisme? Voulez-vous flétrir le berceau de la république? Voulez-vous déshonorer aux yeux de l'Europe la révolution qui l'a enfantée, et fournir des armes à tous les ennemis de la liberté? Amour de l'humanité, vraiment admirable, qui tend à cimenter la misère et la servitude des peuples, et qui cache le désir barbare de se baigner dans le sang des patriotes!

      A ces terribles tableaux, mon accusateur a lié le projet qu'il me supposait d'avilir le corps législatif, qui, disait-il, était continuellement tourmenté, méconnu, outragé par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner des décrets.

      Espèce de figure oratoire, par laquelle M. Louvet a travesti deux pétitions que je fus chargé de présenter à l'Assemblée législative, au nom du conseil général de la commune, relativement à la création du nouveau département de Paris. Avilir le corps législatif! Quelle chétive idée vous étiez-vous donc formée de sa dignité? Apprenez qu'une assemblée où réside la majesté du peuple français ne peut être avilie, même par ses propres oeuvres. Quand elle s'élève à la hauteur de sa mission sublime, comment concevez-vous qu'elle puisse être avilie par les discours insensés d'un insolent démagogue? Elle ne peut pas plus l'être que la divinité ne peut être dégradée par les blasphèmes de l'impie; pas plus que l'éclat de l'astre qui anime la nature ne peut être terni par les clameurs des hordes sauvages de l'Asie.

      Si des membres d'une assemblée auguste, oubliant leur existence comme représentants d'un grand peuple, pour ne se souvenir que de leur mince existence comme individus, sacrifiaient les grands intérêts de l'humanité à leur méprisable orgueil ou à leur lâche ambition, ils ne parviendraient pas même, par cet excès de bassesse, à avilir la représentation nationale; ils ne réussiraient qu'à s'avilir eux-mêmes.

      Mais, puisqu'il faut qu'au mois de novembre 1792, je rende compte à la Convention nationale de ce que j'ai dit le 12 ou 13 août, je vais le faire. Pour apprécier ce chef d'accusation, il faut connaître quel était le motif de la démarche de la commune auprès du corps législatif.

      La révolution du 10 août avait nécessairement fait disparaître l'autorité du département, avec la puissance de la cour, dont il s'était déclaré l'éternel champion; et le conseil général de la commune en exerçait le pouvoir. Il était fermement convaincu, comme tous les citoyens, qu'il lui serait impossible de soutenir le poids de la révolution commencée, si on se hâtait de le paralyser par la résurrection du département, dont le nom seul était devenu odieux. Cependant, dès le lendemain du premier jour de la révolution, des membres de la commission des 21, qui dirigeaient les travaux de l'assemblée, avaient préparé un projet de décret, dont l'objet était d'annuler l'influence de la commune, en la renfermant dans les limites qu'exerçait le conseil général qui l'avait précédée. Le même jour, des affiches, où elle était diffamée de la manière la plus indécente, couvrirent les murs de Paris; et nous connaissons les auteurs de ces affiches; ils ont beaucoup de rapports avec les auteurs de l'accusation à laquelle je réponds. Ce premier objet ayant échoué, on imagina de créer un nouveau département, et le 12 ou le 13 on surprit à l'Assemblée un décret qui en déterminait l'organisation. Le soir, je fus chargé par la commune, avec plusieurs autres députés, de venir présenter à l'Assemblée législative des observations puisées dans le principe que j'ai indiqué. Elles furent appuyées par plusieurs membres, notamment par Lacroix, qui alla même jusqu'à censurer la commission des Vingt-et-Un, à qui il attribuait le décret; et, sur sa rédaction même, rassemblée décréta que les fonctions du nouveau corps administratif se borneraient aux matières d'impositions, et que. relativement aux mesures de salut public et de police, le conseil général ne correspondrait directement qu'avec le corps législatif. Deux jours après, une circonstance singulière nous ramena à la barre pour le même objet. La lettre de convocation, expédiée par le ministre Roland pour nommer les membres de l'administration provisoire du département, était motivée non sur le dernier décret qui en circonscrivait les fonctions, mais sur le premier décret, que l'Assemblée législative avait changé. Le conseil général crut devoir réclamer contre cette conduite, et il crut que le seul moyen de prévenir toutes ces divisions et tous les conflits d'autorité, si dangereux dans ces circonstances critiques, était que l'administration provisoire ne prît que le titre de commission administrative, qui déterminait clairement l'objet des fonctions qui lui étaient attribuées par le dernier décret. Tandis qu'on discutait cette question à la commune, les membres nommés pour remplacer le directoire viennent lui jurer fraternité, et lui déclarer qu'ils ne voulaient prendre d'autre titre que celui de commission administrative. Ce trait de civisme, digne des jours qui ont vu renaître la liberté, produisit une scène touchante. On arrête que les membres du directoire et des députés de la commune se rendront sur-le-champ à l'Assemblée législative pour lui en rendre compte et la prier de consacrer la mesure salutaire dont je viens de parler. Je portai la parole: c'est cette pétition que M. Louvet a qualifié d'insolente. Voulez-vous apprécier ce reproche? Interrogez Hérault, qui, dans cette séance, présidait le corps législatif; il nous adressa une réponse véritablement républicaine, qui exprimait une opinion aussi favorable à l'objet de la pétition qu'à ceux qui la présentaient. Nous fûmes invités à la séance. Quelques orateurs ne pensèrent pas comme lui, et un membre, qui m'a vivement inculpé le jour de l'accusation de M. Louvet, s'éleva très durement et contre notre demande et contre la commune elle-même, et l'Assemblée passa à l'ordre du jour. Lacroix vous a dit que, dans le coin du côté gauche, je l'avais menacé du tocsin. Lacroix sans doute s'est trompé. Et il était possible de confondre ou d'oublier les circonstances, dont j'ai aussi des témoins, même dans cette Assemblée et parmi les membres du corps législatif. Je vais les rappeler. Je me souviens très bien que, dans ce coin dont on a parlé, j'entendis certains propos qui me parurent assez feuillantins, assez peu dignes des circonstances où nous étions, entre autres celui-ci, qui s'adressait à la commune: "Que ne faites-vous resonner le tocsin?" C'est à ce propos, ou à un autre pareil, que je répondis: "Les sonneurs de tocsin sont ceux qui cherchent à aigrir les esprits par l'injustice." Je me rappelle encore qu'alors un de mes collègues, moins patient que moi, dans un mouvement d'humeur, tint en effet un propos semblable à celui qu'on m'a attribué, et d'autres m'ont entendu moi-même le lui reprocher*. [* La vérité de ce récit a été attestée sur-le-champ par plusieurs membres de l'Assemblée législative, députés à la Convention nationale. (Note de Robespierre.)] Quant à la répétition du même propos que l'on me fait tenir au comité des Vingt-et-Un, la fausseté de ce fait est encore plus notoire. Je ne retournais au conseil général que pour dénoncer l'Assemblée législative, dit M. Louvet. Ce jour-là, retourné au conseil général pour rendre compte de ma mission, je parlai avec décence de l'Assemblée nationale, avec franchise de quelques membres de la commission des Vingt-et-Un, à qui j'imputais le projet de faire rétrograder la liberté. On a osé, par un rapprochement atroce, insinuer que j'avais voulu compromettre la sûreté de quelques députés, en les dénonçant à la commune durant les exécutions des conspirateurs. J'ai déjà répondu à cette infamie, en rappelant que j'avais cessé d'aller à la commune avant ces événements, qu'il ne m'était pas plus donné de prévoir que les circonstances subites et extraordinaires qui les ont amenés. Faut-il vous dire que plusieurs de mes collègues, avant moi avaient déjà dénoncé la persécution tramée contre la commune par les deux ou trois personnes dont on parle, et ce plan de calomnier les défenseurs de la liberté et de diviser les citoyens au moment où il fallait réunir ses efforts pour étouffer les conspirations du dedans et repousser les ennemis étrangers. Quelle est donc cette affreuse doctrine, que dénoncer un homme et le tuer c'est la même chose? Dans quelle république vivons-nous, si le magistrat qui, dans

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