Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 4. Bastiat Frédéric

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Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 4 - Bastiat Frédéric

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en effet, que le régime prohibitif? Écoutons M. de Saint-Cricq.

      «Le travail constitue la richesse d'un peuple, parce que seul il crée les choses matérielles que réclament nos besoins, et que l'aisance universelle consiste dans l'abondance de ces choses.» – Voilà le principe.

      «Mais il faut que cette abondance soit le produit du travail national. Si elle était le produit du travail étranger, le travail national s'arrêterait promptement.» – Voilà l'erreur. (Voir le sophisme précédent.)

      «Que doit donc faire un pays agricole et manufacturier? Réserver son marché aux produits de son sol et de son industrie.» – Voilà le but.

      «Et pour cela, restreindre par des droits et prohiber au besoin les produits du sol et de l'industrie des autres peuples.» – Voilà le moyen.

      Rapprochons de ce système celui de la pétition de Bordeaux.

      Elle divisait les marchandises en trois classes.

      «La première renferme des objets d'alimentation et des matières premières, vierges de tout travail humain. En principe, une sage économie exigerait que cette classe ne fût pas imposée.» – Ici point de travail, point de protection.

      «La seconde est composée d'objets qui ont reçu une préparation. Cette préparation permet qu'on la charge de quelques droits.» – Ici la protection commence parce que, selon les pétitionnaires, commence le travail national.

      «La troisième comprend des objets perfectionnés, qui ne peuvent nullement servir au travail national; nous la considérons comme la plus imposable.» – Ici, le travail, et la protection avec lui, arrivent à leur maximum.

      On le voit, les pétitionnaires professaient que le travail étranger nuit au travail national, c'est l'erreur du régime prohibitif.

      Ils demandaient que le marché français fût réservé au travail français; c'est le but du régime prohibitif.

      Ils réclamaient que le travail étranger fût soumis à des restrictions et à des taxes. – C'est le moyen du régime prohibitif.

      Quelle différence est-il donc possible de découvrir entre les pétitionnaires bordelais et le coryphée de la restriction? – Une seule: l'extension plus ou moins grande à donner au mot travail.

      M. de Saint-Cricq l'étend à tout. – Aussi, veut-il tout protéger.

      «Le travail constitue toute la richesse d'un peuple, dit-il: protéger l'industrie agricole, toute l'industrie agricole; l'industrie manufacturière, toute l'industrie manufacturière, c'est le cri qui retentira toujours dans cette chambre.»

      Les pétitionnaires ne voient de travail que celui des fabricants: aussi n'admettent-ils que celui-là aux faveurs de la protection.

      «Les matières premières sont vierges de tout travail humain. En principe on ne devrait pas les imposer. Les objets fabriqués ne peuvent plus servir au travail national; nous les considérons comme les plus imposables.»

      Il ne s'agit point ici d'examiner si la protection au travail national est raisonnable. M. de Saint-Cricq et les Bordelais s'accordent sur ce point, et nous, comme on l'a vu dans les chapitres précédents, nous différons à cet égard des uns et des autres.

      La question est de savoir qui, de M. de Saint-Cricq ou des Bordelais, donne au mot travail sa juste acception.

      Or, sur ce terrain, il faut le dire, M. de Saint-Cricq a mille fois raison, car voici le dialogue qui pourrait s'établir entre eux.

      M. de Saint-Cricq. – Vous convenez que le travail national doit être protégé. Vous convenez qu'aucun travail étranger ne peut s'introduire sur notre marché sans y détruire une quantité égale de notre travail national. Seulement vous prétendez qu'il y a une foule de marchandises pourvues de valeur, puisqu'elles se vendent, et qui sont cependant vierges de tout travail humain. Et vous nommez, entre autres choses, les blés, farines, viandes, bestiaux, lard, sel, fer, cuivre, plomb, houille, laines, peaux, semences, etc.

      Si vous me prouvez que la valeur de ces choses n'est pas due au travail, je conviendrai qu'il est inutile de les protéger.

      Mais aussi, si je vous démontre qu'il y a autant de travail dans cent francs de laine que dans 100 francs de tissus, vous devrez avouer que la protection est due à l'une comme à l'autre.

      Or, pourquoi ce sac de laine vaut-il 100 francs? N'est-ce point parce que c'est son prix de revient? et le prix de revient est-il autre chose que ce qu'il a fallu distribuer en gages, salaires, main-d'œuvre, intérêts, à tous les travailleurs et capitalistes qui ont concouru à la production de l'objet?

      Les pétitionnaires. – Il est vrai que, pour la laine, vous pourriez avoir raison. Mais un sac de blé, un lingot de fer, un quintal de houille, sont-ils le produit du travail? N'est-ce point la nature qui les crée?

      M. de Saint-Cricq. – Sans doute, la nature crée les éléments de toutes ces choses, mais c'est le travail qui en produit la valeur. J'ai eu tort moi-même de dire que le travail crée les objets matériels, et cette locution vicieuse m'a conduit à bien d'autres erreurs. – Il n'appartient pas à l'homme de créer et de faire quelque chose de rien, pas plus au fabricant qu'au cultivateur; si par production on entendait création, tous nos travaux seraient improductifs, et les vôtres, messieurs les négociants, plus que tous les autres, excepté peut-être les miens.

      L'agriculteur n'a donc pas la prétention d'avoir créé le blé, mais il a celle d'en avoir créé la valeur, je veux dire, d'avoir, par son travail, celui de ses domestiques, de ses bouviers, de ses moissonneurs, transformé en blé des substances qui n'y ressemblaient nullement. Que fait de plus le meunier qui le convertit en farine, le boulanger qui le façonne en pain?

      Pour que l'homme puisse se vêtir en drap, une foule d'opérations sont nécessaires. Avant l'intervention de tout travail humain, les véritables matières premières de ce produit sont l'air, l'eau, la chaleur, les gaz, la lumière, les sels qui doivent entrer dans sa composition. Voilà les matières premières qui véritablement sont vierges de tout travail humain, puisqu'elles n'ont pas de valeur, et je ne songe pas à les protéger. – Mais un premier travail convertit ces substances en fourrages, un second en laine, un troisième en fil, un quatrième en tissus, un cinquième en vêtements. Qui osera dire que tout, dans cette œuvre, n'est pas travail, depuis le premier coup de charrue qui le commence jusqu'au dernier coup d'aiguille qui le termine?

      Et parce que, pour plus de célérité et de perfection dans l'accomplissement de l'œuvre définitive, qui est un vêtement, les travaux se sont répartis entre plusieurs classes d'industrieux, vous voulez, par une distinction arbitraire, que l'ordre de succession de ces travaux soit la raison unique de leur importance, en sorte que le premier ne mérite pas même le nom de travail, et que le dernier, travail par excellence, soit seul digne des faveurs de la protection?

      Les pétitionnaires. – Oui, nous commençons à voir que le blé, non plus que la laine, n'est pas tout à fait vierge de travail humain: mais au moins l'agriculteur n'a pas, comme le fabricant, tout exécuté par lui-même et ses ouvriers; la nature l'a aidé; et, s'il y a du travail, tout n'est pas travail dans le blé.

      M. de Saint-Cricq. – Mais tout est travail dans sa valeur. Je veux que la nature ait concouru à la formation matérielle du grain.

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