Moll Flanders. Defoe Daniel

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Moll Flanders - Defoe Daniel

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ferait savoir à notre prochaine entrevue à quelle résolution il s'était arrêté; cependant il me pria de ne pas donner mon consentement à son frère, ni de lui opposer un refus net, mais de le tenir en suspens.

      Je parus sursauter à ces mots «ne pas donner mon consentement»; je lui dis qu'il savait fort bien que je n'avais pas de consentement à donner, qu'il s'était engagé à m'épouser, et que moi, par là même, j'étais engagée à lui, qu'il m'avait toujours dit que j'étais sa femme, et que je me considérais en effet comme telle, aussi bien que si la cérémonie en eût été passée, et que c'était sa propre bouche qui m'en donnait droit, puisqu'il m'avait toujours persuadée de me nommer sa femme.

      – Voyons, ma chérie, dit-il, ne t'inquiète pas de cela maintenant; si je ne suis pas ton mari, je ferai tout l'office d'un mari, et que ces choses ne te tourmentent point maintenant, mais laisse-moi examiner un peu plus avant cette affaire et je pourrai t'en dire davantage à notre prochaine entrevue.

      Ainsi il m'apaisa du mieux qu'il put, mais je le trouvai très songeur, et quoiqu'il se montrât très tendre et me baisât mille fois et davantage, je crois, et me donnât de l'argent aussi, cependant il ne fit rien de plus pendant tout le temps que nous demeurâmes ensemble, qui fut plus de deux heures, dont je m'étonnai fort, regardant sa coutume et l'occasion.

      Son frère ne revint pas de Londres avant cinq ou six jours, et il se passa deux jours encore avant qu'il eut l'occasion de lui parler; mais alors, le tirant à part, il lui parla très secrètement là-dessus, et le même soir trouva moyen (car nous eûmes une longue conférence) de me répéter tout leur discours qui, autant que je me le rappelle, fut environ comme suit.

      Il lui dit qu'il avait ouï d'étranges nouvelles de lui depuis son départ et, en particulier qu'il faisait l'amour à Mme Betty.

      – Eh bien, dit son frère avec un peu d'humeur, et puis quoi? Cela regarde-t-il quelqu'un?

      – Voyons, lui dit son frère, ne te fâche pas, Robin, je ne prétends nullement m'en mêler, mais je trouve qu'elles s'en inquiètent, et qu'elles ont à ce sujet maltraité la pauvre fille, ce qui me peine autant que si c'était moi-même.

      – Que veux-tu dire par ELLES? dit Robin.

      – Je veux dire ma mère et les filles, dit le frère aîné. Mais écoute, reprend-il, est-ce sérieux? aimes-tu vraiment la fille?

      – Eh bien, alors, dit Robin, je te parlerai librement: je l'aime au-dessus de toutes les femmes du monde, et je l'aurai, en dépit de ce qu'elles pourront faire ou dire; j'ai confiance que la fille ne me refusera point.

      Je fus percée au cœur à ces paroles, car bien qu'il fût de toute raison de penser que je ne le refuserais pas, cependant, je savais, en ma conscience, qu'il le fallait, et je voyais ma ruine dans cette obligation; mais je savais qu'il était de mon intérêt de parler autrement à ce moment, et j'interrompis donc son histoire en ces termes:

      – Oui-dà, dis-je, pense-t-il que je ne le refuserai point? il verra bien que je le refuserai tout de même.

      – Bien, ma chérie, dit-il, mais permets-moi de te rapporter toute l'histoire, telle qu'elle se passa entre nous, puis tu diras ce que tu voudras.

      Là-dessus il continua et me dit qu'il avait ainsi répondu:

      – Mais, mon frère, tu sais qu'elle n'a rien, et tu pourrais prétendre à différentes dames qui ont de belles fortunes.

      – Peu m'importe, dit Robin, j'aime la fille, et je ne chercherai jamais à flatter ma bourse, en me mariant, aux dépens de ma fantaisie.

      – Ainsi, ma chérie, ajoute-t-il, il n'y a rien à lui opposer.

      – Si, si, dis-je, je saurai bien quoi lui opposer. J'ai appris à dire non, maintenant, quoique je ne l'eusse pas appris autrefois; si le plus grand seigneur du pays m'offrait le mariage maintenant, je pourrais répondre non de très bon cœur.

      – Voyons, mais, ma chérie, dit-il, que peux-tu lui répondre? Tu sais fort bien, ainsi que tu le disais l'autre jour qu'il te fera je ne sais combien de questions là-dessus et toute la maison s'étonnera de ce que cela peut bien signifier.

      – Comment? dis-je en souriant, je peux leur fermer la bouche à tous, d'un seul coup, en lui disant, ainsi qu'à eux, que je suis déjà mariée à son frère aîné.

      Il sourit un peu, lui aussi, sur cette parole, mais je pus voir qu'elle le surprenait, et il ne put dissimuler le désordre où elle le jeta; toutefois il répliqua:

      – Oui bien, dit-il, et quoique cela puisse être vrai, en un sens, cependant je suppose que tu ne fais que plaisanter en parlant de donner une telle réponse, qui pourrait ne pas être convenable pour plus d'une raison.

      – Non, non, dis-je gaiement, je ne suis pas si ardente à laisser échapper ce secret sans votre consentement.

      – Mais que pourras-tu leur répondre alors, dit-il, quand ils te trouveront déterminée contre une alliance qui serait apparemment si fort à ton avantage?

      – Comment, lui dis-je, serai-je en défaut? En premier lieu je ne suis point forcée de leur donner de raisons et d'autre part je puis leur dire que je suis mariée déjà, et m'en tenir là; et ce sera un arrêt net pour lui aussi, car il ne saurait avoir de raisons pour faire une seule question ensuite.

      – Oui, dit-il, mais toute la maison te tourmentera là-dessus, et si tu refuses absolument de rien leur dire, ils en seront désobligés et pourront en outre en prendre du soupçon.

      – Alors, dis-je, que puis-je faire? Que voudriez-vous que je fisse? J'étais assez en peine avant, comme je vous ai dit; et je vous ai fait connaître les détails afin d'avoir votre avis.

      – Ma chérie, dit-il, j'y ai beaucoup réfléchi, sois-en sûre; et quoiqu'il y ait en mon conseil bien des mortifications pour moi, et qu'il risque d'abord de te paraître étrange, cependant, toutes choses considérées, je ne vois pas de meilleure solution pour toi que de le laisser aller; et si tu le trouves sincère et sérieux, de l'épouser.

      Je lui jetai un regard plein d'horreur sur ces paroles, et, devenant pâle comme la mort, fus sur le point de tomber évanouie de la chaise où j'étais assise, quand, avec un tressaut: «Ma chérie, dit-il tout haut, qu'as-tu? qu'y a-t-il? où vas-tu?» et mille autres choses pareilles, et, me secouant et m'appelant tour à tour, il me ramena un peu à moi, quoiqu'il se passât un bon moment avant que je retrouvasse pleinement mes sens, et je ne fus pas capable de parler pendant plusieurs minutes.

      Quand je fus pleinement remise, il commença de nouveau:

      – Ma chérie, dit-il, il faudrait y songer bien sérieusement; tu peux assez clairement voir quelle est l'attitude de la famille dans le cas présent et qu'ils seraient tous enragés si j'étais en cause, au lieu que ce fût mon frère, et, à ce que je puis voir du moins, ce serait ma ruine et la tienne tout ensemble.

      – Oui-dà! criai-je, parlant encore avec colère; et toutes vos protestations et vos vœux doivent-ils être ébranlés par le déplaisir de la famille? Ne vous l'ai-je pas toujours objecté, et vous le traitiez légèrement, comme étant au-dessous de vous, et de peu d'importance; et en est-ce venu là, maintenant? Est-ce là votre foi et votre honneur, votre amour et la fermeté de vos promesses?

      Il continua à demeurer parfaitement calme, malgré tous mes reproches, et je ne les lui épargnais nullement; mais il répondit enfin:

      – Ma chérie,

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