Moll Flanders. Defoe Daniel
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Il faut qu'ici je revienne un peu en arrière, à l'endroit où j'ai interrompu. Le frère aîné étant venu à bout de moi, son premier soin fut d'entreprendre sa mère; et il ne cessa qu'il ne l'eût amenée à se soumettre, passive au point de n'informer le père qu'au moyen de lettres écrites par la poste; si bien qu'elle consentit à notre mariage secret et se chargea d'arranger l'affaire ensuite avec le père.
Puis il cajola son frère, et lui persuada qu'il lui avait rendu un inestimable service, se vanta d'avoir obtenu le consentement de sa mère, ce qui était vrai, mais n'avait point été fait pour le servir, mais pour se servir soi-même; mais il le pipa ainsi avec diligence, et eut tout le renom d'un ami fidèle pour s'être débarrassé de sa maîtresse en la mettant dans les bras de son frère pour en faire sa femme. Si naturellement les hommes renient l'honneur, la justice et jusqu'à la religion, pour obtenir de la sécurité!
Il me faut revenir maintenant au frère Robin, comme nous l'appelions toujours, et qui, ayant obtenu le consentement de sa mère, vint à moi tout gonflé de la nouvelle, et m'en dit l'histoire avec une sincérité si visible que je dois avouer que je fus affligée de servir d'instrument à décevoir un si honnête gentilhomme; mais il n'y avait point de remède, il voulait me prendre, et je n'étais pas obligée de lui dire que j'étais la maîtresse de son frère, quoique je n'eusse eu d'autre moyen de l'écarter; de sorte que je m'accommodai peu à peu, et voilà que nous fûmes mariés.
La pudeur s'oppose à ce que je révèle les secrets du lit nuptial; mais rien ne pouvait être si approprié à ma situation que de trouver un mari qui eût la tête si brouillée en se mettant au lit, qu'il ne put se souvenir le matin s'il avait eu commerce avec moi ou non; et je fus obligée de le lui affirmer, quoiqu'il n'en fut rien, afin d'être assurée qu'il ne s'inquiéterait d'aucune chose.
Il n'entre guère dans le dessein de cette histoire de vous instruire plus à point sur cette famille et sur moi-même, pendant les cinq années que je vécus avec ce mari, sinon de remarquer que de lui j'eus deux enfants, et qu'il mourut au bout des cinq ans; il avait vraiment été un très bon mari pour moi, et nous avions vécu très agréablement ensemble; mais comme il n'avait pas reçu grand'chose de sa famille, et que dans le peu de temps qu'il vécut il n'avait pas acquis grand état, ma situation n'était pas belle, et ce mariage ne me profita guère. Il est vrai que j'avais conservé les billets du frère aîné où il s'engageait à me payer 500£ pour mon consentement à épouser son frère; et ces papiers, joints à ce que j'avais mis de côté sur l'argent qu'il m'avait donné autrefois, et environ autant qui me venait de mon mari, me laissèrent veuve avec près de 1 200£ en poche.
Mes deux enfants me furent heureusement ôtés de dessus les bras par le père et la mère de mon mari; et c'est le plus clair de ce qu'ils eurent de Mme Betty.
J'avoue que je n'éprouvai pas le chagrin qu'il convenait de la mort de mon mari; et je ne puis dire que je l'aie jamais aimé comme j'aurais dû le faire, ou que je répondis à la tendresse qu'il montra pour moi; car c'était l'homme le plus délicat, le plus doux et de meilleure humeur qu'une femme pût souhaiter; mais son frère, qui était si continuellement devant mes yeux, au moins pendant notre séjour à la campagne, était pour moi un appât éternel; et jamais je ne fus au lit avec mon mari, que je ne me désirasse dans les bras de son frère; et bien que le frère ne fît jamais montre d'une affection de cette nature après notre mariage, mais se conduisît justement à la manière d'un frère, toutefois il me fut impossible d'avoir les mêmes sentiments à son égard; en somme, il ne se passait pas de jour où je ne commisse avec lui adultère et inceste dans mes désirs, qui, sans doute, étaient aussi criminels que des actes.
Avant que mon mari mourût, son frère aîné se maria, et comme à cette époque nous avions quitté la ville pour habiter Londres, la vieille dame nous écrivit pour nous prier aux noces; mon mari y alla, mais je feignis d'être indisposée, et ainsi je pus rester à la maison; car, en somme, je n'aurais pu supporter de le voir donné à une autre femme, quoique sachant bien que jamais plus je ne l'aurais à moi.
J'étais maintenant, comme je l'avais été jadis, laissée libre au monde, et, étant encore jeune et jolie, comme tout le monde me le disait (et je le pensais bien, je vous affirme), avec une suffisante fortune en poche, je ne m'estimais pas à une médiocre valeur; plusieurs marchands fort importants me faisaient la cour, et surtout un marchand de toiles, qui se montrait très ardent, et chez qui j'avais pris logement après la mort de mon mari, sa sœur étant de mes amies; là, j'eus toute liberté et occasion d'être gaie et de paraître dans la société que je pouvais désirer, n'y ayant chose en vie plus folle et plus gaie que la sœur de mon hôte, et non tant maîtresse de sa vertu que je le pensais d'abord; elle me fit entrer dans un monde de société extravagante, et même emmena chez elle différentes personnes, à qui il ne lui déplaisait pas de se montrer obligeante, pour voir sa jolie veuve. Or, ainsi que la renommée et les sots composent une assemblée, je fus ici merveilleusement adulée; j'eus abondance d'admirateurs, et de ceux qui se nomment amants; mais dans l'ensemble je ne reçus pas une honnête proposition; quant au dessein qu'ils entretenaient tous, je l'entendais trop bien pour me laisser attirer dans des pièges de ce genre. Le cas était changé pour moi. J'avais de l'argent dans ma poche, et n'avais rien à leur dire. J'avais été prise une fois à cette piperie nommée amour, mais le jeu était fini; j'étais résolue maintenant à ce qu'on m'épousât, sinon rien, et à être bien mariée ou point du tout.
J'aimais, en vérité, la société d'hommes enjoués et de gens d'esprit, et je me laissais souvent divertir par eux, de même que je m'entretenais avec les autres; mais je trouvai, par juste observation, que les hommes les plus brillants apportaient le message le plus terne, je veux dire le plus terne pour ce que je visais; et, d'autre part, ceux qui venaient avec les plus brillantes propositions étaient des plus ternes et déplaisants qui fussent au monde.
Je n'étais point si répugnante à un marchand, mais alors je voulais avoir un marchand, par ma foi, qui eût du gentilhomme, et que lorsqu'il prendrait l'envie à mon mari de me mener à la cour ou au théâtre, il sût porter l'épée, et prendre son air de gentilhomme tout comme un autre, et non pas sembler d'un croquant qui garde à son justaucorps la marque des cordons de tablier ou la marque de son chapeau à la perruque, portant son métier au visage, comme si on l'eût pendu à son épée, au lieu de la lui attacher.
Eh bien, je trouvai enfin cette créature amphibie, cette chose de terre et d'eau qu'on nomme gentilhomme marchand; et comme juste punition de ma folie, je fus prise au piège que je m'étais pour ainsi dire tendu.
C'était aussi un drapier, car bien que ma camarade m'eût volontiers entreprise à propos de son frère, il se trouva, quand nous en vînmes au point, que c'était pour lui servir de maîtresse, et je restais fidèle à cette règle qu'une femme ne doit jamais se laisser entretenir comme maîtresse, si elle a assez d'argent pour se faire épouser.
Ainsi ma vanité, non mes principes, mon argent, non ma vertu, me maintenaient dans l'honnêteté, quoique l'issue montra que j'eusse bien mieux fait de me laisser vendre par ma camarade à son frère que de m'être vendue à un marchand qui était bélître, gentilhomme, boutiquier et mendiant tout ensemble.
Mais je fus précipitée par le caprice que j'avais d'épouser un gentilhomme à me ruiner de la manière la plus grossière que femme au monde; car mon nouveau mari, découvrant d'un coup une masse d'argent, tomba dans des dépenses si extravagantes, que tout ce que j'avais, joint à ce qu'il avait, n'y eût point tenu plus d'un an.
Il eut infiniment de goût pour moi pendant environ le quart d'une année, et le profit que j'en tirai fut d'avoir le plaisir de voir dépenser pour moi une bonne partie de mon argent.
– Allons,