David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс
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Je ne sais combien de temps dura la course, et je ne sais pas encore, à l'heure qu'il est, où nous allâmes. Peut-être était-ce près de Guilford. Peut-être quelque magicien des Mille et une Nuits avait-il créé ce lieu pour un seul jour, et a-t-il tout détruit après notre départ. C'était toujours une pelouse de gazon vert et fin, sur une colline. Il y avait de grands arbres, de la bruyère, et aussi loin que pouvait s'étendre le regard, un riche paysage.
Je fus contrarié de trouver là des gens qui nous attendaient et ma jalousie des femmes mêmes ne connut plus de bornes. Mais quant aux êtres de mon sexe, surtout quant à un imposteur plus âgé que moi de trois ou quatre ans, et porteur de favoris roux qui le rendaient d'une outrecuidance intolérable; c'étaient mes ennemis mortels.
Tout le monde ouvrit les paniers, et on se mit à l'oeuvre pour préparer le dîner. Favoris-roux dit qu'il savait faire la salade (ce que je ne crois pas), et s'imposa ainsi à l'attention publique. Quelques-unes des jeunes personnes se mirent à laver les laitues et à les couper sous sa direction. Dora était du nombre. Je sentis que le destin m'avait donné cet homme pour rival, et que l'un de nous devait succomber.
Favoris-roux fit sa salade, je me demande comment on put en manger; pour moi, rien au monde n'eût pu me décider à y toucher! Puis il se nomma de son chef, l'intrigant qu'il était, échanson universel, et construisit un cellier pour abriter le vin dans le creux d'un arbre. Voilà-t-il pas quelque chose de bien ingénieux! Au bout d'un moment, je le vis avec les trois quarts d'un homard sur son assiette, assis et mangeant aux pieds de Dora!
Je n'ai plus qu'une idée indistincte de ce qui arriva, après que ce spectacle nouveau se fut présenté à ma vue. J'étais très-gai, je ne dis pas non, mais c'était une gaieté fausse. Je me consacrai à une jeune personne en rose, avec des petits yeux, et je lui fis une cour désespérée. Elle reçut mes attentions avec faveur, mais je ne puis dire si c'était complètement à cause de moi, ou parce qu'elle avait des vues ultérieures sur Favoris-roux. On but à la santé de Dora. J'affectai d'interrompre ma conversation pour boire aussi, puis je la repris aussitôt. Je rencontrai les yeux de Dora en la saluant, et il me sembla qu'elle me regardait d'un air suppliant. Mais ce regard m'arrivait par-dessus la tête de Favoris roux, et je fus inflexible.
La jeune personne en rose avait une mère en vert qui nous sépara, je crois, dans un but politique. Du reste, il y eut un dérangement général pendant qu'on enlevait les restes du dîner, et j'en profitai pour m'enfoncer seul au milieu des arbres, animé par un mélange de colère et de remords. Je me demandais si je feindrais quelque indisposition pour m'enfuir… n'importe où… sur mon joli coursier gris, quand je rencontrai Dora et miss Mills.
«Monsieur Copperfield, dit miss Mills, vous êtes triste!
– Je vous demande bien pardon, je ne suis pas triste du tout.
– Et vous, Dora, dit miss Mills, vous êtes triste?
– Oh! mon Dieu, non, pas le moins du monde.
– Monsieur Copperfield, et vous, Dora, dit miss Mills d'un air presque vénérable, en voilà assez. Ne permettez pas à un malentendu insignifiant de flétrir ces fleurs printanières qui, une fois fanées, ne peuvent plus refleurir. Je parle, continua miss Mills, par mon expérience du passé, d'un passé irrévocable. Les sources jaillissantes qui étincellent au soleil ne doivent pas être fermées par pur caprice; l'oasis du Sahara ne doit pas être supprimée à la légère.»
Je ne savais pas ce que je faisais, car j'avais la tête tout en feu, mais je pris la petite main de Dora, je la baisai et elle me laissa faire. Je baisai la main de miss Mills, et il me sembla que nous montions ensemble tout droit au septième ciel.
Nous n'en redescendîmes pas. Nous y restâmes toute la soirée, errant çà et là parmi les arbres, le petit bras tremblant de Dora reposant sur le mien, et Dieu sait que, quoique ce fût une folie, notre sort eût été bien heureux si nous avions pu devenir immortels tout d'un coup avec cette folie dans le coeur, pour errer éternellement ainsi au milieu des arbres de cet Eden.
Trop tôt, hélas! nous entendîmes les autres qui riaient et qui causaient, puis on appela Dora. Alors nous reparûmes, et on pria Dora de chanter. Favoris-roux voulait prendre la boîte de la guitare dans la voiture, mais Dora lui dit que je savais seul où elle était. Favoris-roux fut donc défait en un instant, et c'est moi qui trouvai la boîte, moi qui l'ouvris, moi qui sortis la guitare, moi qui m'assis près d'elle, moi qui gardai son mouchoir et ses gants, et moi qui m'enivrai du son de sa douce voix pendant qu'elle chantait pour celui qui l'aimait, les autres pouvaient applaudir si cela leur convenait, mais ils n'avaient rien à faire avec sa romance.
J'étais fou de joie. Je craignais d'être trop heureux pour que tout cela fût vrai; je craignais de me réveiller tout à l'heure à Buckingham-Street, d'entendre mistress Crupp heurter les tasses en préparant le déjeuner. Mais non, c'était bien Dora qui chantait, puis d'autres chantèrent ensuite; miss Mills chanta elle-même une complainte sur les échos assoupis des cavernes de la Mémoire, comme si elle avait cent ans, et le soir vint, et on prit le thé en faisant bouillir l'eau au bivouac de notre petite bohème, et j'étais aussi heureux que jamais.
Je fus encore plus heureux que jamais quand on se sépara, et que tout le monde, le pauvre Favoris-roux y compris, reprit son chemin, dans chaque direction, pendant que je partais avec elle au milieu du calme de la soirée, des lueurs mourantes, et des doux parfums qui s'élevaient autour de nous. M. Spenlow était un peu assoupi, grâce au vin de Champagne; béni soit le sol qui en a porté le raisin! béni soit le raisin qui en a fait le vin! béni soit le soleil qui l'a mûri! béni soit le marchand qui l'a frelaté! Et comme il dormait profondément dans un coin de la voiture, je marchais à côté et je parlais à Dora. Elle admirait mon cheval et le caressait (oh! quelle jolie petite main à voir sur le poitrail d'un cheval!); et son châle qui ne voulait pas se tenir droit! j'étais obligé de l'arranger de temps en temps, et je crois que Jip lui-même commençait à s'apercevoir de ce qui se passait, et à comprendre qu'il fallait prendre son parti de faire sa paix avec moi.
Cette pénétrante miss Mills, cette charmante recluse qui avait usé l'existence, ce petit patriarche de vingt ans à peine qui en avait fini avec le monde, et qui n'aurait pas voulu, pour tout au monde, réveiller les échos assoupis des cavernes de la Mémoire, comme elle fut bonne pour moi!
«Monsieur Copperfield, me dit elle, venez de ce côté de la voiture pour un moment, si vous avez un moment à me donner. J'ai besoin de vous parler.»
Me voilà, sur mon joli coursier gris, me penchant pour écouter mis Mills, la main sur la portière.
«Dora va venir me voir. Elle revient avec moi chez mon père après- demain. S'il vous convenait de venir chez nous, je suis sûre que papa serait très-heureux de vous recevoir.»
Que pouvais-je faire de mieux que d'appeler tout bas des bénédictions sans nombre sur la tête de miss Mills, et surtout de confier l'adresse de miss Mills, au recoin le plus sûr de ma mémoire! Que pouvais-je faire de mieux que de dire à miss Mills, avec des paroles brûlantes et des regards reconnaissants, combien je la remerciais de ses bons offices, et quel prix infini j'attachais à son amitié!
Alors