David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

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David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс

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Dora s'écria en l'embrassant que j'étais un pauvre manoeuvre; puis elle se mit à pleurer pour mon compte en me demandant si je voulais lui permettre de me donner tout son argent à garder, et finit par se jeter dans les bras de miss Mills en sanglotant comme si son pauvre petit coeur allait se briser.

      Heureusement miss Mills semblait née pour être notre bénédiction. Elle s'assura par quelques mots de la situation, consola Dora, lui persuada peu à peu que je n'étais pas un manoeuvre. D'après ma manière de raconter les choses, je crois que Dora avait supposé que j'étais devenu terrassier, et que je passais et repassais toute la journée sur une planche avec une brouette. Miss Mills, mieux informée, finit par rétablir la paix entre nous. Quand tout fut rentré dans l'ordre, Dora monta pour baigner ses yeux dans de l'eau de rose, et miss Mills demanda le thé. Dans l'intervalle, je déclarai à cette demoiselle qu'elle serait toujours mon amie, et que mon coeur cesserait de battre avant d'oublier sa sympathie.

      Je lui développai alors le plan que j'avais essayé avec si peu de succès de faire comprendre à Dora. Miss Mills me répliqua d'après des principes généraux que la chaumière du contentement valait mieux que le palais de la froide splendeur, et que l'amour suffisait à tout.

      Je dis à miss Mills que c'était bien vrai, et que personne ne pouvait le savoir mieux que moi, qui aimais Dora comme jamais mortel n'avait aimé avant moi. Mais sur la mélancolique observation de miss Mills qu'il serait heureux pour certains coeurs qu'ils n'eussent pas aimé autant que moi, je lui demandai par amendement la permission de restreindre ma remarque au sexe masculin seulement.

      Je posai ensuite à miss Mills la question de savoir s'il n'y avait pas en effet quelque avantage pratique dans la proposition que j'avais voulu faire touchant les comptes, la tenue du ménage et les livres de cuisine?

      Après un moment de réflexion, voici ce que miss Mills me répondit:

      «Monsieur Copperfield, je veux être franche avec vous. Les souffrances et les épreuves morales suppléent aux années chez de certaines natures, et je vais vous parler aussi franchement que si nous étions à confesse. Non, votre proposition ne convient pas à notre Dora. Notre chère Dora est l'enfant gâté de la nature. C'est une créature de lumière, de gaieté et de joie. Je ne puis pas vous dissimuler que, si cela se pouvait, ce serait très-bien sans doute, mais…» Et miss Mills secoua la tête.

      Cette demi-concession de miss Mills m'encouragea à lui demander si, dans le cas où il se présenterait une occasion d'attirer l'attention de Dora sur les conditions de ce genre nécessaires à la vie pratique, elle serait assez bonne pour en profiter? Miss Mills y consentit si volontiers que je lui demandai encore si elle ne voudrait pas bien se charger du livre de cuisine, et me rendre le service éminent de le faire accepter à Dora sans lui causer trop d'effroi. Miss Mills voulut bien se charger de la commission, mais on voyait bien qu'elle n'en attendait pas grand'chose.

      Dora reparut, et elle était si séduisante que je me demandai si véritablement il était permis de l'occuper de détails si vulgaires. Et puis elle m'aimait tant, elle était si séduisante, surtout quand elle faisait tenir Jip debout pour demander sa rôtie, et qu'elle faisait semblant de lui brûler le nez avec la théière parce qu'il refusait de lui obéir, que je me regardais comme un monstre qui serait venu épouvanter de sa vue subite la fée dans son bosquet quand je songeais à l'effroi que je lui avais causé et aux pleurs que je lui avais fait répandre.

      Après le thé, Dora prit sa guitare et chanta ses vieilles chansons françaises sur l'impossibilité absolue de cesser de danser sous aucun prétexte, tra la la, tra la la, et je sentis plus que jamais que j'étais un monstre.

      Il n'y eut qu'un nuage sur notre joie; un moment avant de me retirer, miss Mills fit par hasard une allusion au lendemain matin, et j'eus le malheur de dire que j'étais obligé de travailler et que je me levais maintenant à cinq heures du matin. Je ne sais si Dora en conçut l'idée que j'étais veilleur dans quelque établissement particulier, mais cette nouvelle fit une grande impression sur son esprit, et elle cessa de jouer du piano et de chanter.

      Elle y pensait encore quand je lui dis adieu, et elle me dit, de son petit air câlin, comme si elle parlait à sa poupée, à ce qu'il me semblait:

      «Voyons, méchant, ne vous levez pas à cinq heures! Cela n'a pas de bon sens!

      – J'ai à travailler, ma chérie.

      – Eh bien! ne travaillez pas, dit Dora. Pourquoi faire?»

      Il était impossible de dire autrement qu'en riant à ce joli petit visage étonné qu'il faut bien travailler pour vivre.

      «Oh! que c'est ridicule! s'écria Dora.

      – Et comment vivrions-nous sans cela, Dora?

      – Comment? n'importe comment!» dit Dora.

      Elle avait l'air convaincu qu'elle venait de trancher la question, et elle me donna un baiser triomphant qui venait si naturellement de son coeur innocent que je n'aurais pas voulu pour tout l'or du monde discuter avec elle sa réponse.

      Car je l'aimais, et je continuai de l'aimer de toute mon âme, de toute ma force. Mais tout en travaillant beaucoup, tout en battant le fer pendant qu'il était chaud, cela n'empêchait pas que parfois le soir, quand je me trouvais en face de ma tante, je réfléchissais à l'effroi que j'avais causé à Dora ce jour-là, et je me demandais comment je ferais pour percer au travers de la forêt des difficultés, une guitare à la main, et à force d'y rêver il me semblait que mes cheveux en devenaient tout blancs.

       CHAPITRE VIII

      Dissolution de société

      Je m'empressai de mettre immédiatement à exécution le plan que j'avais formé relativement aux débats du Parlement. C'était un des fers de ma forge qu'il fallait battre tandis qu'il était chaud, et je me mis à l'oeuvre avec une persévérance, qu'il doit m'être permis d'admirer. J'achetai un traité célèbre sur l'art de la sténographie (il me coûta bien dix bons shillings), et je me plongeai dans un océan de difficultés, qui, au bout de quelques semaines, m'avaient rendu presque fou. Tous les changements que pouvait apporter un de ces petits accents, qui, placés d'une façon signifiaient telle chose, et telle autre dans une autre position; tous ces caprices merveilleux figurés par des cercles indéchiffrables; les conséquences énormes d'une figure grosse comme une patte de mouche, les terribles effets d'une courbe mal placée ne me troublaient pas seulement pendant mes heures d'étude, elles me poursuivaient même pendant mes heures de sommeil. Quand je fus enfin venu à bout de m'orienter tant bien que mal, à tâtons, au milieu de ce labyrinthe, et de posséder à peu près l'alphabet qui, à lui seul, était tout un temple d'hiéroglyphes égyptiens, je fus assailli après cela par une procession d'horreurs nouvelles, appelées des caractères arbitraires. Jamais je n'ai vu de caractères aussi despotiques: par exemple ils voulaient absolument qu'une ligne plus fine qu'une toile d'araignée signifiât attente, et qu'une espèce de chandelle romaine se traduisit par désavantageux. À mesure que je parvenais à me fourrer dans la tête ce misérable grimoire, je m'apercevais que je ne savais plus du tout mon commencement. Je le rapprenais donc, et alors j'oubliais le reste; si je cherchais à le retrouver, c'était aux dépens de quelque autre bribe du système qui m'échappait. En un mot c'était navrant, c'est-à-dire, cela m'aurait paru navrant, si Dora n'avait été là pour me rendre du courage: Dora, ancre fidèle de ma barque agitée par la tempête! Chaque progrès dans le système me semblait un chêne noueux à jeter à bas dans la forêt des difficultés, et je me mettais à les abattre l'un après l'autre avec un tel redoublement d'énergie, qu'au bout de trois ou quatre mois je me crus en état de tenter une épreuve sur un de nos braillards de la Chambre des communes. Jamais je n'oublierai comment, pour mon début, mon braillard s'était déjà rassis avant

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