Histoires extraordinaires. Edgar Allan Poe

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Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe

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paquet et chaque article; nous n'avons pas seulement ouvert les livres, mais nous les avons parcourus feuillet par feuillet, ne nous contentant pas de les secouer simplement comme font plusieurs de nos officiers de police. Nous avons aussi mesuré l'épaisseur de chaque reliure avec la plus exacte minutie, et nous avons appliqué à chacune la curiosité jalouse du microscope. Si l'on avait récemment inséré quelque chose dans une des reliures, il eût été absolument impossible que le fait échappât à notre observation. Cinq ou six volumes qui sortaient des mains du relieur ont été soigneusement sondés longitudinalement avec les aiguilles.

      – Vous avez exploré les parquets, sous les tapis?

      – Sans doute. Nous avons enlevé chaque tapis, et nous avons examiné les planches au microscope.

      – Et les papiers des murs?

      – Aussi.

      – Vous avez visité les caves?

      – Nous avons visité les caves.

      – Ainsi, dis-je, vous avez fait fausse route, et la lettre n'est pas dans l'hôtel, comme vous le supposiez.

      – Je crains que vous n'ayez raison, dit le préfet. Et vous maintenant, Dupin, que me conseillez-vous de faire?

      – Faire une perquisition complète.

      – C'est absolument inutile! répliqua G… Aussi sûr que je vis, la lettre n'est pas dans l'hôtel!

      – Je n'ai pas de meilleur conseil à vous donner, dit Dupin. Vous avez, sans doute, un signalement exact de la lettre?

      – Oh! oui! Et ici, le préfet, tirant un agenda, se mit à nous lire à haute voix une description minutieuse du document perdu, de son aspect intérieur, et spécialement de l'extérieur. Peu de temps après avoir fini la lecture de cette description, cet excellent homme prit congé de nous, plus accablé et l'esprit plus complètement découragé que je ne l'avais vu jusqu'alors. Environ un mois après, il nous fit une seconde visite, et nous trouva occupés à peu près de la même façon. Il prit une pipe et un siège, et causa de choses et d'autres. À la longue, je lui dis:

      – Eh bien, mais, G… et votre lettre volée? Je présume qu'à la fin, vous vous êtes résigné à comprendre que ce n'est pas une petite besogne que d'enfoncer le ministre?

      – Que le diable l'emporte! – J'ai pourtant recommencé cette perquisition, comme Dupin me l'avait conseillé; mais, comme je m'en doutais, ç'a été peine perdue.

      – De combien est la récompense offerte? vous nous avez dit… demanda Dupin.

      – Mais… elle est très-forte… une récompense vraiment magnifique, – je ne veux pas vous dire au juste combien; mais une chose que je vous dirai, c'est que je m'engagerais bien à payer de ma bourse cinquante mille francs à celui qui pourrait me trouver cette lettre. Le fait est que la chose devient de jour en jour plus urgente, et la récompense a été doublée récemment. Mais, en vérité, on la triplerait, que je ne pourrais faire mon devoir mieux que je l'ai fait.

      – Mais… oui… dit Dupin en traînant ses paroles au milieu des bouffées de sa pipe, je crois… réellement, G… que vous n'avez pas fait… tout votre possible… vous n'êtes pas allé au fond de la question. Vous pourriez faire… un peu plus, je pense du moins, hein?

      – Comment? dans quel sens?

      – Mais… (une bouffée de fumée) vous pourriez… (bouffée sur bouffée) – prendre conseil en cette matière, hein? – (Trois bouffées de fumée.) – Vous rappelez-vous l'histoire qu'on raconte d'Abernethy?8

      – Non! au diable votre Abernethy!

      – Assurément! au diable, si cela vous amuse! – Or donc, une fois, un certain riche, fort avare, conçut le dessein de soutirer à Abernethy une consultation médicale. Dans ce but, il entama avec lui, au milieu d'une société, une conversation ordinaire, à travers laquelle il insinua au médecin son propre cas, comme celui d'un individu imaginaire.

      – Nous supposerons, dit l'avare, que les symptômes sont tels et tels; maintenant, docteur, que lui conseilleriez-vous de prendre?

      – Que prendre? dit Abernethy, mais prendre conseil à coup sûr.

      – Mais, dit le préfet, un peu décontenancé, je suis tout disposé à prendre conseil, et à payer pour cela. Je donnerais vraiment cinquante mille francs à quiconque me tirerait d'affaire.

      – Dans ce cas, répliqua Dupin, ouvrant un tiroir et en tirant un livre de mandats, vous pouvez aussi bien me faire un bon pour la somme susdite. Quand vous l'aurez signé, je vous remettrai votre lettre.

      Je fus stupéfié. Quant au préfet, il semblait absolument foudroyé. Pendant quelques minutes, il resta muet et immobile, regardant mon ami, la bouche béante, avec un air incrédule et des yeux qui semblaient lui sortir de la tête; enfin, il parut revenir un peu à lui, il saisit une plume, et, après quelques hésitations, le regard ébahi et vide, il remplit et signa un bon de cinquante mille francs, et le tendit à Dupin par-dessus la table. Ce dernier l'examina soigneusement et le serra dans son portefeuille; puis, ouvrant un pupitre, il en tira une lettre et la donna au préfet. Notre fonctionnaire l'agrippa dans une parfaite agonie de joie, l'ouvrit d'une main tremblante, jeta un coup d'œil sur son contenu, puis, attrapant précipitamment la porte, se rua sans plus de cérémonie hors de la chambre et de la maison, sans avoir prononcé une syllabe depuis le moment où Dupin l'avait prié de remplir le mandat.

      Quand il fut parti, mon ami entra dans quelques explications.

      – La police parisienne, dit-il, est excessivement habile dans son métier. Ses agents sont persévérants, ingénieux, rusés, et possèdent à fond toutes les connaissances que requièrent spécialement leurs fonctions. Aussi, quand G… nous détaillait son mode de perquisition dans l'hôtel D… j'avais une entière confiance dans ses talents, et j'étais sûr qu'il avait fait une investigation pleinement suffisante, dans le cercle de sa spécialité.

      – Dans le cercle de sa spécialité? dis-je.

      – Oui, dit Dupin; les mesures adoptées n'étaient pas seulement les meilleures dans l'espèce, elles furent aussi poussées à une absolue perfection. Si la lettre avait été cachée dans le rayon de leur investigation, ces gaillards l'auraient trouvée, cela ne fait pas pour moi l'ombre d'un doute.

      Je me contentai de rire; mais Dupin semblait avoir dit cela fort sérieusement.

      – Donc, les mesures, continua-t-il, étaient bonnes dans l'espèce et admirablement exécutées; elles avaient pour défaut d'être inapplicables au cas et à l'homme en question. Il y a tout un ordre de moyens singulièrement ingénieux qui sont pour le préfet une sorte de lit de Procuste, sur lequel il adapte et garrotte tous ses plans. Mais il erre sans cesse par trop de profondeur ou par trop de superficialité pour le cas en question, et plus d'un écolier raisonnerait mieux que lui.

      «J'ai connu un enfant de huit ans, dont l'infaillibilité au jeu de pair ou impair faisait l'admiration universelle. Ce jeu est simple, on y joue avec des billes. L'un des joueurs tient dans sa main un certain nombre de ses billes, et demande à l'autre: «Pair ou non?» Si celui-ci devine juste, il gagne une bille; s'il se trompe, il en perd une. L'enfant dont je parle gagnait toutes les billes de l'école. Naturellement, il avait un mode de divination, lequel consistait dans la simple observation et dans l'appréciation de la finesse

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Médecin très célèbre et très excentrique. (C. B.)