Promenades autour d'un village. Жорж Санд
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– Ah! vous voilà enfin revenu chez nous? dit, derrière moi, une voix d'homme en m'appelant par mon nom. Votre cheval blanc ne valait pas ceux-ci. Et votre fils, où est-il donc? Je ne le vois pas. Où voulez-vous aller, cette fois? À la Roche-Martin ou à la Preugne-au-Pot? Nous aurons, j'espère, meilleur temps que la dernière fois, et nous passerons la rivière sans danger dans le bateau.
Cet homme, qui me parlait de nos dernières courses avec lui en 1844, comme s'il se fût agi d'hier, et dont je reconnaissais la figure de contrebandier espagnol, c'était Moreau, le pêcheur de truites, le loueur d'ânes et de chevaux, le messager, le guide, le factotum actif et intelligent des voyageurs en Creuse.
– Conduisez-nous à l'autre village, lui dis-je; vos chemins sont tout changés; je ne me reconnais plus.
– Ah! dame, nos chemins sont mieux dessinés qu'autrefois. On va plus droit; mais ils ne sont pas encore commodes aux voitures, et vous irez plus vite à pied.
– C'est notre intention, d'aller à pied.
– Alors, marchons.
– J'ai grand'soif, dit Amyntas en soupirant.
– Voulez-vous du lait de ma chèvre? lui cria une pauvre femme devant la porte de laquelle nous passions.
Amyntas accepta, tout joyeux d'avoir à donner à cette aimable villageoise une pièce de monnaie. Elle ne la refusa pas, mais elle la reçut avec étonnement.
– Comment! dit-elle, vous voulez payer une écuellée de lait? Ça n'en valait pas la peine, et j'étais bien aise de vous l'offrir.
– Vous ne me connaissez pourtant pas?
– Non; mais on aime à faire plaisir aux passants.
– Oh! oh! me dit Amyntas, sommes-nous donc déjà si loin de la vallée Noire? Je n'y ai jamais vu un paysan prévenir les désirs d'un inconnu. Je sais bien que ce n'est pas avarice, mais c'est méfiance ou timidité.
Le soleil baissait; nous ne savions pas où nous trouverions à dîner et à coucher, et, une fois engagés dans le ravin, où la nuit se fait de bonne heure et où les sentiers ne sont vraiment pas commodes, il n'y a rien de mieux à faire que de s'en remettre à la Providence.
Amyntas doubla le pas en chantant.
Chrysalidor ne chantait pas; il ne pensait même plus à récolter des insectes. Tandis que son compagnon s'enivrait de bien-être et de mouvement, il était tranquillement ravi du charme particulier de ce doux et agreste paysage. Tout savant exact et chercheur minutieux qu'il est, il connaît les jouissances de l'artiste, il n'a pas l'intelligence atrophiée par l'amour du détail. Il comprend et il aime l'ensemble. Il sait respirer la saveur du grand tout. Cependant il voyait comme qui dirait des deux yeux. Il en avait un pour le grand aspect du temple de la nature, et l'autre pour les pierres précieuses qui en revêtent le sol et les parois.
– Je vois ici, nous dit-il, une flore tout à coup différente de celle que nous traversions il y a un quart d'heure. Voici des plantes de montagne qui ont le facies méridional: où donc sommes-nous? Je n'y comprends plus rien. Et cette chaleur écrasante à l'heure où l'air devrait fraîchir, la sentez-vous? Il n'y a pourtant pas un nuage au ciel.
– Si je la sens? répondit Amyntas. Je le crois bien! Nous sommes pour le moins en Afrique.
– Il serait fort possible, reprit le savant d'un air absorbé, que nous fissions ici quelque rencontre étonnante!
– Oh! n'ayez pas peur, monsieur! s'écria Moreau, qui crut que notre savant s'attendait à rencontrer tout au moins quelque lion de l'Atlas. Il n'y a point ici de méchantes bêtes.
Le chemin fit encore un coude, et le village, le vrai village cherché, se présenta magnifiquement éclairé, sous nos pieds. Il faut arriver là au soleil couchant: chaque chose a son heure pour être belle.
C'est un nid bâti au fond d'un entonnoir de collines rocheuses où se sont glissées des zones de terre végétale. Au-dessus de ces collines s'étend un second amphithéâtre plus élevé. Ainsi de toutes parts le vent se brise au-dessus de la vallée, et de faibles souffles ne pénètrent au fond de la gorge que pour lui donner la fraîcheur nécessaire à la vie. Vingt sources courant dans les plis du rocher, ou surgissant dans les enclos herbus, entretiennent la beauté de la végétation environnante.
La population est de six à sept cents âmes. Les maisons se groupent autour de l'église, plantée sur le rocher central, et s'en vont en pente, par des ruelles étroites, jusque vers la lit d'un délicieux petit torrent dont, à peu de distance, les eaux se perdent encore plus bas dans la Creuse.
C'est un petit chef-d'oeuvre que l'église romano-byzantine. La commission des monuments historiques l'a fait réparer avec soin. Elle est parfaitement homogène de style au dehors et charmante de proportions.
À l'intérieur, le plein cintre et l'ogive molle se marient agréablement. Les détails sont d'un grand goût et d'une riche simplicité. On descend par un bel escalier à une crypte qui prend vue sur le ravin et le torrent.
Mais, des curieuses fresques que j'ai vues autrefois dans cette crypte, il ne reste que des fragments épars, quelques personnages vêtus à la mode de Charles VII et de Louis XI, des scènes religieuses d'une laideur naïve et d'un sens énigmatique. Ailleurs, quelques anges aux longues ailes effilées, d'un dessin assez élégant et portant sur la poitrine des écussons effacés. Malgré la sécheresse de la roche, l'humidité dévore ces précieux vestiges. Quelque source voisine a trouvé assez récemment le moyen de suinter dans le mur où j'ai encore vu, il y a trente ans, les restes d'une danse macabre extrêmement curieuse. Les personnages glauques semblaient se mouvoir dans la mousse verdâtre qui envahissait le mur: c'était d'un ton inouï en peinture et d'un effet saisissant.
Le Christ assis, nimbé entièrement, qui surmonte le maître-autel de la nef supérieure, est d'une époque plus primitive, contemporaine, je crois, de la construction de l'église. Je l'ai toujours vu aussi frais qu'il l'est maintenant, et je suppose qu'il avait été, dès lors, restauré par quelque artiste de village, qui lui a conservé, par instinct, conscience ou tradition, sa naïveté barbare. Tant il y a qu'on jurerait d'une fresque exécutée d'hier par un de ces peintres gréco-byzantins qui, en l'an 1000, parcouraient nos campagnes et décoraient nos églises rustiques.
II
Le tombeau de Guillaume de Naillac, seigneur du lieu au XIIIe siècle, représente un personnage couché, vêtu d'une longue robe, l'aumônière au flanc, la tête appuyée sur un coussin que soutiennent deux angelots. Sa colossale épée repose près de lui; à ses pieds est le léopard passant de son blason.
Il y a trente ans, ce sévère personnage était encore en grande vénération, sous le nom grotesque et la renommée cynique d'un certain saint que l'on ne doit pas nommer en bonne compagnie.
Je ne sais quel honnête curé a trouvé moyen de détruire cette superstition et de conserver le sire de Naillac en bonne odeur auprès des dévots de sa paroisse, en faisant de lui (à tort, il est vrai) le fondateur de l'église; si bien qu'aujourd'hui on vous montre l'ancien saint sous ce titre prosaïque: l'entrepreneur de bâtiment. Son nez et sa bouche sont entaillés de coupures qui l'ont un peu défiguré.
L'usage