Paris. Emile Zola

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Paris - Emile Zola

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du comité qu'à la condition de se décharger sur Fonsègue de tous les soucis administratifs.

      – Ah! monsieur l'abbé, murmura-t-elle, vous me fendez le cœur. Mais je ne puis rien, rien du tout, je vous assure… Ce Laveuve, d'ailleurs, je crois bien que nous avons déjà examiné son affaire. Vous savez que, chez nous, les admissions sont entourées des garanties les plus sérieuses. On nomme un rapporteur qui doit nous renseigner… Et n'est-ce pas vous, monsieur Dutheil, qui vous étiez chargé de ce Laveuve?

      Le député achevait un petit verre de chartreuse.

      – Mais oui, c'est moi… Monsieur l'abbé, ce gaillard-là vous a joué une comédie. Il n'est pas malade du tout, et, si vous lui avez laissé de l'argent, il sera descendu le boire, derrière votre dos. Car il est toujours ivre, et avec ça l'esprit le plus exécrable, criant du matin au soir contre les bourgeois, disant que, s'il avait encore des bras, ce serait lui qui ferait sauter la boutique… D'ailleurs, il ne veut pas y entrer, à l'Asile, une vraie prison où l'on est gardé par des béguines qui vous forcent à entendre la messe, un sale couvent dont on ferme les portes à neuf heures du soir! Et il y en a tant comme cela, qui préfèrent leur liberté, avec le froid, la faim et la mort!.. Que les Laveuve crèvent donc dans la rue, puisqu'ils refusent d'être avec nous, d'avoir chaud et de manger, dans nos Asiles!

      Le général et Amadieu approuvèrent d'un hochement de tête. Mais Duvillard se montrait plus généreux.

      – Non, non, un homme est un homme, il faut le secourir malgré lui.

      Eve, tout à fait désespérée à l'idée qu'on allait lui prendre son après-midi, se débattit, trouva des raisons.

      – Je vous assure que j'ai les mains absolument liées. Monsieur l'abbé ne doute ni de mon cœur ni de mon zèle. Mais comment veut-on que je réunisse avant quelques jours le comité de ces dames, sans lequel je tiens formellement à ne prendre aucune décision, surtout dans une affaire déjà examinée et jugée?

      Et, brusquement, elle eut une solution.

      – Ce que je vous conseille de faire, monsieur l'abbé, c'est d'aller voir tout de suite monsieur Fonsègue, notre administrateur. Dans un cas pressant, il peut seul agir, car il sait que ces dames ont en lui une confiance sans bornes et qu'elles approuvent tout ce qu'il fait.

      – Vous trouverez Fonsègue à la Chambre, ajouta Dutheil en souriant; seulement, la séance va être chaude, je doute que vous puissiez l'entretenir à l'aise.

      Pierre, dont le cœur s'était serré davantage, n'insista pas, tout de suite résolu à voir Fonsègue, à obtenir quand même avant le soir l'admission du misérable, dont l'atroce image le hantait. Et il resta là quelques minutes encore, retenu par Gérard, qui, obligeamment, lui indiquait le moyen de convaincre le député, en alléguant le mauvais effet d'une pareille histoire, si elle s'ébruitait dans les journaux révolutionnaires. D'ailleurs, les convives commençaient à partir. Le général, avant de se retirer, vint demander à son neveu s'il le verrait l'après-midi, chez sa mère, madame de Quinsac, dont c'était le jour: question à laquelle le jeune homme se contenta de répondre d'un geste évasif, lorsqu'il s'aperçut qu'Eve et Camille le regardaient. Puis, ce fut le tour d'Amadieu, qui se sauva, en disant qu'une grave affaire le réclamait au Palais. Et bientôt Dutheil le suivit, pour se rendre à la Chambre.

      – De quatre à cinq chez Silviane, n'est-ce pas? lui dit le baron en le reconduisant. Venez m'y raconter ce qui se sera passé à la Chambre, à la suite de cet article odieux de Sanier. Il faut pourtant que je sache… Moi, j'irai aux Beaux-Arts, pour arranger l'affaire de la Comédie; et puis, j'ai des courses, des entrepreneurs à voir, une grosse affaire de publicité à régler.

      – Entendu, de quatre à cinq, chez Silviane, comme d'habitude, dit le député, qui partit, repris d'un vague malaise, inquiet de la façon dont tournerait cette vilaine histoire des Chemins de fer africains.

      Et tous déjà avaient oublié Laveuve, le misérable qui agonisait, et tous couraient à leurs soucis, à leurs passions, ressaisis par l'engrenage, retombés sous la meule, dans cette ruée de Paris dont la fièvre les charriait, les heurtait en une ardente bousculade, à qui arriverait le premier, en passant sur le corps des autres.

      – Alors, maman, demanda Camille, qui continuait à dévisager sa mère et Gérard, tu vas nous mener à la matinée de la princesse?

      – Tout à l'heure, oui… Seulement, je ne pourrai y rester avec vous, j'ai reçu ce matin une dépêche de Salmon, pour mon corsage, et il faut absolument que j'aille l'essayer, à quatre heures.

      La jeune fille fut certaine du mensonge, au léger tremblement de la voix.

      – Tiens! je croyais que l'essayage n'était que pour demain… Alors, nous irons te reprendre chez Salmon, avec la voiture, en sortant de la matinée?

      – Ah! pour cela, non, ma chère! On ne sait jamais quand on est libre; et, d'ailleurs, si j'ai un moment, je passerai chez la modiste.

      Une sourde rage fit monter une flamme meurtrière aux yeux noirs de Camille. Le rendez-vous était évident. Mais elle ne pouvait, elle n'osait pousser les choses plus loin, dans son besoin passionné d'inventer un obstacle. Elle avait vainement tenté d'implorer Gérard, qui détournait la tête, debout pour partir. Et Pierre, au courant de bien des choses, depuis qu'il fréquentait la maison, eut conscience, à les sentir si frémissants, de l'inavouable drame silencieux.

      Allongé dans un fauteuil, achevant de croquer une perle d'éther, la seule liqueur qu'il se permît, Hyacinthe éleva la voix.

      – Moi, vous savez que je vais à l'Exposition du Lis. Tout Paris s'y écrase. Il y a surtout là un tableau, le viol d'une âme, qu'il faut absolument avoir vu.

      – Eh bien! mais, je ne refuse pas de vous y conduire, reprit la baronne. Avant d'aller chez la princesse, nous pouvons passer par cette Exposition.

      – C'est cela, c'est cela! dit vivement Camille, qui plaisantait durement d'ordinaire les peintres symbolistes, mais qui devait projeter d'attarder sa mère, avec l'espoir encore de lui faire manquer le rendez-vous.

      Puis, s'efforçant de sourire:

      – Vous ne vous risquez pas au Lis avec nous, monsieur Gérard?

      – Ma foi, non! répondit le comte, j'ai besoin de marcher. Je vais accompagner monsieur l'abbé Froment jusqu'à la Chambre.

      Et il prit congé de la mère et de la fille, en leur baisant la main à toutes deux. Pour attendre quatre heures, il venait de songer qu'il monterait un instant chez Silviane, où il avait ses petites entrées, lui aussi, depuis qu'il y était resté un soir à coucher. Dans la cour vide et solennelle, il dit au prêtre:

      – Ah! ça fait du bien, de respirer un peu d'air froid. Ils chauffent trop, chez eux, et toutes ces fleurs portent à la tête.

      Pierre s'en allait étourdi, la fièvre aux mains, les sens lourds de tout ce luxe, qu'il laissait là, comme le rêve d'un brûlant paradis embaumé, où ne vivaient que des élus. Son besoin nouveau de charité s'y était d'ailleurs exaspéré, il ne réfléchissait qu'au moyen d'obtenir de Fonsègue l'admission de Laveuve, sans écouter le comte qui lui parlait très tendrement de sa mère. Et, la porte de l'hôtel était retombée, ils avaient fait quelques pas dans la rue, lorsque la conscience d'une brusque vision lui revint. N'avait-il pas vu, au bord du trottoir d'en face, regardant cette porte monumentale, close sur de si fabuleuses richesses, un ouvrier arrêté, attendant, cherchant des yeux, dans lequel il avait cru reconnaître Salvat, avec son sac à outils, cet affamé

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