Uranie. Flammarion Camille
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– Androgynes! répliquai-je. Et j’osai ajouter: Est-ce mieux?
– C’est autre. Ce sont de grands troubles de moins dans une humanité.
«Il faut, continua-t-elle, se dégager entièrement des sensations et des idées terrestres pour être en situation de comprendre la diversité infinie manifestée par les différentes formes de la création. De même que sur votre planète les espèces ont changé d’âge en âge, depuis les êtres si bizarres des premières époques géologiques jusqu’à l’apparition de l’humanité, de même que maintenant encore la population animale et végétale de la Terre est composée des formes les plus diverses, depuis l’homme jusqu’au corail, depuis l’oiseau jusqu’au poisson, depuis l’éléphant jusqu’au papillon; de même, et sur une étendue incomparablement plus vaste, parmi les innombrables terres du ciel, les forces de la nature ont donné naissance à une diversité infinie d’êtres et de choses. La forme des êtres est, en chaque monde, le résultat des éléments spéciaux à chaque globe, substances, chaleur, lumière, électricité, densité, pesanteur.
Les formes, les organes, le nombre des sens – vous n’en avez que cinq, et ils sont assez pauvres – dépendent des conditions vitales de chaque sphère. La vie est terrestre sur la Terre, martienne sur Mars, saturnienne sur Saturne, neptunienne sur Neptune, c’est-à-dire appropriée à chaque séjour, ou pour mieux dire, plus rigoureusement encore, produite et développée par chaque monde selon son état organique et suivant une loi primordiale à laquelle obéit la nature entière: la loi du Progrès.»
Pendant qu’elle me parlait, j’avais suivi du regard le vol des êtres aériens vers la cité fleurie et j’avais vu avec stupéfaction les plantes se mouvoir, s’élever ou s’abaisser pour les recevoir; le soleil vert était descendu au-dessous de l’horizon et le soleil orange s’était élevé dans le ciel; le paysage était décoré d’une coloration féerique sur laquelle planait une lune énorme, mi-partie orangée et mi-partie verte. Alors l’immense mélodie qui remplissait l’atmosphère s’arrêta, et au milieu d’un profond silence j’entendis un chant, s’élevant d’une voix si pure que nulle voix humaine ne pourrait lui être comparée.
«Quel merveilleux système, m’écriai-je, qu’un tel monde illuminé par de tels flambeaux! Ce sont donc là les étoiles doubles, triples, multiples, vues de près.
– Splendides soleils que ces étoiles! répondit la déesse. Gracieusement associées dans les liens d’une attraction mutuelle, vous les voyez de la Terre, bercées deux à deux au sein des cieux, toujours belles, toujours lumineuses, toujours pures. Suspendues dans l’infini, elles s’appuient l’une sur l’autre sans jamais se toucher, comme si leur union, plus morale que matérielle, était régie par un principe invisible et supérieur, et suivant des courbes harmonieuses, elles gravitent en cadence l’une autour de l’autre, couples célestes éclos au printemps de la création dans les campagnes constellées de l’immensité. Tandis que les soleils simples comme le vôtre brillent solitaires, fixes, tranquilles, dans les déserts de l’espace, les soleils doubles et multiples semblent animer par leurs mouvements, leur coloration et leur vie, les régions silencieuses du vide éternel. Ces horloges sidérales marquent pour vous les siècles et les ères des autres univers.
«Mais, ajouta-t-elle, continuons notre voyage. Nous ne sommes qu’à quelques trillions de lieues de la Terre.
– Quelques trillions?
– Oui. Si nous pouvions entendre d’ici les bruits de votre planète, ses volcans, ses canonnades, ses tonnerres, ou les vociférations des grandes foules les jours de révolution, ou les chants pieux des églises qui s’élèvent vers le Ciel, la distance est telle qu’en admettant que ces bruits puissent la franchir avec la vitesse du son dans l’air, ils n’emploieraient pas moins de quinze millions d’années pour arriver jusqu’ici. Nous entendrions aujourd’hui seulement ce qui se passait sur la Terre il y a quinze millions d’années.
«Cependant nous sommes encore, relativement à l’immensité de l’univers, très voisins de ta patrie.
«Tu reconnais toujours votre soleil, là-bas, toute petite étoile. Nous ne sommes pas sortis de l’univers auquel il appartient avec son système de planètes.
«Cet univers se compose de plusieurs milliards de soleils, séparés les uns des autres par des trillions de lieues.
«Son étendue est si considérable, qu’un éclair, à la vitesse de trois cent mille kilomètres par seconde, emploierait quinze mille ans à le traverser.
«Et partout, partout des soleils, de quelque côté que nous dirigions nos regards; partout des sources de lumière, de chaleur et de vie, sources d’une variété inépuisable, soleils de tout éclat, de toutes grandeurs, de tout âge, soutenus dans le vide éternel, dans l’éther luminifère, par l’attraction mutuelle de tous et par le mouvement de chacun. Chaque étoile, soleil énorme, tourne sur elle-même comme une sphère de feu et vogue vers un but. Votre soleil marche et vous emporte vers la constellation d’Hercule, celui dont nous venons de traverser le système marche vers le sud des Pléiades, Sirius se précipite vers la Colombe, Pollux s’élance vers la Voie lactée, tous ces millions, tous ces milliards de soleils courent à travers l’immensité avec des vitesses qui atteignent deux, trois et quatre cent mille mètres par seconde! C’est le Mouvement qui soutient l’équilibre de l’univers, qui en constitue l’organisation, l’énergie et la vie.»
III
Depuis longtemps déjà le système tricolore avait fui sous notre essor. Nous passâmes dans le voisinage d’un grand nombre de mondes bien différents de la patrie terrestre. Les uns me parurent entièrement couverts d’eau et peuplés d’êtres aquatiques, les autres uniquement peuplés de plantes. Nous nous arrêtâmes près de plusieurs. Quelle inimaginable variété!
Sur l’un d’entre eux, tous les habitants me parurent particulièrement beaux. Uranie m’apprit que l’organisation y est toute différente de celle des enfants de la Terre et que l’être humain y perçoit les opérations physico-chimiques qui s’accomplissent dans l’entretien du corps. Dans notre organisme terrestre, nous ne voyons pas comment, par exemple, les aliments absorbés s’assimilent, comment le sang, les tissus, les os, se renouvellent; toutes les fonctions s’accomplissent instinctivement, sans que la pensée les perçoive. Aussi subit-on mille maladies, dont l’origine est cachée et souvent introuvable. Là, l’être humain sent les actes de son entretien vital, comme nous sentons un plaisir ou une douleur. De chaque molécule du corps, pour ainsi dire, part un nerf qui transmet au cerveau les impressions variées qu’elle reçoit. Si l’homme terrestre était doué d’un pareil système nerveux, en plongeant ses regards dans