Napoléon Le Petit. Виктор Мари Гюго
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«Aujourd'hui nous ne pouvons avoir de rapport avec le gouvernement que par l'intermédiaire du conseil d'état, qui, confident et organe de sa pensée, a seul le droit de transmettre au corps législatif les documents qu'à son tour il se fait remettre par les ministres.
«En un mot, pour les rapports écrits comme pour les communications verbales, les commissaires du gouvernement remplacent les ministres avec lesquels ils ont dû préalablement s'entendre.
«Quant aux modifications que la commission peut vouloir proposer, soit par suite d'adoption d'amendements présentés par des députés, soit d'après son propre examen du budget, elles doivent, avant que vous soyez appelés à en délibérer, être renvoyées au conseil d'état et y être discutées.
«Là (il est impossible de ne pas le faire remarquer) elles n'ont pas d'interprètes, pas de défenseurs officiels.
«Ce mode de procéder paraît dériver de la constitution elle-même; et, si nous en parlons, c'est uniquement pour vous montrer qu'il a dû entraîner des lenteurs dans l'accomplissement de la tâche de la commission du budget20.»
On n'est pas plus tendre dans le reproche; il est impossible de recevoir avec plus de chasteté et de grâce ce que M. Bonaparte, dans son style d'autocrate, appelle des «garanties de calme21», et ce que Molière, dans sa liberté de grand écrivain, appelle des «coups de pied22…»
Il y a donc dans la boutique où se fabriquent les lois et les budgets un maître de la maison, le conseil d'état, et un domestique, le corps législatif. Aux termes de la «constitution», qui est-ce qui nomme le maître de la maison? M. Bonaparte. Qui est-ce qui nomme le domestique? La nation. C'est bien.
IV
Notons qu'à l'ombre de ces «institutions sages» et grâce au coup d'état, qui, comme on sait, a rétabli l'ordre, les finances, la sécurité, et la prospérité publique, le budget, de l'aveu de M. Gouin, se solde avec cent vingt-trois millions de déficit.
Quant au mouvement commercial depuis le coup d'état, quant à la prospérité des intérêts, quant à la reprise des affaires, il suffit, pour l'apprécier, de rejeter les mots et de prendre les chiffres. En fait de chiffres, en voici un qui est officiel et qui est décisif: les escomptes de la Banque de France n'ont produit pendant le premier semestre de 1852 que 589,502 fr. 62 c. pour la caisse centrale, et les bénéfices des succursales ne se sont élevés qu'à 651,108 fr. 7 c. C'est la Banque elle-même qui en convient dans son rapport semestriel.
Du reste M. Bonaparte ne se gêne pas avec l'impôt. Un beau matin il s'éveille, bâille, se frotte les yeux, prend une plume et décrète quoi? le budget. Achmet III voulut un jour lever des impôts à sa fantaisie.
– Invincible seigneur, lui dit son vizir, tes sujets ne peuvent être imposés au delà de ce que la loi et le prophète prescrivent.
Ce même Bonaparte étant à Ham avait écrit:
«Si les sommes prélevées chaque année sur la généralité des habitants sont employées à des usages improductifs, comme à créer des places inutiles, à élever des monuments stériles, à entretenir au milieu d'une paix profonde une armée plus dispendieuse que celle qui vainquit à Austerlitz, l'impôt dans ce cas devient un fardeau écrasant; il épuise le pays, il prend sans rendre23.»
À propos de ce mot, budget, une observation nous vient à l'esprit. Aujourd'hui, en 1852, les évêques et les conseillers à la cour de cassation ont cinquante francs par jour, les archevêques, les conseillers d'état, les premiers présidents et les procureurs généraux ont par jour chacun soixante-neuf francs; les sénateurs, les préfets et les généraux de division reçoivent par jour quatrevingt-trois francs; les présidents de section du conseil d'état, par jour, deux cent vingt-deux francs; les ministres, par jour, deux cent cinquante-deux francs; monseigneur le prince-président, en comprenant comme de juste dans sa dotation la somme pour les châteaux royaux, touche par jour quarante-quatre mille quatre cent quarante-quatre francs quarante-quatre centimes. On a fait la révolution du 2 décembre contre les Vingt-Cinq Francs!
V
Nous venons de voir ce que c'est que la législature, ce que c'est que l'administration, ce que c'est que le budget.
Et la justice! Ce qu'on appelait autrefois la cour de cassation n'est plus que le greffe d'enregistrement des conseils de guerre. Un soldat sort du corps de garde et écrit en marge du livre de la loi: je veux ou je ne veux pas. Partout le caporal ordonne et le magistrat contre-signe. Allons, retroussez vos toges, marchez, ou sinon!.. – De là ces jugements, ces arrêts, ces condamnations abominables! Quel spectacle que ce troupeau de juges, la tête basse et le dos tendu, menés, la crosse aux reins, aux iniquités et aux turpitudes!
Et la liberté de la presse! qu'en dire? N'est-il pas dérisoire seulement de prononcer ce mot? Cette presse libre, honneur de l'esprit français, clarté faite de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle? qu'est-ce que M. Bonaparte en a fait? Elle est où est la tribune. À Paris, vingt journaux anéantis; dans les départements, quatrevingts; cent journaux supprimés; c'est-à-dire, à ne voir que le côté matériel de la question, le pain ôté à d'innombrables familles; c'est-à-dire, sachez-le, bourgeois, cent maisons confisquées, cent métairies prises à leurs propriétaires, cent coupons de rente arrachés du grand-livre. Identité profonde des principes; la liberté supprimée, c'est la propriété détruite. Que les idiots égoïstes, applaudisseurs du coup d'état, méditent ceci!
Pour loi de la presse, un décret posé sur elle; un fetfa, un firman daté de l'étrier impérial; le régime de l'avertissement. On le connaît, ce régime. On le voit tous les jours à l'oeuvre. Il fallait ces gens-là pour inventer cette chose-là. Jamais le despotisme ne s'est montré plus lourdement insolent et bête que dans cette espèce de censure du lendemain, qui précède et annonce la suppression, et qui donne la bastonnade à un journal avant de le tuer. Dans ce gouvernement le niais corrige l'atroce et le tempère. Tout le décret de la presse peut se résumer en une ligne: Je permets que tu parles, mais j'exige que tu te taises. Qui donc règne? Est-ce Tibère? Est-ce Schahabaham? – Les trois quarts des journalistes républicains déportés ou proscrits, le reste traqué par les commissions mixtes, dispersé, errant, caché; çà et là, dans quatre ou cinq journaux survivants, dans quatre ou cinq journaux indépendants, mais guettés, sur la tête desquels pend le gourdin de Maupas, quinze ou vingt écrivains courageux, sérieux, purs, honnêtes, généreux, qui écrivent, la chaîne au cou et le boulet au pied; le talent entre deux factionnaires, l'indépendance bâillonnée, l'honnêteté gardée à vue, et Veuillot criant: Je suis libre!
VI
La presse a le droit d'être censurée, le droit d'être avertie, le droit d'être suspendue, le droit d'être supprimée; elle a même le droit d'être jugée. Jugée! par qui? Par les tribunaux. Quels tribunaux? les tribunaux
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Crûment. Voyez les
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