Comment on construit une maison. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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Paul cherchait à mettre en ordre, dans sa tête, les graves propos que tenait son cousin. Il se rappelait la conversation des jours précédents, entre M. de Gandelau et sa mère, et des idées, toutes nouvelles pour lui, le préoccupaient visiblement. Quoi qu’il en soit, la vieille maison prenait à ses yeux une apparence vénérable, et il songeait à bien autre chose qu’à lui reprocher ses mauvaises distributions et ses dehors assez maussades.
CHAPITRE IV
DES IDÉES DE M. PAUL EN MATIÈRE D’ART, ET COMMENT ELLES FURENTMODIFIÉES
«Avant de reprendre le crayon, dit le grand cousin, dès que l’on fut réinstallé dans le cabinet de travail, il faut savoir ce que vous voulez. Nous avons tracé l’esquisse des plans. Nous savons qu’ils peuvent s’élever, que la construction ne présentera pas de difficultés; que les murs séparatifs des étages sont d’aplomb les uns sur les autres; que les portées des planchers sont raisonnables, que les ouvertures sont aux places convenables. C’est très bien… Maintenant, voyez-vous ces plans en élévation? C’est-à-dire voyez-vous la maison debout, avec ses étages, ses combles, ses baies, etc.?
–Mais… non.
–Eh bien, il faudrait d’abord vous représenter cette bâtisse comme si elle existait réellement… Je sais que cela ne vous est guère possible, puisque beaucoup d’architectes ne sont pas plus avancés que vous lorsqu’ils ont tracé sur le papier les plans horizontaux, et qu’en traçant ces plans, ils ne voient pas leur bâtisse s’élever en idée. Réfléchissez un peu, examinez bien ces figures, et tâchez, par la pensée, de leur donner, en élévation, une apparence quelconque avant de vous servir du crayon… Prenez votre temps. J’ai une lettre à écrire, quelques comptes à mettre en ordre; pendant ce temps-là, tâchez de me donner l’élévation d’une des faces de la maison, de celle de l’entrée par exemple, côté nord, et nous raisonnerons sur ce projet. Je ne vous recommande qu’une chose, c’est de ne rien mettre sur le papier sans avoir réfléchi, au préalable, sur la convenance, l’utilité de ce que vous projetterez.
«Allons, courage; et n’oubliez pas l’échelle de proportion!»
M. Paul était fort embarrassé, et trouvait la besogne bien difficile. Les idées, qui lui étaient venues abondamment lors de son premier projet, lui refusaient leur service. Cependant, au bout d’une bonne heure et demie, il présentait à son cousin un croquis.
«Cela pourrait être plus mauvais, dit le grand cousin. Vous avez donné 4m,50 de hauteur au rez-de-chaussée entre planchers, c’est bien ce que nous avions dit; mais pourquoi la même hauteur au premier étage? Les pièces sont plus petites, on est mieux aéré; donc il n’est pas besoin de donner à cet étage une hauteur pareille, et 4 mètres suffiraient largement. Puis, pourquoi des fenêtres rondes à rez-de-chaussée? Les fenêtres rondes sont difficiles à garnir de châssis, et cela s’arrange mal avec les fermetures, volets, jalousies ou persiennes. Bon! vos fenêtres de l’escalier principal ne ressautent pas et seraient coupées au milieu par l’emmarchement, ce qui empêcherait de les ouvrir et ferait que, d’un coup de pied, on pourrait casser un carreau. Puis votre cage d’escalier10 ne s’élève pas au-dessus de la corniche et ne pourrait permettre d’entrer dans l’étage sous combles. Il en est de même pour l’escalier de service. Vos combles sont faits en bresis11, c’est-à-dire avec deux pentes. Cela ne vaut pas grand’chose dans des pays comme ceux-ci. Il faut des combles à pente simple et sans arêtiers12 qui exigent un entretien difficile. Mieux valent les pignons13. Vous avez marqué des chaînes de pierre aux angles. Je n’y vois pas de mal; mais comment construirez-vous vos tableaux14 de croisées encadrées par des sortes de pilastres? Aucune souche de cheminée15 ne dépasse votre comble; cependant vous sentez qu’il faudra bien qu’on les voie. Vos mansardes sont trop basses et on se cognerait la tête pour regarder dehors. Faut-il que les linteaux16 de ces lucarnes soient au moins à 2 mètres au-dessus du plancher? Et pourquoi des lucarnes ovales? Cela est fort incommode et difficile à fermer. Vous avez indiqué le perron en perspective, comme font les Chinois; mais c’est un détail. En quoi bâtirez-vous vos murs? Est-ce en pierre de taille, en moellons, en pierre et moellons ou en pierre et briques?
«Étudions cela ensemble. Lorsque l’on compose un plan par-terre ou horizontal, indépendamment des distributions, la chose dont il faut se préoccuper, c’est de savoir comment on couvrira les bâtiments. Car ce qui importe le plus dans une construction, c’est le moyen de la couvrir, puisque toute construction destinée à un usage intérieur est un abri. Cela est indiscutable, n’est-ce pas? Eh bien, dans votre bâtisse, dont les plans sont maintenant sous vos yeux, que voyez-vous dans la masse du corps principal? Deux parallélogrammes qui se coupent ainsi (fig. 3). Un premier parallélogramme a b c d, coupé par un second parallélogramme e f g h. Nous laissons de côté les bretêches et les escaliers. Donc si nous montons des pignons sur les murs a c, b d, dont les rampants seront égaux à la ligne a c, nous aurons deux triangles équilatéraux dont les bases seront a c et b d, et les pentes à 60°, ce qui est la pente la plus convenable pour de l’ardoise, en ce que la neige ne s’y arrête pas et que cette pente ne donne pas de prise au vent. Si, de même, sur les murs e f, g h, nous élevons deux pignons ayant une pente semblable, ces murs étant moins longs que ne sont ceux a c, b d, les triangles seront plus petits et leur sommet n’atteindra pas la hauteur des premiers. Alors le comble élevé sur le plus petit parallélogramme pénétrera celui élevé sur le grand et formera par ces pénétrations des angles rentrants que nous appelons noues; je trace ces noues en i k, k l, m n, m o. Car les pentes des deux combles étant égales, en projection horizontale, ces noues partageront l’angle droit en deux angles égaux; vous savez assez de géométrie pour comprendre cela.
Fig. 3.
«Voilà donc la manière la plus simple de couvrir notre bâtiment; or, en fait de couvertures, les plus simples sont les meilleures. Maintenant pour que nos deux escaliers permettent de pénétrer sous ces combles, il faut que leur cage, autrement dit leur enveloppe de maçonnerie, s’élève au-dessus de la corniche du bâtiment et fournisse un étage supplémentaire, pour eux seuls. Donc nous élèverons ces cages et nous établirons pour elles des combles spéciaux. L’un, celui du grand escalier, sera en pyramide à base quadrangulaire, et l’autre, celui du petit, sera conique.
«Rien ne nous empêche d’élever sur les deux murs q z, s t, des loges ou bretêches, de petits pignons, toujours avec une même pente de 60°, et de couvrir ces loges par deux petits combles qui s’appuieront sur les grands pignons a c, b d. Quant au bâtiment affecté à la cuisine au rez-de-chaussée et à la lingerie au premier
10
Cage d’escalier. Est l’enveloppe en maçonnerie ou en charpente dans laquelle gironnent les marches d’un escalier.
11
Bresis. On dit un comble en
12
Arêtier. Angle saillant formé par la réunion de deux pans de comble.
13
Pignon. Partie terminale d’un mur qui masque la charpente du comble et en suit les pentes.
14
Tableau. Partie du jambage d’une porte ou d’une fenêtre qui reste en dehors de la fermeture.
15
Souche de cheminée. Est la partie du conduit de fumée en maçonnerie qui dépasse les combles et est terminée parfois par des tuyaux en poterie ou de tôle.
16
Linteau. Pièce de bois ou morceau de pierre qui, posée horizontalement sur les jambages d’une porte ou d’une fenêtre, complète la fermeture.