Le mystère de la chambre jaune. Гастон Леру
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– Il ny a de traces, au grenier, que celles du père Jacques», fit le juge avec un haussement de tête significatif…
Et il se décida à compléter sa pensée:
«Le père Jacques était avec M. Stangerson… Cest heureux pour lui…
– Alors, quid du rôle du revolver du père Jacques dans le drame? Il semble bien démontré que cette arme a moins blessé Mlle Stangerson quelle na blessé lassassin…»
Sans répondre à cette question, qui sans doute lembarrassait, M. de Marquet nous apprit quon avait retrouvé les deux balles dans la «Chambre Jaune», lune dans un mur, le mur où sétalait la main rouge – une main rouge dhomme – lautre dans le plafond.
«Oh! oh! dans le plafond! répéta à mi-voix Rouletabille… Vraiment… dans le plafond! Voilà qui est fort curieux… dans le plafond! …
Il se mit à fumer en silence, sentourant de tabagie. Quand nous arrivâmes à Epinay-sur-Orge, je dus lui donner un coup sur lépaule pour le faire descendre de son rêve et sur le quai.
Là, le magistrat et son greffier nous saluèrent, nous faisant comprendre quils nous avaient assez vus; puis ils montèrent rapidement dans un cabriolet qui les attendait.
«Combien de temps faut-il pour aller à pied dici au château du Glandier? demanda Rouletabille à un employé de chemin de fer.
– Une heure et demie, une heure trois quarts, sans se presser», répondit lhomme.
Rouletabille regarda le ciel, le trouva à sa convenance et, sans doute, à la mienne, car il me prit sous le bras et me dit:
«Allons! … Jai besoin de marcher.
– Eh bien! lui demandai-je. Ça se débrouille? …
– Oh! fit-il, oh! il ny a rien de débrouillé du tout! … Cest encore plus embrouillé quavant! Il est vrai que jai une idée…
– Dites-la.
– Oh! Je ne peux rien dire pour le moment… Mon idée est une question de vie ou de mort pour deux personnes au moins…
– Croyez-vous à des complices?
– Je ny crois pas…»
Nous gardâmes un instant le silence, puis il reprit:
«Cest une veine davoir rencontré ce juge dinstruction et son greffier… Hein! que vous avais-je dit pour le revolver? …
Il avait le front penché vers la route, les mains dans les poches, et il sifflotait. Au bout dun instant, je lentendis murmurer:
«Pauvre femme! …
– Cest Mlle Stangerson que vous plaignez? …
– Oui, cest une très noble femme, et tout à fait digne de pitié! … Cest un très grand, un très grand caractère… jimagine… jimagine…
– Vous connaissez donc Mlle Stangerson?
– Moi, pas du tout… Je ne lai vue quune fois…
– Pourquoi dites-vous: cest un très grand caractère? …
– Parce quelle a su tenir tête à lassassin, parce quelle sest défendue avec courage, et surtout, surtout, à cause de la balle dans le plafond.»
Je regardai Rouletabille, me demandant in petto sil ne se moquait pas tout à fait de moi ou sil nétait pas devenu subitement fou. Mais je vis bien que le jeune homme navait jamais eu moins envie de rire, et léclat intelligent de ses petits yeux ronds me rassura sur létat de sa raison. Et puis, jétais un peu habitué à ses propos rompus… rompus pour moi qui ny trouvais souvent quincohérence et mystère jusquau moment où, en quelques phrases rapides et nettes, il me livrait le fil de sa pensée. Alors, tout séclairait soudain; les mots quil avait dits, et qui mavaient paru vides de sens, se reliaient avec une facilité et une logique telles «que je ne pouvais comprendre comment je navais pas compris plus tôt».
IV
«Au sein dune nature sauvage»
Le château du Glandier est un des plus vieux châteaux de ce pays dÎle-de-France, où se dressent encore tant dillustres pierres de lépoque féodale. Bâti au coeur des forêts, sous Philippe le Bel, il apparaît à quelques centaines de mètres de la route qui conduit du village de Sainte-Geneviève-des-Bois à Montlhéry. Amas de constructions disparates, il est dominé par un donjon. Quand le visiteur a gravi les marches branlantes de cet antique donjon et quil débouche sur la petite plate-forme où, au XVIIe siècle, Georges-Philibert de Séquigny, seigneur du Glandier, Maisons- Neuves et autres lieux, a fait édifier la lanterne actuelle, dun abominable style rococo, on aperçoit, à trois lieues de là, au- dessus de la vallée et de la plaine, lorgueilleuse tour de Montlhéry. Donjon et tour se regardent encore, après tant de siècles, et semblent se raconter, au-dessus des forêts verdoyantes ou des bois morts, les plus vieilles légendes de lhistoire de France. On dit que le donjon du Glandier veille sur une ombre héroïque et sainte, celle de la bonne patronne de Paris, devant qui recula Attila. Sainte Geneviève dort là son dernier sommeil dans les vieilles douves du château. Lété, les amoureux, balançant dune main distraite le panier des déjeuners sur lherbe, viennent rêver ou échanger des serments devant la tombe de la sainte, pieusement fleurie de myosotis. Non loin de cette tombe est un puits qui contient, dit-on, une eau miraculeuse. La reconnaissance des mères a élevé en cet endroit une statue à sainte Geneviève et suspendu sous ses pieds les petits chaussons ou les bonnets des enfants sauvés par cette onde sacrée.
Cest dans ce lieu qui semblait devoir appartenir tout entier au passé que le professeur Stangerson et sa fille étaient venus sinstaller pour préparer la science de lavenir. Sa solitude au fond des bois leur avait plu tout de suite. Ils nauraient là, comme témoins de leurs travaux et de leurs espoirs, que de vieilles pierres et de grands chênes. Le Glandier, autrefois «Glandierum», sappelait ainsi du grand nombre de glands que, de tout temps, on avait recueillis en cet endroit. Cette terre, aujourdhui tristement célèbre, avait reconquis, grâce à la négligence ou à labandon des propriétaires, laspect sauvage dune nature primitive; seuls, les bâtiments qui sy cachaient avaient conservé la trace détranges métamorphoses. Chaque siècle y avait laissé son empreinte: un morceau darchitecture auquel se reliait le souvenir de quelque événement terrible, de quelque rouge aventure; et, tel quel, ce château, où allait se réfugier la science, semblait tout désigné à servir de théâtre à des mystères dépouvante et de mort.
Ceci dit, je ne puis me défendre dune réflexion. La voici:
Si je me suis attardé quelque peu à cette triste peinture du Glandier, ce nest point que jaie trouvé ici loccasion dramatique de «créer» latmosphèrenécessaire aux drames qui vont se dérouler sous les yeux du lecteur et, en vérité, mon premier soin, dans toute cette affaire, sera dêtre aussi simple que possible. Je nai point la prétention dêtre un auteur. Qui dit: auteur, dit toujours un peu: romancier, et, Dieu merci! Le mystère de la «Chambre Jaune» est assez plein de tragique horreur réelle pour se passer de littérature. Je ne suis et ne veux être quun fidèle «rapporteur».