Les mystères d'Udolphe. Анна Радклиф

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Les mystères d'Udolphe - Анна Радклиф

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toutes prêtes à se fermer: son cœur était déchiré et ne pouvait s'exprimer.

      Il voulut encore une fois lui donner sa bénédiction. Où êtes-vous, ma chère? lui dit-il en étendant vers elle ses deux mains. Emilie s'était tournée vers une fenêtre pour cacher les symptômes de son affliction; elle comprit alors que la vue lui avait manqué: il lui donna sa bénédiction qui sembla le dernier effort de sa vie expirante, et retomba sur l'oreiller. Elle baisa son front; la sueur froide de la mort inondait ses tempes, et oubliant tout son courage, ses larmes les arrosèrent un moment. Saint-Aubert leva les yeux: c'était encore l'âme d'un père; mais elle s'évanouit bientôt et Saint-Aubert ne parla plus.

      Emilie fut arrachée de sa chambre par Voisin et par sa fille; ils essayèrent de calmer sa douleur: le vieillard pleurait avec elle, mais les secours d'Agnès étaient plus opportuns.

      CHAPITRE VIII

      Le religieux qui s'était présenté le matin revint le soir consoler Emilie. Il apportait un message de l'abbesse d'un couvent voisin du sien, qui l'invitait à se rendre près d'elle. Emilie n'accepta pas l'offre, mais elle répondit avec reconnaissance. La sainte conversation du père, la douce bienveillance de ses manières qui ressemblaient à celles de Saint-Aubert, calmèrent un peu la violence de ses transports; elle éleva son cœur à l'Etre éternel présent partout. Relativement à Dieu, se disait Emilie, mon père bien-aimé existe ainsi qu'hier il existait pour moi. Il n'est mort que pour moi: pour Dieu, pour lui, véritablement il existe.

      Retirée dans sa petite chambre, ses pensées mélancoliques errèrent encore autour de son père. Affaissée dans une espèce de sommeil, des images lugubres obsédèrent son imagination. Elle rêva qu'elle voyait son père, il l'abordait avec une contenance de bonté. Tout d'un coup il sourit avec tristesse, il leva les yeux, ouvrit ses lèvres; mais au lieu de ses paroles, elle entendit une musique douce, portée sur les airs à une fort grande distance. Elle vit alors tous ses traits s'animer dans le ravissement heureux d'un être supérieur: l'harmonie devenait plus forte, elle s'éveilla. Le rêve était fini, mais la musique durait encore, et c'était une musique céleste.

      Elle écoutait et se sentait glacée par un respect superstitieux; les larmes s'arrêtèrent, elle se leva, et fut à la fenêtre. Tout était obscur; mais Emilie détournant les yeux des sombres bois qui bordaient l'horizon, elle vit à gauche cette brillante planète dont le vieillard avait parlé et qui se trouvait au-dessus du bois. Elle se rappela ce qu'il avait dit, et comme la musique agitait l'air par intervalles, elle ouvrit sa fenêtre pour écouter le chant; bientôt il s'affaiblit et elle tenta vainement de découvrir d'où il partait. La nuit ne lui permit pas de rien distinguer sur la pelouse au-dessous d'elle, et les sons devenant successivement plus doux, firent place enfin à un silence absolu.

      Le lendemain matin une sœur du couvent vint lui renouveler l'invitation de l'abbesse. Emilie, qui ne pouvait abandonner la chaumière tant que le corps de son père y reposerait, consentit avec répugnance à la visite qu'on désirait d'elle, et promit de rendre ses respects à l'abbesse dans la soirée de ce même jour.

      Environ une heure avant le coucher du soleil, Voisin lui servit de guide et la conduisit au couvent en traversant les bois. Ce couvent se trouvait, ainsi que celui des religieux dont nous avons parlé, à l'extrémité d'un petit golfe, sur la Méditerranée. Comme Emilie passait l'antique porte du couvent, la cloche de vêpres sonna, et lui parut le premier coup des funérailles de Saint-Aubert. De légers incidents suffisent pour affecter un esprit énervé par la douleur. Emilie surmonta la crise pénible qu'elle éprouvait, et se laissa conduire à l'abbesse qui la reçut avec une bonté maternelle. Son air d'intérêt, ses égards pénétrèrent Emilie de reconnaissance; ses yeux étaient remplis de larmes, et elle ne pouvait pas parler. L'abbesse la fit asseoir, se plaça près d'elle et la regarda en silence, pendant qu'Emilie essayait de sécher ses pleurs. Remettez-vous, ma fille, dit l'abbesse d'une voix douce, ne parlez pas, je vous comprends, vous avez besoin de repos. Nous allons à la prière, voulez-vous nous accompagner? c'est une consolation, mon enfant, de déposer ses peines dans le sein de notre père céleste: il nous voit, il nous plaint, et nous châtie dans sa miséricorde.

      Emilie versa de nouvelles larmes, mais de douces émotions en mélangeaient l'amertume. L'abbesse la laissa pleurer sans l'interrompre; elle la regardait avec cet air de bonté qui aurait indiqué l'attitude d'un ange gardien: Emilie devint plus tranquille, et parlant sans réserve, elle expliqua ses motifs pour ne point quitter la chaumière.

      L'abbesse approuva ses sentiments, son respect filial, mais l'invita à passer quelques jours au couvent avant de retourner à la vallée. Donnez-vous du temps, ma fille, lui dit-elle, pour vous remettre de cette première secousse, avant d'en risquer une seconde; je ne vous dissimulerai pas combien votre cœur va saigner, en revoyant le théâtre de votre douleur passée; ici, vous trouverez tout ce que la paix, l'amitié et la religion peuvent offrir de consolations; mais venez, ajouta-t-elle, en voyant ses yeux se remplir, venez, descendons à la chapelle.

      Emilie la suivit dans une salle où les religieuses étaient toutes rassemblées; l'abbesse la leur confia, en disant: C'est une jeune personne pour laquelle j'ai beaucoup de considération, traitez-la comme une sœur.

      Elles se rendirent à la chapelle, et l'édifiante dévotion avec laquelle fut célébré l'office divin éleva l'esprit d'Emilie aux consolations de la foi et d'une entière résignation.

      Il était tard avant que l'abbesse eût consenti à son départ. Elle sortit du couvent moins oppressée qu'elle n'y était entrée, et fut reconduite par Voisin au travers des bois; leur uniforme obscurité était en harmonie avec l'état de son cœur. Elle suivait, en rêvant, un petit sentier peu battu, quand tout à coup son guide s'arrêta, regarda autour de lui, et se jeta hors du sentier dans la bruyère, disant qu'il s'était trompé de route, il marchait avec une extrême vitesse: Emilie, qui ne pouvait le suivre sur un terrain glissant et dans l'obscurité, restait à une grande distance. Si vous doutez de votre chemin, dit Emilie, ne vaudrait-il pas mieux s'adresser à ce grand château que j'aperçois entre ces arbres.

      –Non, répliqua Voisin, ce n'est pas la peine: quand nous serons à ce ruisseau où vous voyez se réfléchir une lumière au delà des bois, nous serons à la maison. Je ne comprends pas comment j'ai fait pour m'égarer; c'est que je viens rarement ici après le coucher du soleil.

      –Ce lieu est assez solitaire, dit Emilie, mais vous n'avez pas de voleurs?—Non, mademoiselle, point de voleurs.

      –Qui est-ce donc qui vous effraye, mon cher ami? vous n'êtes pas superstitieux?—Non, je ne suis pas superstitieux; mais à vous parler vrai, mademoiselle, personne n'aime à se trouver le soir dans les environs de ce château.—Emilie comprit alors que ce château était celui dont avait déjà parlé Voisin; il avait appartenu au marquis de Villeroi, dont la mort récente avait tant affecté son père.

      Ah! dit Voisin, comme tout cela est désolé! c'était une si belle maison, un si bel endroit, comme je m'en souviens!—Emilie lui demanda pourquoi cet affreux changement!—Le vieillard se taisait.—Emilie, réveillée par l'effroi qu'il montrait, occupée surtout de l'intérêt qu'avait manifesté son père, répéta la question, et elle ajouta ensuite: Si ce ne sont pas les habitants qui vous effrayent, et si vous n'êtes pas superstitieux, comment se fait-il donc, mon cher ami, que vous n'osiez, le soir, approcher de ce château?

      –Eh bien donc, mademoiselle, peut-être suis-je un peu superstitieux; et si vous en saviez la cause, vous pourriez bien le devenir aussi. Il est arrivé là de singulières choses; monsieur votre bon père paraissait avoir connu la marquise.—Dites-moi, je vous prie, ce qui est arrivé? lui dit Emilie, fort émue.

      –Hélas! mademoiselle, répondit Voisin, ne m'en demandez pas davantage, les secrets domestiques de mon maître doivent toujours être sacrés pour moi.—Emilie,

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