La race future. Эдвард Бульвер-Литтон
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Mais la politique surtout fut transformée par la découverte de la terrible puissance du vril et des moyens de l'employer. Dès que les effets en furent mieux connus et plus habilement mis en œuvre, toute guerre cessa entre les peuples qui avaient découvert le vril, car ils avaient porté l'art de la destruction à un degré de perfection qui annulait toute supériorité de nombre, de discipline et de talent militaire. Le feu renfermé dans le creux d'une baguette maniée par un enfant pouvait abattre la forteresse la plus redoutable, ou sillonner d'un trait de flamme, du front à l'arrière-garde, une armée rangée en bataille. Si deux armées en venaient aux mains possédant le secret de ce fluide terrible, elles devaient s'anéantir réciproquement. L'âge de la guerre était donc fini, et quand la guerre eut disparu, une révolution non moins profonde ne tarda pas à se produire dans les relations sociales. L'homme se trouva si complètement à la merci de l'homme, chacun d'eux pouvant en un instant tuer son adversaire, que toute idée de gouvernement par la force disparut peu à peu du système politique et de la loi. Ce n'est que par la force que de grandes communautés, dispersées sur de vastes espaces, peuvent être maintenues dans l'unité; mais ni la nécessité de la défense, ni l'orgueil des conquêtes ne firent plus désirer à un État de l'emporter sur un autre par sa population.
Ceux qui avaient découvert le vril arrivèrent ainsi, au bout de quelques générations, à se partager en communautés moins considérables. La tribu au milieu de laquelle je me trouvais était limitée à douze mille familles. Chaque tribu occupait un territoire suffisant à tous ses besoins, et à des périodes déterminées le surplus de la population émigrait pour aller chercher un domaine nouveau. Il ne paraissait pas nécessaire de faire choisir arbitrairement ces émigrants; il y avait toujours un assez grand nombre d'émigrants volontaires.
Ces États subdivisés, peu importants à ne considérer que leur territoire ou leur population, appartenaient tous à une seule et grande famille. Ils parlaient la même langue, sauf quelques légères différences de dialecte. Le mariage était permis de tribu à tribu; les lois et les coutumes les plus importantes étaient les mêmes; la connaissance du vril et l'emploi des forces qu'il renfermait formait entre tous ces peuples un lien si important que le mot A-vril était pour eux synonyme de civilisation; et Vril-ya, c'est-à-dire les Nations Civilisées, était le terme commun par lequel les tribus qui se servaient du vril se distinguaient des familles d'Ana encore plongées dans la barbarie.
Le gouvernement de la tribu des Vril-ya, dont je m'occupe ici, était en apparence très compliqué, en réalité très simple. Il était fondé sur un principe reconnu en théorie, quoique peu appliqué dans la pratique sur notre terre, c'est que l'objet de tout système philosophique est d'atteindre l'unité et de s'élever à travers le dédale des faits à la simplicité d'une cause première ou principe premier. Ainsi, en politique, les écrivains républicains eux-mêmes conviennent qu'une autocratie bienfaisante assurerait la meilleure des administrations, si on pouvait en garantir la durée, ou prendre des précautions contre l'abus graduel des pouvoirs qu'on lui accorde. Cette singulière communauté élisait donc un seul magistrat suprême appelé Tur; il était nominalement investi du pouvoir pour la vie; mais on pouvait rarement le détourner de s'en démettre aux approches de la vieillesse. Il n'y avait rien du reste dans cette société qui pût porter un de ses membres à convoiter les soucis de cette charge. Aucun honneur, aucun insigne d'un rang plus élevé n'étaient accordés au magistrat suprême que ne distinguait point la supériorité de son revenu ou de sa résidence. En revanche, les devoirs qu'il avait à remplir étaient singulièrement légers et faciles, et n'exigeaient pas un degré extraordinaire d'énergie ou d'intelligence. Point de guerre à craindre, pas d'armée à entretenir: le gouvernement ne pouvant s'appuyer sur la force, il n'y avait pas de police à payer et à diriger. Ce que nous appelons crime était absolument inconnu aux Vril-ya, et il n'existait pas de cour de justice criminelle. Les rares exemples de différends civils étaient confiés à l'arbitrage d'amis choisis par les deux parties, ou jugés par le Conseil des Sages que je décrirai plus loin. Il n'y avait pas d'hommes de loi de profession; et l'on peut dire que leurs lois n'étaient que des conventions à l'amiable, car il n'existait pas de pouvoir en état de contraindre un délinquant qui portait dans une baguette le moyen d'anéantir ses juges. Il y avait des règles et des coutumes auxquelles le peuple, depuis plusieurs siècles, s'était tacitement habitué à obéir; ou si, par hasard, un individu trouvait trop dur de s'y soumettre, il quittait la communauté et allait s'établir ailleurs. Enfin on s'était insensiblement soumis à une sorte de convention analogue à celle qui régit nos familles privées, où nous disons en quelque sorte à tout membre parvenu à l'indépendance que donne la virilité: «Reste ou va-t-en, suivant que nos habitudes ou les règles que nous avons établies te conviennent ou te déplaisent.» Mais quoiqu'il n'y eût pas de lois dans le sens précis que nous donnons à ce mot, il n'y a pas dans le monde supérieur une race plus observatrice de la loi que les Vril-ya. L'obéissance à la règle adoptée par la communauté est devenue un instinct aussi puissant que ceux de la nature. Le chef de chaque famille établit pour la conduite de sa famille une règle qu'aucun de ses membres ne songe à violer ou à éluder. Ils ont un proverbe dont l'énergie perd beaucoup dans cette paraphrase: «Pas de bonheur sans ordre, pas d'ordre sans autorité, pas d'autorité sans unité.» La douceur de tout gouvernement civil ou domestique chez eux se reconnaît bien à l'expression habituelle dont ils usent pour désigner ce qui est illégal ou défendu: «On est prié de ne pas faire telle ou telle chose.» La pauvreté chez les Ana est aussi inconnue que le crime; non pas que la propriété soit en commun, ou qu'ils soient tous égaux par l'étendue de leurs possessions, ou par la grandeur et le luxe de leurs habitations; mais comme il n'y a aucune différence de rang ou de position entre les divers degrés de richesse ou les diverses professions, chacun fait ce qui lui convient sans inspirer ni ressentir d'envie. Les uns préfèrent un genre de vie plus modeste, les autres un genre de vie plus brillant; chacun se rend heureux à sa manière. Grâce à cette absence de toute compétition et aux limites fixées pour la population, il est difficile qu'une famille tombe dans la misère; il n'y a pas de spéculations hasardeuses, pas de rivalités et de luttes pour la conquête de la fortune ou d'un rang plus élevé. Sans doute, chaque fois qu'un établissement a été fondé, une portion égale a été attribuée à tous les colons; mais les uns, plus entreprenants que les autres, avaient étendu leurs possessions aux dépens du désert qui les entourait, ou avaient augmenté la fertilité de leurs champs, ou s'étaient engagés dans le commerce. Ainsi, les uns étaient nécessairement devenus plus riches que les autres, mais nul n'était absolument pauvre, nul n'avait de privations à subir. À la rigueur, ils avaient toujours la ressource d'émigrer, ou de s'adresser sans honte et avec la certitude d'être écoutés à de plus riches qu'eux; car tous les membres de la communauté se regardaient comme des frères ne formant qu'une famille unie par l'affection. J'aurai, dans la suite de mon récit, l'occasion de revenir sur ce sujet.
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