Les Chants de Maldoror. Comte de Lautréamont

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éamont

      Les Chants de Maldoror

      A mon ami ALBERT LACROIX.

      L'édition actuelle des Chants de Maldoror est la réimpression, revue et corrigée d'après le manuscrit original, d'un ouvrage qui n'a jamais paru en librairie. Dans le courant de 1869, M. le comte de Lautréamont venait de délivrer les derniers bons à tirer de son livre, et celui-ci allait être broché, lorsque l'éditeur—continuellement en butte aux persécutions de l'Empire—en suspendit la mise en vente à cause de certaines violences de style qui en rendaient la publication périlleuse. «J'ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix. Mais, une fois qu'il fut imprimé, il a refusé de le faire paraître, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu'il craignait le procureur général.»

      Ainsi s'exprime l'auteur dans la lettre reproduite en fac-simile en tête de ce volume. L'ouvrage de poésies dont il est question et qui, ainsi présenté, atteste la visée lyrique qu'y attachait l'auteur, est bien celui-ci. M. le comte de Lautréamont se refusait à amender les violences de son texte. Ce n'est qu'après s'en être longtemps défendu qu'il consentit aux modifications qui lui étaient demandées. Des cartons destinés à remplacer les passages réputés dangereux devaient être tirés. Mais en 1870, la guerre éclatait. On ne pensa plus aux Chants de Maldoror. Et brusquement, l'auteur mourut, n'ayant exécuté qu'une partie des revisions auxquelles il avait consenti.

      Le texte de la présente édition est donc conforme à celui de l'édition originale dont le tirage alla s'égarer dans les caves d'un libraire belge qui, timidement, au bout de quatre années, fit brocher des exemplaires avec un titre et une couverture anonymes1. Quelques lettrés seulement connaissent ces exemplaires.

      Nous avons cru que la réédition d'une œuvre aussi intéressante serait bien accueillie. Ses véhémences de style ne peuvent effrayer une époque aussi littéraire que la nôtre. Si outrées qu'elles soient, elles gardent une beauté profonde et ne revêtent aucun caractère pornographique.

      La Critique appréciera, comme il convient, les Chants de Maldoror, poëme étrange et inégal où, dans un désordre furieux, se heurtent des épisodes admirables et d'autres souvent confus. En écrivant cette notice, nous voulons simplement détruire une légende formée, on ne sait trop pourquoi, à l'endroit de la personnalité du comte de Lautréamont. Dernièrement encore, M. Léon Bloy, dont la mission, ici-bas, consiste décidément à démolir tout le monde, les morts comme les vivants, tentait d'accréditer cette légende dans une longue étude consacrée au volume2: il y répète à satiété que l'auteur était fou et qu'il est mort fou. —«C'est un aliéné qui parle, le plus déplorable, le plus déchirant des aliénés.»—«La catastrophe qui fit de cet inconnu un aliéné …» —«… Car c'est un vrai fou, hélas! Un vrai fou qui sent sa folie.» Et plus loin: «L'auteur est mort dans un cabanon, et c'est tout ce qu'on sait de lui.» En écrivant cela, M. Léon Bloy a sciemment fait de très mauvaise besogne; en effet, il résulte de l'enquête très approfondie que nous avons faite, il résulte de documents authentiques que nous avons recueillis, que l'auteur des Chants de Maldoror n'est pas mort fou. Le comte de Lautréamont s'est éteint à l'âge de vingt ans, emporté en deux jours par une fièvre maligne. Si M. Léon Bloy avait lu les aliénistes, et si la science physiologique l'avait un peu allaité, il eût apporté plus de réserve dans l'invention d'une fable, intéressante seulement au point de vue de l'effet littéraire qu'il désirait produire. La Science, en effet, nous apprend que les cas de vraie folie sont extrêmement rares au-dessous de vingt ans. Or, l'auteur naquit à Montevideo le 4 avril 1850; son manuscrit fut remis à l'imprimerie en 1868; on peut sans témérité présumer son complet achèvement en 1867; les Chants de Maldoror sortirent donc de l'imagination et du labeur cérébral d'un jeune homme de dix-sept ans. Au surplus, l'extrait des minutes des actes de décès du neuvième arrondissement de Paris porte que Isidore-Lucien Ducasse—tel est son véritable nom—est décédé le jeudi 24 novembre 1870, à huit heures du matin, en son domicile, Faubourg-Montmartre, no 7. Le numéro 7 du Faubourg-Montmartre n'a jamais été ni un cabanon, ni une maison de fous.

      Nos actives investigations n'ont pas abouti à pénétrer, dans son intégralité, le mystère dont la vie de l'auteur à Paris semble avoir été entourée. La Préfecture de police s'est refusée à nous seconder dans ces recherches, parce que nous n'avions aucun caractère officiel pour les lui demander. Voilà, certes, un rigorisme administratif fort regrettable. Quel inconvénient peut-il y avoir à fournir à un éditeur quelques renseignements sur la vie d'un homme de lettres mort depuis vingt ans? Borné à nos seules enquêtes, nous avons acquis la certitude que Ducasse était venu à Paris dans le but d'y suivre les cours de l'école Polytechnique ou des Mines. En 1867, il occupait une chambre dans un hôtel situé au numéro 23 de la rue Notre-Dame-des-Victoires. Il y était descendu dès son arrivée d'Amérique. C'était un grand jeune homme, brun, imberbe, nerveux, rangé et travailleur. Il n'écrivait que la nuit, assis à son piano. Il déclamait, il forgeait ses phrases, plaquant ses prosopopées avec des accords. Cette méthode de composition faisait le désespoir des locataires de l'hôtel, qui, souvent, réveillés en sursaut, ne pouvaient se douter qu'un étonnant musicien du verbe, un rare symphoniste de la phrase cherchait, en frappant son clavier, les rhythmes de son orchestration littéraire.

      Si de tels raccourcis de la vie d'un homme ne suffisent pas pour reconstituer une ressemblance bien définitive, ils aideront toutefois à élucider, pour une petite part, le mystère de cette figure vouée à rester, par presque tous ses côtés, obscure. Mais, restituer un caractère avec des documents, cela ne tient-il pas un peu du domaine des sciences occultes? Du moins, avons-nous cherché à éclairer ce sommaire portrait en recourant à celle des sciences de ce temps qui, d'après un texte, s'applique à évoquer les plus fuyantes directions de l'Ame et de la Pensée. Puisque nous avions cette fortune de posséder des manuscrits de Ducasse, il nous a paru curieux de demander à un graphologiste érudit son avis sur l'auteur des Chants de Maldoror.

      «—Oh! oh! c'est joli, dit-il (c'est là une expression familière aux graphologistes lorsque le sujet leur semble intéressant); singulier mélange, par exemple. Voyez-donc l'ordre et l'élégance, cette date régulière en haut, cette marge, ces lignes rigides, et cette distraction inattendue qui le fait commencer sa lettre à l'envers en oubliant les initiales que porte le papier3 … Majuscules harmoniques: le V de Voltaire et l'R de Rousseau et d'autres. Puis, regardez maintenant l'enfantillage du P de Paris et le G de Grandes Têtes. Quant à la signature, elle est littéralement d'un enfant; comment concilier l'inharmonie d'un tel parafe avec ce que je viens de dire? Nous allons en avoir l'explication en l'analysant. Il a signé: J. Ducasse, sans parafe, il devait n'en faire jamais, ce qui, vous le savez, est un des signes graphologiques de la distinction. Puis, se rappelant qu'il demandait de l'argent, il a ajouté son adresse, et pour réunir les deux choses, par ordre et logique, il a entouré le tout d'une très vague ellipse faite un peu «va comme je te pousse» et qu'il ne faudrait pas confondre, dans cette analyse, avec le parafe en colimaçon habituel aux amoureux de la vie familiale. Je vous le répète, il n'y a pas là de parafe, et il ne peut pas y en avoir, étant donné la sobriété du reste.

      «Mais, continuons: l'harmonie m'a montré un artiste, et tout à coup je découvre un logicien et un mathématicien. Les derniers mots: «la bonté de me l'écrire», cela ne ressemble-t-il pas à une formule algébrique, avec l'abréviation de bonté, et à un syllogisme, avec cet étroit enchaînement des mots; et, il est si étroit, cet enchaînement, le scripteur est tellement obsédé par la logique qu'il ne met les apostrophes qu'après le mot fini, et sans en oublier une seule! C'est admirable, je n'ai peut-être pas vu cela dix fois sur les milliers de lettres que j'ai étudiées.

      «Barres scrupuleuses et énergiques avec, quelquefois, un petit harpon d'égoïsme (mais qui n'en a pas?). Il y en a juste la dose nécessaire pour n'altérer en rien la bonté qui éclate dans la rondeur des lettres: comme il y a un peu d'acide prussique dans les

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<p>1</p>

La couverture et le titre sont ainsi composés: Les Chants—de —Maldoror—par—le comte de Lautréamont—(Chants I, II, III, IV, V, VI) —Paris et Bruxelles—En vente chez tous les libraires—1874. Au dessous de la couverture, dans le double filet, cette mention: Tous droits de traduction et de reproduction réservés. Au verso du faux-titre: Bruxelles—Typ. de E. Wittmann. Cette dernière indication est fausse, aucun imprimeur du nom de Wittmann n'ayant existé à Bruxelles. Couverture brun-marron.

En 1869, l'auteur témoigna le désir de posséder quelques exemplaires de son livre; on lui en brocha une dizaine. La couverture de ces exemplaires est jaune. Elle porte: Paris. En vente chez tous les libraires (1869). Au verso du faux-titre et en quatrième page de la couverture: Bruxelles. Imprimerie de A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, boulevard de Waterloo, 42.

<p>2</p>

V. la Plume, 2eannée, no 33.

<p>3</p>

La photogravure a rétabli le chiffre à sa place. Celui-ci se trouve en quatrième page de la lettre, barré par un trait de plume.