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mirent pied à terre. Thor plongea la main dans les sacoches de sa selle pour les vider. Les autres l’imitèrent. Tous se chargèrent d’armes, d’eau et de sacs de provisions. Difficile de savoir combien de temps le voyage prendrait et dans combien de temps ils verraient à nouveau la terre ferme – si ils la voyaient à nouveau. Thor prit également de la nourriture pour Krohn.

      Ils jetèrent par-dessus la rambarde du bateau les sacs, qui atterrirent sur le pont avec un bruit mat.

      Thor saisit l'épaisse corde à nœuds qui pendait sur le côté. La texture grossière du chanvre abîma ses mains. Il tira dessus pour tester sa résistance et prit Krohn sur ses épaules – le poids de leurs deux corps éprouva la puissance de ses muscles. Il se hissa à bord à la force des bras, comme le léopard gémissait contre son oreille et serrait ses pattes aux griffes acérées autour sa poitrine.

      Bientôt, Thor se retrouva à bord et Krohn sauta sur le pont. Les autres suivirent. Thor se pencha par-dessus le bastingage pour regarder les chevaux restés sur la plage. Les animaux levaient les yeux vers leurs cavaliers comme dans l’attente d’un ordre.

      – Qu’est-ce qu’on fait d’eux ? demanda Reece, en se portant à la hauteur de Thor.

      Thor se retourna pour inspecter l’embarcation : elle était longue de six mètres environ et moitié moins large. Elle transporterait facilement un groupe de six hommes mais pas des chevaux. S’ils essayaient de les emporter, les chevaux piétineraient la coque en bois et risqueraient de l’endommager. Il fallait les laisser derrière.

      – Nous n’avons pas le choix, dit Thor en jetant un regard désolé aux montures. Nous allons devoir en trouver d’autres sur place.

      O'Connor se pencha par-dessus la rambarde.

      – Ils sont intelligents, ces chevaux, dit-il. Je les ai bien dressés. Ils retourneront à la maison sur mon ordre.

      Il poussa alors un sifflement bref et vif.

      Les chevaux effectuèrent aussitôt une volte et partirent au galop à travers les dunes, avant de disparaître dans la forêt, en direction de l’Anneau.

      Thor se retourna pour regarder ses frères, le bateau et la mer qui s’étendait devant eux. Un retour en arrière n’était plus envisageable : sans chevaux, le groupe n’avait plus d’autre choix que d’aller de l’avant. Tout devenait bien réel. Ils étaient seuls, complètement seuls, et ne possédaient plus que cette embarcation. Bientôt, ils quitteraient pour de bon les rivages de l’Anneau.

      – Et comment sommes-nous censés mettre ce bateau à flot ? demanda Conval, comme tous baissaient les yeux vers la coque, cinq mètres plus bas.

      L’embarcation était échouée sur la plage : la proue se balançait au rythme du roulis, mais la poupe restait immobile, enfoncée dans le sable.

      – Par ici ! dit Conven, de l'autre côté du pont.

      Ils se précipitèrent pour le rejoindre. Une épaisse chaîne de fer se balançait par-dessus le bastingage. Une ancre immense se trouvait à l’autre bout, posée sur le sable.

      Conven se pencha, saisit la chaîne et tira de toutes ses forces. Il poussa un grognement, lutta, mais l’ancre ne bougea pas d’un centimètre.

      – C’est trop lourd, grommela-t-il.

      Conval et Thor se précipitèrent pour l’aider. Les trois hommes se saisirent de la chaîne et se mirent à tirer. Le poids stupéfia Thor : même à trois, ils ne purent hisser l’ancre que de quelques dizaines de centimètres seulement. Épuisés, ils finirent par tout lâcher et l’ancre retomba sur la plage avec un bruit mat.

      – Laissez-moi vous aider, dit Elden qui fit un pas en avant.

      Son impressionnante stature les dominait tous. Il se pencha, saisit la chaîne et commença à tirer. Sous les yeux ébahis de Thor, il parvint à soulever l’ancre dans les airs. Les autres se précipitèrent pour lui prêter main forte et tous se mirent à tirer comme un seul homme. L’ancre s’éleva doucement, centimètre par centimètre, jusqu’à atteindre la rambarde. Ils la firent basculer sur le pont.

      Le bateau commençait à bouger, agité par le roulis, mais la poupe demeurait enfoncée dans le sable.

      – Les poteaux ! dit Reece.

      Thor se retourna et vit deux poteaux en bois, d’environ six mètres de long, plantés d’une part et d’autre du bateau. Il comprit leur utilité et courut dans leur direction, ses compagnons sur ses talons. Les hommes se séparèrent en deux groupes : Thor et Reece se chargèrent du premier poteau, Conval et Conven du second.

      – Quand nous serons à l’eau, cria Thor à Elden et O’Connor, vous déploierez les voiles !

      Ils poussèrent de toutes leurs forces ces poteaux contre le sable de la plage. Thor gémit sous l'effort. Lentement, le bateau se mit à trembler sous leurs pieds. Elden et O'Connor coururent au milieu du pont pour dénouer les cordes et déplier les voiles. Elles se déployèrent avec difficulté, une longueur de toile après l’autre. Heureusement, il y avait une forte brise. Comme Thor et les autres luttaient pour mettre à flot ce bateau étonnamment lourd, les voiles finirent par se déployer dans le vent.

      Enfin, l’embarcation se balança sous leurs pieds et glissa lentement entre les vagues où elle se mit à flotter, comme dépouillée de tout son poids. Les épaules de Thor tremblaient encore sous l’effort. Elden et O'Connor hissèrent la voile jusqu’en haut du mât. Bientôt, le bateau se mit à dériver en mer, poussé par la brise.

      Tous poussèrent un cri de triomphe et de soulagement. Ils rangèrent les poteaux sur le pont et aidèrent Elden et O’Connor à sécuriser le gréement. Krohn, tout excité par la situation, glapit à côté d’eux.

      Le bateau partait maintenant à la dérive, sans but, et Thor se précipita à la barre. O'Connor se porta à sa hauteur.

      – Tu veux la prendre ? lui demanda Thor.

      O'Connor lui adressa un large sourire.

      – J’adorerais.

      Ils commençaient à prendre une bonne allure, filant sur les eaux jaunes du Tartuvien, le vent en poupe. Enfin, ils étaient en route et Thor prit une profonde inspiration. Les voilà partis !

      Il se dirigea vers la proue, suivi de Reece. Krohn bondit à côté d’eux. Le léopard frotta sa tête contre la jambe de son ami et lui lécha les doigts. Thor caressa son pelage blanc et plongea la main dans sa poche pour lui donner un morceau de viande.

      Il contempla l’immensité jaune qui s’étendait aussi loin que portait le regard. Quelques points à l’horizon signalaient la présence des noirs vaisseaux de l’Empire, probablement en route vers le côté McCloud de l'Anneau. Heureusement, leur attention se portait ailleurs. Ils ne remarqueraient pas le bateau solitaire qui s’introduisait clandestinement sur leur territoire. Le ciel était dégagé et une forte brise les poussait dans le dos. Ils continuaient de prendre de la vitesse.

      En contemplation, Thor se demanda ce qui les attendait. Combien de temps avant de retrouver la terre ferme de l’Empire ? Et qu’est-ce qui les accueillerait là-bas ? Trouveraient-ils l’Épée ? Comment cette histoire finirait-elle ? Il savait que les chances ne jouaient pas en leur faveur, mais il se sentait euphorique d'être enfin sur le chemin, satisfait d’avoir passé cette étape, pressé de trouver

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