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En temps normal, Gareth en aurait tiré quelque satisfaction. Ce jour-là, rien ne lui importait vraiment : le souvenir du fantôme de son père et sa rage à l’idée du départ de sa sœur occupaient son esprit. Toutes ses émotions bouillonnaient en lui et il fallait qu’elles sortent, qu’elles envahissent le monde.
Gareth tituba à travers la vaste chambre, intoxiqué par l’opium, et remonta l’allée menant au trône entre les dizaines de conseillers qui lui faisaient une haie d’honneur. Sa cour avait grandi et, aujourd'hui, on sentait ici une énergie frénétique : à ce qu’il semblait, de plus en plus de gens avaient entendu que la moitié de la Cour du Roi était partie et que le Bouclier était tombé. Il paraissait que tous ceux qui étaient restés se trouvaient là et cherchaient des réponses.
Bien sûr, Gareth n’en avait pas à leur donner.
Comme il monta en se pavanant les marches d'ivoire menant au trône de son père, il vit planté derrière lui, et attendant patiemment sa venue, le seigneur Kultin, le chef de ses mercenaires – son armée privée –, le seul homme demeuré à la cour en qui Gareth pouvait avoir confiance. Des dizaines de ses combattants se tenaient à ses côtés, en silence, les mains sur leurs épées, prêts à se battre jusqu'à la mort pour Gareth. C’était bien la seule chose qui puisse lui donner un peu de réconfort.
Gareth s’assit sur son trône et balaya la salle du regard. Tant de visages. Il en reconnut quelques-uns. La plupart lui étaient inconnus. Il ne faisait confiance à aucun d'entre eux. Chaque jour, il purgeait un peu plus sa Cour. Déjà, il en avait envoyé un grand nombre aux cachots – et plus encore au bourreau. Pas un jour ne passait sans qu’il ne fasse exécuter quelques hommes au moins. Une bonne politique, selon lui : tous restaient ainsi bien en alerte et un coup d’état serait facilement évité dans ces conditions.
Tous gardaient le silence, les yeux fixés sur lui comme dans un état second. Ils avaient l'air terrifié à la seule idée de parler. Voilà exactement ce que Gareth voulait. Rien ne le réjouissait plus que semer la terreur parmi ses sujets.
Enfin, Aberthol fit un pas en avant, le son de sa canne se répercutant sur les pierres, et se racla la gorge.
– Sire, commença-t-il de sa vieille voix, la Cour du Roi se trouve dans la plus grande confusion. Je ne sais pas quelles nouvelles vous sont parvenues. Le Bouclier est tombé. Gwendolyn a quitté la Cour en emmenant Kolk, Brom, Kendrick, Atme, l'Argent, la Légion et la moitié de votre armée – et la moitié de la Cour également. Ceux qui sont restés attendent vos conseils et vos instructions, pour savoir quelle sera notre prochaine étape. Les gens veulent des réponses, sire.
– Par ailleurs, dit un autre membre du conseil que Gareth reconnut à peine, la rumeur rapporte que Andronicus a déjà franchi le Canyon et envahi le domaine de McCloud avec son armée d’un million d'hommes.
On entendit alors dans toute la pièce des soupirs indignés et des dizaines de guerriers parmi les plus braves se mirent à chuchoter, saisis par la terreur. Un vent de panique se répandit comme une traînée de poudre.
– Cela ne peut pas être vrai ! s’exclama un soldat.
– Pourtant ça l’est ! insista le membre du conseil.
– Alors tout espoir est perdu ! s’écria un autre soldat. Si les McClouds ont été renversés, l’Empire viendra pour nous. Nous n’avons aucun moyen de les retenir.
– Nous devons discuter des termes de la capitulation, sire, dit Aberthol à Gareth.
– La capitulation !? cria un autre homme. Nous ne céderons jamais !
– Si nous ne le faisons pas, grogna un soldat, ils nous écraseront. Comment pourrions-nous résister à un million d'hommes ?
Des murmures indignés éclatèrent ça et là. Les soldats et les conseillers se mirent à discuter les uns avec les autres, dans le plus grand désordre.
Le chef du conseil fit sonner sa canne de fer sur les dalles de pierre en criant :
– DE L’ORDRE !
Peu à peu, la foule se calma. Tous les hommes se retournèrent et levèrent les yeux vers lui.
– Ce sont là des décisions qu’un souverain doit prendre, pas nous, dit un des hommes du conseil. Gareth est notre Roi. Ce n’est pas à nous de discuter des termes de la reddition, ni même de décider de capituler.
Tous se tournèrent vers Gareth.
– Sire, dit Aberthol d’une voix qui laissait deviner une grande fatigue, que devrions-nous faire selon vous contre l’armée de l'Empire?
Un silence de mort tomba sur le hall.
Gareth demeura assis, les yeux fixés sur l’assemblée. Il voulait répondre, mais il lui était de plus en plus difficile de garder les idées claires. Il entendait encore la voix de son père dans sa tête, ses violentes réprimandes, comme quand il était enfant. Ça le rendait fou et la voix ne partait pas.
Gareth tendit la main, gratta l’accoudoir du trône, encore et encore, et seul le bruit de ses ongles griffant le bois se fit entendre dans la pièce.
Les membres du conseil échangèrent un regard inquiet.
– Sire, déclara promptement un autre conseiller, si vous choisissez de ne pas capituler, alors il nous faudra fortifier immédiatement la Cour du Roi. Nous devons sécuriser toutes les entrées, toutes les routes, toutes les portes. Nous devons rassembler nos armées, préparer les défenses. Nous devons nous préparer à un siège, rationner la nourriture, protéger nos citoyens. Il y a beaucoup à faire. S'il vous plaît, sire. Donnez l’ordre. Dites-nous ce qu'il faut faire.
Une fois de plus, la salle se tut et tous les yeux restèrent fixés sur Gareth.
Enfin, celui-ci releva le menton et promena son regard dans le vide.
– Nous ne combattrons pas l'Empire, déclara-t-il, pas plus que nous n’allons capituler.
Tous dans la salle s’entreregardèrent d’un air perdu.
– Alors qu'allons-nous faire, sire ? demanda Aberthol.
Gareth se racla la gorge.
– Nous tuerons Gwendolyn ! déclara-t-il. Voilà tout ce qui compte maintenant.
Il y eut un silence choqué.
– Gwendolyn ? s’écria de surprise un conseiller pendant qu’un murmure stupéfait se répandait à nouveau.
– Nous enverrons toutes nos forces contre elle, pour l’abattre. Elle et tous ceux qui l’accompagnent. Avant qu'ils n’atteignent Silesia, annonça Gareth.
– Mais, sire, comment cela peut-il nous aider? s’écria un conseiller. Si nous nous hasardons à l’attaquer, cela ne fera qu’exposer nos troupes. Elles seraient facilement encerclées et massacrées par l'Empire.
– Et la Cour du Roi serait également à la merci d’une attaque ! cria un autre. Si nous choisissons