Une Mer De Boucliers . Морган Райс
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Читать онлайн книгу Une Mer De Boucliers - Морган Райс страница 3
Le souvenir des Limbes traversa son esprit. La libération de Argon. Le choix que Gwen avait dû faire. Le sacrifice. La terrible décision qu’elle avait été forcée de prendre : son bébé ou son mari. En se rappelant son choix, Gwen se remit à pleurer. Pourquoi la vie demandait-elle toujours des sacrifices ?
Gwen retint sa respiration quand le bébé s’étira dans son ventre. La douleur lui transperça le corps du crâne jusqu’aux orteils. Elle eut soudain l’impression d’être un vieux chêne, scié en deux par un bûcheron.
Elle renversa la tête, le regard tourné vers le ciel et la bouche ouverte sur un cri. Elle tâcha de s’imaginer n’importe où ailleurs, essaya de conjurer une image dans sa tête, quelque chose qui lui apporterait un sentiment de paix.
Elle pensa à Thor. Elle se vit avec lui, le jour de leur première rencontre, tous deux marchant dans les champs, les mains nouées entre leurs deux corps, en compagnie de Krohn qui gambadait. Elle prit soin de donner vie à ce tableau et de se concentrer sur les détails.
Cela ne marchait pas… Elle ouvrit les yeux dans un sursaut, comme une pointe de douleur la ramenait à la réalité. Comment était-elle arrivée là, toute seule ? Aberthol. Aberthol lui avait parlé de sa mère mourante et Gwen s’était précipitée pour lui rendre visite. Sa mère était-elle en train de mourir ?
Gwen poussa soudain un hurlement. En baissant les yeux, elle vit la tête du bébé apparaître. Elle s’allongea à nouveau, poussa, poussa, poussa, le visage écarlate.
Enfin, elle sentit que c’était fini et un cri perça le silence.
Le cri d’un bébé.
Le ciel se couvrit alors de nuages. Sans aucun signe avant-coureur, l’agréable journée d’été se transforma en nuit d’hiver. Sous les yeux de Gwen, les deux soleils disparurent soudain, éclipsés par les deux lunes.
Une éclipse totale des deux soleils. Gwen en croyait à peine ses yeux : cela n’arrivait qu’une fois tous les dix mille ans !
À sa grande horreur, elle se retrouva plongée dans l’obscurité. Soudain, des éclairs zébrèrent le ciel noir et Gwen sentit des gravillons de glace la bombarder. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’il s’agissait de grêle.
Tout cela arrivait au moment de la naissance de son fils. Gwen le savait : c’était un présage. L’enfant serait plus puissant qu’elle ne pouvait l’imaginer. Il venait d’un autre royaume.
Il pleurait. Gwen tendit instinctivement les bras pour l’attirer contre sa poitrine avant qu’il ne glisse dans l’herbe et la boue, pour le protéger de la grêle.
Il poussa un gémissement et la terre se mit à trembler sous le corps de Gwen. Au loin, d’énormes rochers dégringolèrent des hauteurs de la montagne. Gwen eut l’impression de sentir le pouvoir de son enfant courir à travers elle, avant de se répandre dans tout l’univers.
Elle le serra contre elle, plus faible à chaque instant : elle perdait trop de sang. La tête lui tournait. Elle n’aurait jamais assez de force pour se relever, pour retenir son enfant qui ne cessait de pleurer contre sa poitrine. Ses jambes ne la portaient plus.
Elle allait mourir ici, dans ce champ, avec son enfant. Elle ne se souciait plus de sa propre vie, mais elle ne pouvait imaginer la mort de son enfant.
— NON ! hurla-t-elle en rassemblant ses dernières forces pour que son cri de protestation atteigne les cieux.
Elle renversa la tête, étendue sur le sol, quand un cri répondit au sien. Non pas un cri humain, mais celui d’une ancienne créature.
Gwen se sentit partir. En levant les yeux, elle vit quelque chose apparaître dans le ciel, comme une hallucination. Une bête immense, qui plongea vers elle. Gwen réalisa faiblement qu’elle connaissait cette bête et qu’elle l’aimait.
Ralibar.
Avant de ses paupières ne se ferment, elle vit Ralibar piquer vers elle : ses grands yeux verts, ses vieilles écailles écarlates, ses serres tendues vers Gwendolyn…
CHAPITRE DEUX
Luanda restait frappée d’effroi devant le cadavre de Koovia, le poing encore fermé sur la dague ensanglantée. Elle pouvait à peine comprendre son propre geste.
Un silence s’était abattu sur le hall et tous la regardaient sans broncher, stupéfaits, en jetant parfois un coup d’œil au corps de Koovia à ses pieds. L’intouchable Koovia, le grand guerrier du royaume McCloud, qui ne le cédait qu’au Roi McCloud lui-même. La tension était si épaisse qu’on aurait pu la couper avec un couteau.
Luanda était la plus choquée de tous. La paume de sa main, celle qui tenait encore la dague, lui semblait brûler. Une vague de chaleur la traversait, consumant à la fois son excitation et sa terreur à l’idée d’avoir tué un homme. Elle en était presque fière, fière d’avoir pu arrêter ce monstre avant qu’il ne lève la main sur son mari ou sur la mariée. Il l’avait bien mérité. Tous ces McClouds n’étaient que des sauvages.
Un cri perça le silence. En levant les yeux, Luanda vit un guerrier, le compagnon de Koovia, s’élancer à travers la pièce, le regard enflammé par la vengeance. Il brandit son épée, prêt à la poignarder en pleine poitrine.
Encore étourdie par son propre geste, Luanda ne sut réagir et le guerrier plongea vers elle. Elle se prépara au choc : bientôt, une lame lui percerait le cœur. Luanda n’en avait que faire. Elle avait tué cet homme et rien ne lui importait plus…
Elle ferma les yeux, prête à mourir… À sa grande surprise, un fracas métallique retentit.
Bronson avait fait un pas en avant et paré le coup avec son épée. Luanda resta stupéfaite : elle n’aurait jamais imaginé qu’il ait une telle force de caractère ou qu’il soit capable d’arrêter un coup si puissant avec une seule main valide. La tendresse qu’il éprouvait encore à son égard la surprenait plus que tout le reste : il était prêt à risquer sa vie pour elle.
Bronson fit adroitement tournoyer son épée. Même avec une seule main, il avait suffisamment d’adresse et de force pour poignarder le guerrier en plein cœur, tuant son adversaire sur le coup.
Luanda en crut à peine ses yeux. Encore une fois, Bronson lui sauvait la vie. Elle sentit une vague d’amour et de gratitude la traverser. Peut-être était-il plus fort qu’elle ne l’avait imaginé…
Des cris retentirent de tous côtés, alors que McClouds et MacGils se jetaient les uns sur les autres, pressés de savoir lesquels d’entre eux sortiraient vainqueurs. Les fausses civilités qui avaient émaillées les noces et le banquet disparaissaient définitivement. C’était la guerre : guerriers contre guerriers échauffés par la boisson et la rage, devant l’affront commis par ce McCloud qui avait osé lever la main sur la mariée.
Les hommes bondirent par-dessus les longues tables, pressés de tuer, et se jetèrent les uns sur les autres, toutes lames dehors, avant de rouler sur les assiettes, renversant le vin et la nourriture. Il y avait tant de monde que les combattants étaient au coude à coude et avaient à peine assez de