Tu Sens Battre Mon Coeur ?. Andrea Calo'

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Tu Sens Battre Mon Coeur ? - Andrea Calo'

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Tu te joins à nous ?

      — Il y aura des hommes ?

      — Non.

      — On parlera de sexe ?

      — Aucune idée, mais je crains que oui.

      — Alors non, merci. Je n’aurais rien à dire et je serais un poids pour vous toutes. »

      Quand je suis rentrée ce soir-là, j’ai pris le disque d’Elvis et l’ai jeté à la poubelle.

      J’ai entendu la sonnette une fois, puis une seconde, avant que je n’atteigne la porte.

      « J’arrive ! » j’ai crié d’une voix forte.

      Quand j’ai ouvert, je me suis retrouvée face à un policier. Il pleuvait à verse. Son uniforme était trempé bien qu’il soit descendu de sa voiture garée à seulement quelques pas de la porte de la maison. Un de ses collègues était encore assis à la place du conducteur et regardait vers nous, le corps tendu vers l’avant et les yeux tournés vers le haut pour mieux encadrer la scène à travers la vitre.

      « Bonsoir, monsieur l’agent, je dis surprise.

      — Bonsoir. Vous êtes mademoiselle Melanie Warren ?

      — Oui, monsieur l’agent. Qu’est-ce qu’il se passe ? »

      J’avais peur et mon attention était attirée par le gyrophare silencieux de leur voiture qui m’éblouissait. Il dessinait des ombres bleues dans la nuit, qui se déployaient au sol et sur la façade de la maison. Des ombres clignotantes, lentes, comme le battement de mon cœur.

      « Je suis l’agent Parker, mademoiselle. Je pourrais entrer s’il vous plaît ? a-t-il demandé en me montrant son insigne et une photo datant de quelques années. Je l’ai fait entrer et laissé la porte entrouverte.

      — Et votre collègue là-dehors ?

      — Ne vous inquiétez pas, il m’attendra. Je suis ici pour votre père, monsieur Brad Warren. »

      Je suis restée silencieuse, immobile, attendant que l’homme continue, qu’il vide son sac. Je me suis posé mille questions, demandé si l’ogre avait encore frappé et qui avait pu être sa victime. J’ai pensé à son implication dans une bagarre. J’avais peur qu’il ne vienne me chercher, qu’il ait contacté la police, et qu’il m’ait trouvée grâce à eux, pour m’obliger à revenir à la maison.

      « Qu’est-ce que mon père a fait ? » je me suis écriée, tandis que mes mains fermées en poings, couvertes d’une sueur froide, froissaient nerveusement le tissu de ma jupe.

      « Il a été tué mademoiselle Warren, je suis désolée. La dynamique de la situation n’est pas encore claire, le dossier est ouvert et toutes les investigations sont en cours. Il a été touché par trois coups de feu, dont un directement à la tête, qui lui a été fatal. Les voisins ont entendu les coups, trois, rapprochés, et tirés d’une voiture en marche. Quand ils sont sortis, ils ont vu le corps de votre père au sol, dans une mare de sang. Il était inanimé mais en vie. Il est mort peu après, pendant le trajet vers l’hôpital. On dirait une exécution, un règlement de comptes. »

      Je n’ai rien répondu, étrangement calme, presque relax. Je n’ai trahi aucune émotion. Mes yeux fixaient ses jambes, sans les voir, la sueur froide avait disparu, mes mains s’étaient ouvertes, libérant enfin le tissu de ma jupe, mon cœur battait de nouveau normalement. Je me sentais bien, terriblement bien. Je m’en suis voulue de ce sentiment de pure méchanceté, je m’en suis voulue aussi de m’en vouloir de cette sensation exprimée naturellement.

      « Vous vous sentez bien mademoiselle ? »

      J’ai acquiescé, tout allait très bien.

      « Il était saoul ?

      — Non. Il ne l’était pas, le niveau d’alcool dans son sang était dans les normes. »

      Je l’ai regardé droit dans les yeux, je n’arrivais pas à croire à cette fin de conte de fées, où tous les méchants deviennent soudain gentils et vivent heureux jusqu’à la fin de leurs jours. Ou mon père avait-il vraiment changé après ma disparition ?

      « Votre père buvait ? Il se saoulait souvent ?

      Mentir ! Nier la souffrance incrustée dans mon âme par le fer rouge du mensonge ! Impératif !

      « C’est arrivé, comme ça peut arriver à tout le monde, même dans les meilleures familles.

      — Quel rapport aviez-vous avec votre père ? »

      Moments d’insécurité palpable, recherche de mots faux et donc absents. Recherche d’une vérité qui ne m’appartenait pas. Désir de mettre pour toujours le mot “fin” sur tout. C’était l’occasion, celle que j’attendais.

      « Un rapport normal, comme n’importe quel rapport entre un père ex-militaire et une jeune fille.

      — Votre père était très strict avec vous ? »

      Je n’ai pas répondu, j’ai hésité. Je l’ai regardé un instant, l’affrontant, puis cédé et éloigné de nouveau mon regard de lui.

      « Il vous a fait du mal ? Vous avez frappé ? »

      Mentir, encore une fois ! Persévérer dans la honte pour sauver la face !

      « Non…

      — Non ? Vous êtes sûre ?

      — Oui, j’en suis sûre monsieur l’agent…

      — Bien. Depuis combien de temps avez-vous quitté la maison de votre père ?

      — Cinq ans.

      — Depuis 1995 donc, répéta-t-il en prenant note sur son calepin. Je peux vous demander pourquoi ?

      — Pour faire ma vie, monsieur l’agent ! J’avais déjà vingt-six ans, je n’avais pas de maison, une famille à moi, un travail ! Je voulais mon indépendance, mon autonomie. J’en avais assez d’être entretenue et de devoir implorer les gens pour avoir quelque chose pour moi, pour mes défauts et pour tout le reste. »

      L’agent notait, impassible et sans me regarder, comme un journaliste durant une interview avec le champion de baseball du moment. Son attitude de normalité et de suffisance, cette obligation d’interroger les gens qu’il arrivait à mener à bien sans problèmes me dérangeaient terriblement,

      « Avant de quitter votre ancienne maison, ou dans les années qui ont suivi, vous êtes restée en contact avec lui ?

      — Non, ai-je répondu. Mais je l’ai regretté et ai corrigé. Ou plutôt si, mais rarement.

      — Vous ne ressentiez pas le désir de vous voir, de vous parler, de vous raconter vos journées ?

      — Vous êtes agent ou psychologue ? » je me suis exclamée. Mon seuil de tolérance avait été largement dépassé depuis un moment, et un fleuve plus large que ses berges ne peut contenir son eau et la faire se mouvoir le long de son

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