L'Épice. Robert A. Webster
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L’adolescent leva les yeux de l’endroit où son petit frère et lui-même étaient assis et il maugréa.
« Maintenant, Ravuth », ajouta sa mère en menaçant du doigt.
« D’accord, viens Oun », dit Ravuth en se levant ; il prit la main de son frère et ils se dirigèrent vers la jungle.
L’atmosphère était humide et Ravuth essuya son front moite avec le bras. Il se retourna vers le village et porta son regard vers les Montagnes des Cardamomes. « Si j’étais un oiseau, je pourrais voler par-dessus les montagnes, ce serait cool là-haut », dit-il à Oun avec un grand sourire.
Oun semblait excité et approuva de la tête, car il adorait le légume qui ressemblait à un melon d’eau rond et miniature avec une chair blanche et croquante. Ravuth eut alors une idée.
* * *
On était en 1975. À l’insu du village retiré, le Cambodge était en pleine tourmente. La guerre dans le pays touchait à sa fin, mais un cauchemar commençait, qui amènerait une période de génocide affectant chaque Cambodgien.
* * *
Des gouttes de transpiration perlaient maintenant sur le visage de Ravuth. Impitoyablement, le sel de sa sueur réactivait les plaies de ses mains en frottant contre la poignée usée de sa machette. Une fois encore, il leva son bras douloureux et taillada dans le feuillage. Sa soif devenait plus pressante et la fatigue menaçait de l’accabler, mais il ne pouvait s’arrêter à cause de son petit frère.
« Nous sommes perdus, pas vrai Ravuth ? ». La voix tremblante d’Oun trahissait la peur.
Ravuth se retourna pour jeter un coup d’œil au visage enfantin. C’était sa faute s’ils étaient perdus, il n’aurait jamais dû s’écarter de la piste. Sa mère lui avait répété maintes fois de ne jamais quitter les chemins balisés, mais il pensait être plus malin.
Les garçons connaissaient la jungle qui encerclait le village retiré où leur famille vivait depuis des générations, se nourrissant de divers végétaux et animaux présents dans leur domaine sauvage. La collecte des fruits et des légumes de la jungle faisait partie des tâches quotidiennes de l’adolescent Ravuth et de son jeune frère Oun depuis des années. L’itinéraire était toujours le même. Cependant, aujourd’hui, les deux frères avaient décidé d’explorer la forêt à la recherche d’un nouveau secteur plus abondant en légumes.
Perdus, Ravuth et Oun erraient depuis plus d’une heure dans ce sous-bois dense et hostile. Puisant dans ses dernières forces, Ravuth se fraya un chemin avec sa machette au travers d’une liane épaisse et les deux garçons débouchèrent dans une clairière. « Nous serons bien ici », déclara Ravuth en se forçant à sourire avec une décontraction feinte. « Nous pouvons nous reposer ici, puis nous reviendrons sur nos pas ».
« Ravuth, regarde par là ! », appela Oun, désignant une plante étrange nichée entre deux petits affleurements de roche. « Et regarde le trou près des rochers. Cela pourrait être l’entrée d’une grotte ».
Les garçons s’approchèrent de la plante ; Ravuth se pencha et jeta un coup d’œil dans la grotte.
« Qu’est-ce qu’il y a dedans ? Est-ce que c’est grand ? », demanda Oun.
« Je ne sais pas, c’est sombre et je ne vois pas bien à l’intérieur », dit Ravuth qui avait passé sa tête et ses épaules à l’intérieur de l’entrée de la grotte. « Mais je peux me faufiler et regarder ».
« Pas question, lança Oun pris de panique, partons, nous ne savons pas ce qui est à l’intérieur ».
Ravuth, écoutant le conseil de son petit frère, renonça à entrer.
L’attention d’Oun se porta alors sur la plante, qu’il déracina. Le haut de la plante comprenait une gousse dorée en forme de bulbe rond surmontée d’un disque ondulé. Sa longue tige fine entourée de larges feuilles vertes avait la forme et la taille de la laitue chinoise, avec une petite racine blanche en forme de carotte, « Je n’ai jamais vu cette plante. Qu’est-ce que c’est ? », demanda Oun, tendant la fleur à Ravuth.
« Moi non plus, je ne sais pas. Je vais la rapporter à la maison, maman saura. Peut-être qu’elle a bon goût », dit-il en reniflant le haut de la plante.
Ses parents leur avaient appris dès leur plus jeune âge à identifier les plantes toxiques, et Ravuth savait instinctivement que la plante était comestible. « C’est amer », grimaça-t-il en mâchant une feuille, « peut-être que c’est meilleur quand c’est cuit ».
Soudainement, ils entendirent plusieurs craquements de branchages et le feuillage environnant remua fortement. Les garçons, terrifiés, se retrouvaient nez à nez avec un jeune tigre mâle qui venait de déboucher du sous-bois et s’était immobilisé à quelques pas.
Des tigres indochinois rodent dans les jungles entourant les Montagnes des Cardamomes. Ils se tiennent à distance des humains autant que possible, car ils les jugent perturbateurs et ils n’ont pas l’air appétissants. Cependant, deux de ces petites bêtes avaient dérangé le repère favori du tigre.
Ravuth fourra l’étrange plante dans sa poche puis, imité par son frère, il leva sa machette, la pointant vers le jeune félin.
Celui-ci grognait et faisait des pas en avant et en arrière devant les garçons.
« Recule lentement », ordonna Ravuth, tous ses muscles prêts à réagir.
Tout en surveillant les piétinements du tigre qui continuait à grogner en leur jetant un œil dédaigneux, les frères terrifiés reculèrent vers le sous-bois épais.
Enfin débarrassé des humains, l’animal se dirigea vers l’entrée de sa grotte, leva sa patte et répandit son odeur dans son domaine. Il jeta un coup d’œil aux garçons et rampa dans sa grotte.
Ravuth et Oun observèrent le tigre qui pénétrait dans sa grotte et se précipitèrent dans la jungle.
Trébuchant sur le sol de la jungle pendant vingt minutes, ils arrivèrent dans une clairière couverte de végétation familière. Ils s’arrêtèrent, reprirent leur souffle et sourirent soudain. « Du tror bek ! Je sais où nous sommes maintenant », dit Ravuth, soulagé.
« Bien, récupérons-en un peu et rentrons à la maison », répliqua Oun, encore plus soulagé.
* * *
Les garçons débraillés regagnèrent leur village en fin d’après-midi. Ils s’attendaient à recevoir une réprimande de leur mère. Au lieu de cela, ils remarquèrent que tous les villageois étaient rassemblés dans la grande hutte communale au centre du village. Confus, Ravuth et Oun dépassèrent la grande cabane sans se faire remarquer et se dirigèrent vers leur maison. Ils savaient que leur père était parti à *Koh Kong tôt le matin pour vendre ses bijoux et ils ne l’attendaient pas avant le lendemain. Cependant, lorsqu’ils atteignirent leur baraque en bois penchée, ils virent la bicyclette de leur père à l’extérieur. Ils montèrent les marches, pénétrèrent dans la pièce principale et virent un sac carré en toile noire sur la table. Ne comprenant pas ce qui arrivait, ils