Le Leurre Zéro. Джек Марс
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« Que se passe-t-il ? » demanda Mischa.
Maria réalisa alors qu’elle avait toujours les yeux fermés. Elle les rouvrit et lui sourit lorsqu’elle vit que la jeune fille l’observait avec perplexité : « Euh… pour être tout à fait honnête, je suis triste.
– Pourquoi. » Sa question ressemblait plus à une simple affirmation dénuée de toute émotion qu’à une véritable interrogation.
« Je suis triste pour toi, expliqua Maria. Que tu sois détenue ici.
– J’ai vu bien pire, dit simplement la jeune fille.
– Ce n’est pas une raison, lui répondit Maria fermement. Tu mérites mieux. Tu n’es pas un animal. Peut-être que… » Elle s’arrêta. Peut-être que je pourrais négocier pour que tu aies une cellule avec des fenêtres, était ce qu’elle avait prévu de dire.
Mais ce serait toujours une prison.
Maria lui avait rendu visite quelques jours à peine après son incarcération et était, depuis, venue la voir deux fois par semaine. Lors des toutes premières visites, Mischa ne la regardait même pas, et lui parlait encore moins. Après cela, elle avait passé les visites suivantes à essayer de convaincre la jeune fille qu’elle n’était là ni pour la blesser, ni pour la torturer. Maria ne tentait pas d’obtenir des informations. En réalité, elle ne voulait véritablement rien savoir du passé de la jeune fille. La cellule étant sous surveillance audio et vidéo, la moindre information que révélerait Mischa pourrait lui valoir un aller sans retour dans les pires centres de détention imaginables.
Il avait fallu sept semaines à Maria pour apprendre que la couleur préférée de la jeune fille était le violet et qu’elle aimait les Cachous Lajaunie – ce qui était en soi une assez forte indication qu’elle n’avait pas dû goûter beaucoup d’autres bonbons. Donc Maria lui en apporta. Au fur et à mesure, cela devint un rituel pour elle d’apporter un peu de nourriture et, avec la permission de Ben le gardien, de les lui faire passer à travers la petite trappe rectangulaire de sa cellule.
Maria savait qu’elle était filmée, mais elle s’en fichait. En réalité, les visites qu’elle faisait à la jeune fille étaient sans doute la raison pour laquelle elle avait encore les autorisations normalement réservées au directeur adjoint. À partir du moment où elle le faisait sur son temps libre, personne n’avait rien d’autre à faire que de regarder, écouter et attendre dans l’espoir de grappiller une information.
Maria se baissa vers le sol afin de s’asseoir jambes croisées juste derrière la vitre, ses genoux touchant presque la surface. « Est-ce que tu veux jouer à un jeu ? »
Mischa la regarda du coin de l’œil pendant un long moment. « Quelle sorte de jeu ?
– Ça s’appelle “Je n’ai jamais.” En as-tu déjà entendu parler ? »
La fille secoua légèrement la tête en signe de dénégation.
« C’est très simple. Lève trois doigts en l’air comme ceci. » Maria savait que la jeune fille n’allait pas parler ouvertement, mais elle espérait qu’en déguisant certaines questions en jeu, peut-être celle-ci se livrerait-elle un peu plus. « Je commence par dire quelque chose que je n’ai jamais fait mais que je souhaiterais faire. Si toi tu l’as déjà fait, tu abaisses un de tes doigts. Puis c’est à toi de dire quelque chose que tu n’as jamais fait. Si tous tes doigts sont baissés, tu perds. »
Mischa fixa le sol plusieurs secondes, suffisamment longtemps pour que Maria pense que son stratagème n’était pas aussi malin qu’elle l’avait imaginé. Puis la jeune fille leva lentement son bras et enfin, ses trois doigts.
« Très bien. Je commence. Hmm… Je ne suis jamais allée aux Bahamas. »
Les doigts de la jeune fille restèrent levés.
« OK, dit Maria, à ton tour.
– Je n’ai jamais… murmura la jeune fille, joué au football. »
Maria abaissa lentement un de ses doigts. « Mais tu aimerais essayer ? »
Mischa opina.
« As-tu vu d’autres enfants y jouer ? Ou bien était-ce à la télé ?
– À la télévision. Ça paraissait… » Elle sembla perdue dans ses pensées pendant un moment comme si elle cherchait dans sa mémoire le mot juste. « Amusant. »
Maria se retint de sourire. C’était la plus grande confession qu’elle avait obtenue de Mischa jusqu’à présent. « Bien. À mon tour. Je n’ai jamais mangé de bonbons à m’en rendre malade. »
La jeune fille fronça les sourcils. « Pourquoi voudrais-tu faire une chose pareille ?
– Eh bien, ce n’est pas que je voudrais véritablement le faire, je suppose. Mais parfois les gens ont tendance à abuser des bonnes choses. »
Mischa garda ses trois doigts en l’air. « Je n’ai jamais eu d’amis. »
Maria se mordit rapidement la lèvre pour contenir le son de stupeur qui faillit lui échapper. Elle ne s’était pas attendue à cette candeur et cela l’avait prise par surprise. Elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.
« Je suis navrée, dit-elle doucement en baissant son second doigt. Peut-être devrions-nous arrêter.
– Mais je suis en train de gagner ! »
Un sourire involontaire se dessina sur les lèvres de Maria en entendant cela. « Tu as raison. Tu es en train de gagner. OK. Euh… je n’ai jamais fait de jardinage. »
Les trois doigts de la jeune fille restèrent en l’air et Maria retint sa respiration en redoutant ce qu’elle allait bien pouvoir dire.
« Je n’ai jamais rencontré ma mère. »
Maria expira lentement. C’était une déclaration affreuse, mais pas vraiment surprenante. Elle imaginait que Mischa avait sans doute été abandonnée, ou orpheline, ou même kidnappée par les chinois ou par Samara ou encore par n’importe quel groupe qui se soit chargé de l’entraîner. Elle baissa son dernier doigt et posa la main sur sa cuisse.
« Tu as gagné », dit-elle. Le jeu s’était complètement retourné contre elle. En dehors de l’envie de jouer au football, la seule chose que Maria avait apprise de la vie de la jeune fille était qu’elle avait été aussi horrible que ce qu’elle s’était imaginée. Si seulement…
« Mischa, dit-elle soudainement, je ne peux pas te promettre que tu la rencontreras un jour. Ta mère, je veux dire. Mais je peux te promettre d’autres choses. Je peux te promettre que tu ne resteras pas ici pour toujours. » Elle parlait rapidement, comme si elle avait peur que les mots n’arrivent plus à sortir si elle s’arrêtait de parler. « Tu pourras jouer au football, et tu auras des amis, et… et tu pourras manger des bonbons jusqu’à t’en rendre malade si c’est ce que tu veux. Tu pourras avoir toutes ces choses. » Maria cligna des yeux plusieurs fois afin de retenir ses larmes, surprise par le flot de promesses et regrettant instantanément de les avoir formulées. Elle pouvait essayer, mais elle ne pouvait en réalité rien lui promettre.