Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799. Vivant Denon

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Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799 - Vivant Denon

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      J'ai préféré la carte d'Égypte tirée de l'ouvrage du général Reynier, à celle du voyage original; il ne peut pas y avoir deux opinions sur la supériorité de la première.

      Enfin, j'ai joint à cet ouvrage environ un demi-volume de découvertes et de descriptions ultérieures, publiées tout récemment par les savants de l'expédition d'Égypte; ce qui assure à mon édition un avantage remarquable sur les petites éditions Françaises et Anglaises du Voyage de M. Denon, lesquelles ont été faites à la hâte, et dont aucune n'est digne de ce bel ouvrage.

       Table des matières

      Le principal objet d'un auteur, lorsqu'il se décide à faire une préface, est de donner une idée de son ouvrage. Je remplirai cette espèce de devoir en insérant ici le Discours que je me proposais de lire, à l'Institut du Caire, à mon retour de la Haute-Égypte.

      «Vous m'avez dit, Citoyens, que l'Institut attendait de moi que je lui rendisse compte de mon Voyage dans la Haute-Égypte, en lui faisant lecture, dans différentes séances, du journal qui doit accompagner les dessins que j'ai rapportés. L'envie de répondre au voeu de l'Institut hâtera la rédaction d'une foule de notes que j'ai prises, sans autre prétention que de ne rien oublier de tout ce que chaque jour offrait à ma curiosité. Je parcourais un pays que l'Europe ne connaît guère que de nom; tout y devenait donc important à décrire; et je prévoyais bien qu'à mon retour chacun m'interrogerait sur ce qui, en raison de ses études, habituelles ou de son caractère, exciterait davantage sa curiosité. J'ai dessiné des objets de tous les genres; et si je crains ici de fatiguer ceux à qui je montre mes nombreuses productions, parce qu'elles ne leur retracent que ce qu'ils ont sous les yeux, arrivé en France, je me reprocherai peut-être de ne les avoir pas multipliées encore davantage, où, pour mieux dire, je gémirai de ce que les circonstances ne m'en ont laissé ni le temps ni les facilités. Si mon zèle a mis en oeuvre tout ce que j'ai de moyens, ils ont été puissamment secondés par le général en chef, en qui les plus vastes conceptions ne font oublier aucun détail. Comme il savait que le but de mon voyage était de visiter les monuments de la Haute-Égypte, il me fit partir avec la division qui devait en faire la conquête. J'ai trouvé dans le général Desaix un savant, un curieux, un ami des arts; j'en ai obtenu toutes les complaisances que pouvaient lui permettre les circonstances. Dans le général Belliard, j'ai trouvé égalité de caractère, de l'amitié, des soins inaltérables; de l'aménité dans les officiers; une cordiale obligeance dans tous les soldats de la vingt-unième demi-brigade; enfin je m'étais identifié de telle sorte au bataillon qu'elle formait, et au milieu duquel j'avais, si l'on peut s'exprimer ainsi, établi mon domicile, que j'oubliais le plus souvent que je faisais la guerre, ou que la guerre était étrangère à mes occupations.

      «Comme on avait à poursuivre un ennemi toujours à cheval, les mouvements de la division ont toujours été imprévus et multipliés. J'étais donc obligé quelquefois de passer rapidement sur les monuments les plus intéressants; quelquefois, de m'arrêter où il n'y avait rien à observer. Mais, si j'ai senti la fatigue des marches infructueuses, j'ai éprouvé aussi qu'il est souvent avantageux de prendre un premier aperçu des grandes choses avant de les détailler; que si elles éblouissent d'abord par leur nombre, elles se classent ensuite dans l'esprit par la réflexion; que s'il faut conserver avec soin les premières impressions, ce n'est qu'en l'absence de l'objet qui les a fait naître qu'on peut les bien examiner, les analyser. J'ai pensé aussi qu'un artiste voyageur, en se mettant en marche, devait déposer tout amour-propre de métier; qu'il ne doit pas s'occuper de ce qui peut ou non composer un beau dessin, mais de l'intérêt que devra généralement inspirer l'aspect du lieu qu'il se propose de dessiner. J'ai déjà été récompensé de l'abandon que j'ai fait de cet amour-propre par la complaisante curiosité que vous avez mise, Citoyens, à observer avidement le nombre immense des dessins que j'ai rapportés; dessins que j'ai faits le plus souvent sur mon genou, ou debout, ou même à cheval: je n'ai jamais pu en terminer un seul à ma volonté, puisque pendant toute une année je n'ai pas trouvé une seule fois une table assez bien dressée pour y poser une règle.

      «C'est donc pour répondre à vos questions que j'ai fait cette multitude de dessins, souvent trop petits, parce que nos marches étaient trop précipitées pour attaquer les détails des objets dont je voulais au moins vous apporter et l'aspect et l'ensemble. Voilà comme j'ai pris en masse les pyramides de Sakharah, dont j'ai traversé l'emplacement au galop pour aller me fixer un mois dans les maisons de boue de Bénisouef. J'ai employé ce temps à comparer les caractères, dessiner les figures, les costumes des différents peuples qui habitent maintenant l'Égypte, leurs fabriques, le gisement de leurs villages.

      «Je vis enfin le portique d'Hermopolis; et les grandes masses de ses ruines me donnèrent la première image de la splendeur de l'architecture colossale des Égyptiens: sur chaque rocher qui compose cet édifice il me semblait voir gravé, Postérité, éternité.

      «Bientôt après Dendérah (Tintyris) m'apprit que ce n'était point dans les seuls ordres Dorique, Ionique et Corinthien, qu'il fallait chercher la beauté de l'architecture; que partout où existait l'harmonie des parties, là était la beauté. Le matin m'avait amené près de ses édifices, le soir m'en arracha plus agité que satisfait. J'avais vu cent choses; mille m'étaient échappées: j'étais entré pour la première fois dans les archives des sciences et des arts. J'eus le pressentiment que je ne devais rien voir de plus beau en Égypte; et vingt voyages que j'ai faits depuis à Dendérah m'ont confirmé dans la même opinion. Les sciences et les arts unis par le bon goût ont décoré le temple d'Isis: l'astronomie, la morale, la métaphysique, ont ici des formes, et ces formes décorent des plafonds, des frises, des soubassements, avec autant de goût et de grâce que nos sveltes et insignifiants arabesques enjolivent nos boudoirs.

      «Nous avancions toujours. Je l'avouerai, j'ai tremblé mille fois que Mourâd-bey; las de nous fuir, ne se rendît, ou ne tentât le sort d'une bataille. Je crus que celle de Samanhout allait être la catastrophe de ce grand drame: mais, au milieu du combat, il pensa que le désert nous serait plus fatal que ses armes; et Desaix vit encore fuir l'occasion de le détruire, et moi renaître l'espoir de le poursuivre jusqu'au-delà du tropique.

      «Nous marchâmes sur Thèbes, Thèbes dont le seul nom remplit l'imagination de vastes souvenirs. Comme si elle avait pu m'échapper, je la dessinai du plus loin que je pus l'apercevoir; et je crus sentir en faisant ce dessin que vous partageriez un jour le sentiment qui m'animait. Nous devions la traverser rapidement; à peine on apercevait un monument, qu'il fallait le quitter.

      «Là était un colosse qu'on ne pouvait mesurer que de l'oeil et d'après le sentiment de surprise que sa vue occasionnait; à droite, des montagnes creusées et sculptées; à gauche, des temples, qui, à plus d'une lieue, paraissaient encore d'autres rochers; des palais, d'autres temples dont j'étais arraché; et je me retournais pour chercher machinalement ces cent portes, expression poétique par laquelle Homère a voulu d'un seul mot nous peindre cette ville superbe, chargeant le sol du poids de ses portiques, et dont la largeur de l'Égypte pouvait à peine contenir l'étendue. Sept voyages n'ont pas suffi à la curiosité que m'avait inspirée cette première journée; ce ne fut qu'à la quatrième que je pus toucher à l'autre rive du fleuve.

      «Plus loin, Hermontis m'aurait semblé superbe, si je ne l'eusse trouvée presque aux portes de Thèbes. Le temple d'Esné, l'ancienne Latopolis, me parut la perfection de l'art chez les Égyptiens, une des plus belles productions de l'antiquité; celui d'Edfu (ou Apollinopolis Magna), un des plus grands, des plus conservés, et le mieux situé, de tous les monuments de l'Égypte: en son état actuel il paraît encore une forteresse qui la domine.

      «Ce fut là que le sort de mon voyage fut décidé,

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