Ida et Carmelita. Hector Malot

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Ida et Carmelita - Hector Malot

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cocher nous disait qu'il n'y avait pas de chambres vacantes en ce moment, continua la comtesse. Est-ce que cela est vrai? le savez-vous?

      Hélas! oui, il le savait et il fut bien obligé d'en convenir.

      A l'hôtel, le Kellner répéta au prince Mazzazoli ce qu'Horace avait déjà dit:

      —Il n'y avait pas d'appartement disponible en ce moment. Si Son Excellence avait pris la peine d'envoyer une dépêche, quelques jours à l'avance, on aurait été heureux de se conformer à ses ordres; mais on ne pouvait pas déposséder les personnes arrivées depuis longtemps, pour donner leurs appartements à des nouveaux venus, si respectables que fussent ceux-ci.

      Horace voulut intervenir, mais ce fut inutilement.

      —La seule chambre libre en ce moment est celle qui sert de salle à manger à votre maître, et encore n'est-ce pas ce qu'on peut appeler une chambre libre; elle ne le deviendrait que s'il voulait bien la céder.

      A ce mot, le prince, qui avait tout d'abord montré un vif mécontentement, se radoucit, et, se tournant vers Horace:

      —Est-ce que le colonel tient beaucoup à cette chambre? demanda-t-il; en a-t-il un réel besoin? Si je me permets cette insistance, c'est que nous nous trouvons placés dans des conditions toutes particulières. Le séjour de Paris, dans un air mou et vicié, a été contraire à la santé de madame la comtesse Belmonte; on lui a ordonné, comme une question de vie ou de mort, l'habitation, pendant quelque temps, dans une haute station atmosphérique, et c'est là ce qui nous a fait choisir le Glion, où, nous assure-t-on, son anémie et sa maladie nerveuse disparaîtront comme par enchantement, par miracle, dans cet air raréfié.

      —Nous avons bien en haut, tout en haut, sous les toits, deux chambres ou plus justement deux cabinets, mais qui ne sont pas habitables pour des dames; si Son Excellence tient essentiellement à loger au Rigi, il n'y aurait qu'un moyen, ce serait que M. le colonel cédât la chambre lui servant de salle à manger, en même temps ce serait que M. Horace Cooper voulût bien abandonner aussi sa chambre et se contenter d'un cabinet sous les toits. Alors les deux dames auraient un appartement convenable. Il est vrai que Son Excellence et M. Horace Cooper seraient horriblement mal logés. Mais comment faire autrement en attendant le départ de quelques pensionnaires, départ prochain d'ailleurs, et qui ne dépasserait pas deux ou trois jours?

      —Il faudrait voir le colonel, dit le prince, car, malgré l'ennui que tout cela pourra lui causer, je suis certain qu'il ne nous refusera pas ce service dans les conditions critiques où nous nous trouvons.

      Horace accueillit avec empressement cette idée qui le tirait d'embarras.

      Car, malgré son envie de retenir mademoiselle Belmonte, et de la voir se fixer au Glion, il n'osait prendre sur lui d'accepter l'arrangement proposé par le prince Mazzazoli; il y aurait eu là, en effet, un acte d'autorité un peu violent.

      Et tandis que le prince Mazzazoli faisait venir ses bagages de Montreux, en homme qui ne doute pas de l'acceptation de ses combinaisons, Horace quittait l'hôtel pour aller se poster sur le chemin par lequel il supposait que le colonel devait revenir de sa promenade.

      Les heures s'écoulèrent sans que le colonel parût.

      Déjà les ombres qui avaient envahi les vallées les plus basses commençaient à monter le long des montagnes et l'air se rafraîchissait.

      Comme Horace se demandait s'il ne devait pas rentrer à l'hôtel, il aperçut son maître qui descendait le sentier au bout duquel il l'attendait.

      Le colonel marchait lentement, le bâton ferré sur l'épaule, la tête inclinée en avant, comme un homme préoccupé qui suit sa pensée et ne se laisse pas distraire par les agréments du chemin qu'il parcourt.

      Il vint ainsi sans lever la tête, jusqu'à quelques pas d'Horace.

      Mais l'ombre que celui-ci projetait sur le chemin l'arrêta et le fit lever les yeux.

      —Toi? dit-il.

      —C'est M. le prince Mazzazoli qui est arrivé à l'hôtel, ainsi que madame la comtesse Belmonte et mademoiselle Carmelita.

      —Et qui leur a dit que j'habitais cet hôtel du Rigi.

      —Ils ne savaient pas trouver mon colonel. C'est le prince lui-même qui me l'a dit.

      Et Horace expliqua comment il avait par hasard rencontré la calèche qui amenait le prince à l'hôtel du Rigi, et comment le prince lui avait expliqué qu'il venait en Suisse pour la santé de la comtesse. Il fallait à celle-ci une habitation à une altitude élevée: c'était disaient les médecins, une question de vie ou de mort.

      —Je croyais qu'il n'y avait pas de chambres disponibles en ce moment à notre hôtel, interrompit le colonel.

      —Justement il n'y en a pas.

      —Eh bien! alors?

      Horace entreprit le récit de ce qui s'était passé, comment le sommelier avait été amené par hasard, par force pour ainsi dire, à parler de la chambre que le colonel transformait en salle à manger, et comment le prince attendait l'arrivée du colonel pour lui demander cette chambre.

      A ce mot, le colonel frappa fortement la terre de son alpenstock.

      —C'est bien, dit-il, je ne rentre pas; le prince se décidera sans doute à chercher plus loin; tu diras que tu ne m'as pas rencontré. Je ne reviendrai que dans quelques jours.

      —Ah! mon colonel.

      Et Horace qui voyait s'évanouir ainsi le plan qu'il avait formé, essaya de représenter à son maître combien cette explication serait peu vraisemblable.

      Pendant quelques secondes le colonel resta hésitant; puis, tout à coup, comme s'il avait pris son parti:

      —C'est bien, dit-il, rentrons à l'hôtel.

      —Puis-je prendre les devants pour annoncer votre arrivée?

      —Non; je désire m'expliquer moi-même avec le prince.

      En arrivant à l'hôtel, il aperçut le prince installé avec sa soeur et sa nièce dans le jardin où ils prenaient des glaces; vivement le prince se leva pour accourir au devant de lui: jamais accueil ne fut plus chaleureux.

      Après le départ d'Horace, le prince avait fait monter son bagage dans le cabinet qui lui était donné sous les toits, mais il avait voulu que les malles de sa soeur et de sa nièce restassent dans le vestibule de l'hôtel.

      Avant de s'installer dans la salle à manger du colonel, il fallait attendre le retour de celui-ci.

      Il était convenable de lui demander cette chambre.

      Seulement, en même temps, il était bon de le mettre dans l'impossibilité de la refuser.

      Où coucheraient la comtesse et Carmelita?

      Devant une pareille question, la réponse ne pouvait pas être douteuse.

      C'était donc en costume de voyage que la comtesse et Carmelita avaient dîné à table d'hôte,

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