Les liaisons dangereuses. Choderlos de Laclos
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«Elles font éclater le déshonneur dans les familles comme un coup de foudre: elles mettent aux mains des hommes les querelles et les épées qui tuent. Figures étonnantes qui fascinent et qui glacent! On pourrait dire d’elles, dans le sens moral, qu’elles dépassent de toute la tête la Messaline antique.
«Elles créent, en effet, elles révèlent, elles incarnent en elles-mêmes une corruption supérieure à toutes les autres et que l’on serait tenté d’appeler une corruption idéale: le libertinage des passions méchantes, la luxure du Mal!
«Et que l’on ne croie pas que ces types si complets, si parfaits, soient imaginés. Ils ne sortent pas de la tête de Laclos, ils ne sont pas le rêve d’un romancier; ils sont des individualités de ce monde, des personnages vivants de cette société. Les autorités du temps sont là pour attester leur ressemblance et pour mettre sur ces portraits les initiales de leurs noms. Le seul embarras est qu’on leur trouve trop de modèles. Valmont ne fait-il pas nommer un homme fameux? M. de Choiseul n’a-t-il pas commencé sa grande carrière par ce rôle d’homme à bonnes fortunes, de méchant impitoyable, de roué consommé, marchant à son but avec l’air étourdi, n’avançant ni un pas ni une parole sans un projet contre une femme, s’imposant aux femmes par le sarcasme, les menaçant de son esprit en triomphant par la peur? Mais que parle-t-on de Choiseul? Laclos n’avait-il pas sous les yeux le prototype de sa création dans la figure effrayante du marquis de Louvois, dans la figure de ce comte de Frise s’amusant à torturer Mme de Blot? Et pour la femme que Laclos a peinte et pour laquelle il a attribué tant de grâces et de ressources infernales, n’en avait-il pas rencontré l’original et ne l’avait-il pas étudiée sur le vif? Le prince de Ligne et Tilly n’affirment-ils pas, d’après la confidence de Laclos, qu’il n’a eu qu’à déshabiller la conscience d’une grande dame de Grenoble, la marquise L. T. D. P. M., qu’à raconter sa vie, pour trouver en elle sa marquise de Merteuil[6]?»
Le manuscrit des Liaisons dangereuses se trouve dans les collections de la Bibliothèque Nationale, no 12845 du fonds français: il fut donné par Mme Charles de Laclos en 1849.
Ce manuscrit comprend un certain nombre de documents.
Folio 1.—Une copie des armes de la famille du général de Laclos;
Fol. 2 à 10.—Quelques pièces de vers de Laclos;
Fol. 13 à 15 et 26 à 31.—Un certain nombre de lettres de Mme Riccoboni et les réponses de Laclos, que nous avons reproduites ci-dessus;
Fol. 16 à 25 et 32 à 34.—Lettres diverses et épîtres en vers;
Fol. 35.—Titre du roman:
LE DANGER DES LIAISONS
ou Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres par M. C..... D. L. C.
J’ai vu les mœurs de ce siècle, et j’ai publié ces lettres (J. J. Rousseau, préface de la Nouvelle Héloïse).
La première ligne du titre a été biffée pour être remplacée par:
LES LIAISONS DANGEREUSES
Un roman avait paru en 1753 sous le titre Le Danger des liaisons, ou Mémoires de la Baronne de Blémon, par Mme de Saint-Aubin.
Fol. 36.—Texte du contrat que Laclos conclut avec le libraire Durand pour la publication de son ouvrage.
«Nous soussignés, sommes convenus de ce qui suit.
«Savoir que moi Delaclos, capitaine d’artillerie etc., auteur du danger des liaisons.
«Donne et cedde la première édition de mon ouvrage à Monsieur Durand libraire aux conditions ci-après.
«1o Qu’il se chargera d’en payer l’impression tirée à deux milles.
«2o Que pour se remplir de ses frais avances et déboursés, généralement quelconques, il gardera pour lui et pour ses mains le prix de la vente des douze cent premiers exemplaires.
«3o Qu’il me tiendra compte des huit cent exemplaires restans (non compris les cinquante que je prélève dès à présent sur l’Edition entière) à raison de trois livres par exemplaire de bénéfice sur lesquels huit cent exemplaires j’aurai les deux tiers, ce qui formera seize cent livres et à M. Durand l’autre tiers faisant huit cent livres.
«Et moi Durand acquiescant aux propositions ci-dessus je promets décharger M. de la Clos de tous frais relatifs à l’impression, brochure de son ouvrage, et de lui tenir compte des deux tiers de son bénéfice dans les huit cent exemplaires à mesure qu’il en aura été vendu un cent en un billet payable à l’échéance de six mois et ainsi de suite jusqu’à la fin de l’Edition fait double sous nos seings. Paris ce seize mars mil sept cent quatre-vingt-deux.
J’approuve l’écrit cy dessus.
Durand
neveu.
J’approuve l’écrit cy dessus.
De Laclos.
Reçu à compte le vingt et un avril douze cent livres, et consenti à une seconde édition aux mêmes conditions que la première.
Paris, 21 avril 1782.
De Laclos.
Approuvé le contenu cy dessus,
Fait à Paris le 21 avril 1782.
Durand
neveu.
Reçu quatre cent livres pour fin de compte de la première édition le 7 mai 1782.
De Laclos
Fol. 38.—Note sur les lettres.
Fol. 39.—Avertissement de l’éditeur.
Fol. 40 à 126.—Le texte des Liaisons dangereuses, d’une écriture très serrée et presque sans ratures.
Fol. 128 à 142.—Lettres et documents divers.
Nous remarquons qu’au folio 123 (recto), une lettre portant primitivement le no 155 est biffée de deux traits et suivie d’une nouvelle lettre portant le même numéro. Voici le texte de la lettre biffée:
LETTRE CLV