LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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vive douleur… un cri déchirant. Je me réveillai. L’homme, le voyageur, un genou sur ma poitrine, me serrait à la gorge.

      Je vis cela très vaguement, car mes yeux étaient injectés de sang. Je vis aussi la dame qui se convulsait dans un coin, en proie à une attaque de nerfs. Je n’essayai même pas de résister. D’ailleurs, je n’en aurais pas eu la force : mes tempes bourdonnaient, je suffoquais… je râlais… Une minute encore… et c’était l’asphyxie.

      L’homme dut le sentir. Il relâcha son étreinte. Sans s’écarter, de la main droite, il tendit une corde où il avait préparé un nœud coulant, et, d’un geste sec, il me lia les deux poignets. En un instant, je fus garrotté, bâillonné, immobilisé.

      Et il accomplit cette besogne de la façon la plus naturelle du monde, avec une aisance où se révélait le savoir d’un maître, d’un professionnel du vol et du crime. Pas un mot, pas un mouvement fébrile. Du sang-froid et de l’audace. Et j’étais là, sur la banquette, ficelé comme une momie, moi, Arsène Lupin !

      En vérité, il y avait de quoi rire. Et, malgré la gravité des circonstances, je n’étais pas sans apprécier tout ce que la situation comportait d’ironique et de savoureux. Arsène Lupin roulé comme un novice ! Dévalisé comme le premier venu – car, bien entendu, le bandit m’allégea de ma bourse et de mon portefeuille ! Arsène Lupin, victime à son tour, dupé, vaincu… Quelle aventure !

      Restait la dame. Il n’y prêta même pas attention. Il se contenta de ramasser la petite sacoche qui gisait sur le tapis et d’en extraire les bijoux, porte-monnaie, bibelots d’or et d’argent qu’elle contenait. La dame ouvrit un œil, tressaillit d’épouvante, ôta ses bagues et les tendit à l’homme comme si elle avait voulu lui épargner tout effort inutile. Il prit les bagues et la regarda : elle s’évanouit.

      Alors, toujours silencieux et tranquille, sans plus s’occuper de nous, il regagna sa place, alluma une cigarette et se livra à un examen approfondi des trésors qu’il avait conquis, examen qui parut le satisfaire entièrement.

      J’étais beaucoup moins satisfait. Je ne parle pas des douze mille francs dont on m’avait indûment dépouillé : c’était un dommage que je n’acceptais que momentanément et je comptais bien que ces douze mille francs rentreraient en ma possession dans le plus bref délai, ainsi que les papiers fort importants que renfermait mon portefeuille : projets, devis, adresses, listes de correspondants, lettres compromettantes. Mais, pour le moment, un souci plus immédiat et plus sérieux me tracassait :

      Qu’allait-il se produire ?

      Comme bien l’on pense, l’agitation causée par mon passage à travers la gare Saint-Lazare ne m’avait pas échappé. Invité chez des amis que je fréquentais sous le nom de Guillaume Berlat, et pour qui ma ressemblance avec Arsène Lupin était un sujet de plaisanteries affectueuses, je n’avais pu me grimer à ma guise, et ma présence avait été signalée. En outre, on avait vu un homme se précipiter de l’express dans le rapide. Qui était cet homme, sinon Arsène Lupin ? Donc, inévitablement, fatalement, le commissaire de police de Rouen, prévenu par télégramme, et assisté d’un nombre respectable d’agents, se trouverait à l’arrivée du train, interrogerait les voyageurs suspects, et procéderait à une revue minutieuse des wagons.

      Tout cela, je le prévoyais, et je ne m’en étais pas trop ému, certain que la police de Rouen ne serait pas plus perspicace que celle de Paris, et que je saurais bien passer inaperçu – ne me suffirait-il pas, à la sortie, de montrer négligemment ma carte de député, grâce à laquelle j’avais déjà inspiré toute confiance au contrôleur de Saint-Lazare ? Mais combien les choses avaient changé ! Je n’étais plus libre. Impossible de tenter un de mes coups habituels. Dans un des wagons, le commissaire découvrirait le sieur Arsène Lupin qu’un hasard propice lui envoyait pieds et poings liés, docile comme un agneau, empaqueté, tout préparé. Il n’aurait qu’à en prendre livraison, comme on reçoit un colis postal qui vous est adressé en gare, bourriche de gibier ou panier de fruits et légumes.

      Et pour éviter ce fâcheux dénouement, que pouvais-je, entortillé dans mes bandelettes ?

      Et le rapide filait vers Rouen, unique et prochaine station, brûlait Vernon, Saint-Pierre.

      Un autre problème m’intriguait, où j’étais moins directement intéressé, mais dont la solution éveillait ma curiosité de professionnel. Quelles étaient les intentions de mon compagnon ?

      J’aurais été seul qu’il eût le temps, à Rouen, de descendre en toute tranquillité. Mais la dame ? À peine la portière serait-elle ouverte, la dame si sage et si humble en ce moment, crierait, se démènerait, appellerait au secours !

      Et de là mon étonnement ! Pourquoi ne la réduisait-il pas à la même impuissance que moi, ce qui lui aurait donné le loisir de disparaître avant qu’on se fût aperçu de son double méfait ?

      Il fumait toujours, les yeux fixés sur l’espace qu’une pluie hésitante commençait à rayer de grandes lignes obliques. Une fois cependant il se détourna, saisit mon indicateur et le consulta.

      La dame, elle, s’efforçait de rester évanouie, pour rassurer son ennemi. Mais des quintes de toux provoquées par la fumée démentaient cet évanouissement.

      Quant à moi, j’étais fort mal à l’aise, et très courbaturé. Et je songeais… je combinais…

      Pont-de-l’Arche, Oissel… Le rapide se hâtait, joyeux, ivre de vitesse.

      Saint-Étienne… À cet instant, l’homme se leva, et fit deux pas vers nous, ce à quoi la dame s’empressa de répondre par un nouveau cri et par un évanouissement non simulé.

      Mais quel était son but, à lui ? Il baissa la glace de notre côté. La pluie maintenant tombait avec rage, et son geste marqua l’ennui qu’il éprouvait à n’avoir ni parapluie ni pardessus. Il jeta les yeux sur le filet : l’en-cas de la dame s’y trouvait. Il le prit. Il prit également mon pardessus et s’en vêtit.

      On traversait la Seine. Il retroussa le bas de son pantalon, puis se penchant, il souleva le loquet extérieur.

      Allait-il se jeter sur la voie ? À cette vitesse, c’eût été la mort certaine. On s’engouffra dans le tunnel percé sous la côte Sainte-Catherine. L’homme entrouvrit la portière et, du pied, tâta la première marche. Quelle folie ! Les ténèbres, la fumée, le vacarme, tout cela donnait à une telle tentative une apparence fantastique. Mais, tout à coup, le train ralentit, les westinghouse s’opposèrent à l’effort des roues. En une minute l’allure devint normale, diminua encore. Sans aucun doute des travaux de consolidation étaient projetés dans cette partie du tunnel, qui nécessitaient le passage ralenti des trains, depuis quelques jours peut-être, et l’homme le savait.

      Il n’eut donc qu’à poser l’autre pied sur la marche, à descendre sur la seconde et à s’en aller paisiblement, non sans avoir au préalable rabattu le loquet et refermé la portière.

      À peine avait-il disparu que du jour éclaira la fumée plus blanche. On déboucha dans une vallée. Encore un tunnel et nous étions à Rouen.

      Aussitôt la dame recouvra ses esprits et son premier soin fut de se lamenter sur la perte de ses bijoux. Je l’implorai des yeux. Elle comprit et me délivra du bâillon qui m’étouffait. Elle voulait aussi dénouer mes liens, je l’en empêchai.

      – Non, non, il faut que la police voie les choses en l’état. Je désire qu’elle

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