Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand

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Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand

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Sans s'écrier: "Oh ! non, vraiment, il exagère !"

       Puis on sourit, on dit: "Il va l'enlever. . ." Mais

       Monsieur de Bergerac ne l'enlève jamais.

      LE BRET (hochant la tête): Il le porte,—et pourfend quiconque le remarque !

      RAGUENEAU (fièrement): Son glaive est la moitié des ciseaux de la Parque !

      PREMIER MARQUIS (haussant les épaules): Il ne viendra pas !

      RAGUENEAU:

       Si !. . .Je parie un poulet

       A la Ragueneau !

      LE MARQUIS (riant): Soit ! (Rumeurs d'admiration dan la salle. Roxane vient de paraître dans sa loge. Elle s'assied sur le devant, sa duègne prend place au fond. Christian, occupé à payer la distributrice, ne regarde pas.)

      DEUXIÈME MARQUIS (avec des petit cris): Ah, messieurs ! mais elle est Épouvantablement ravissante !

      PREMIER MARQUIS:

       Une pêche

       Qui sourirait avec une fraise !

      DEUXIÈME MARQUIS:

       Et si fraîche

       Qu'on pourrait, l'approchant, prendre un rhume de cœur !

      CHRISTIAN (lève la tête, aperçoit Roxane, et saisit vivement Lignière par le bras): C'est elle !

      LIGNIÈRE (regardant): Ah ! c'est elle ?. . .

      CHRISTIAN:

       Oui. Dites vite. J'ai peur.

      LIGNIÈRE (dégustant son rivesalte à petits coups): Magdaleine Robin, dite Roxane.—Fine. Précieuse.

      CHRISTIAN:

       Hélas !

      LIGNIÈRE:

       Libre. Orpheline. Cousine

       De Cyrano,—dont on parlait. . .

       (A ce moment, un seigneur très élégant, le cordon bleu en sautoir, entre dans la loge et, debout, cause un instant avec Roxane.)

      CHRISTIAN (tressaillant): Cet homme ?. . .

      LIGNIÈRE (qui commence à être gris, clignant de l'œil): Hé ! hé !. . . —Comte de Guiche. Épris d'elle. Mais marié A la nièce d'Armand de Richelieu. Désire Faire épouser Roxane à certain triste sire, Un monsieur de Valvert, vicomte. . .et complaisant. Elle n'y souscrit pas, mais de Guiche est puissant: Il peut persécuter une simple bourgeoise. D'ailleurs j'ai dévoilé sa manœuvre sournoise Dans une chanson qui. . .Ho ! il doit m'en vouloir ! —La fin était méchante. . .Écoutez. . . (Il se lève en titubant, le verre haut, prêt a chanter.)

      CHRISTIAN:

       Non. Bonsoir.

      LIGNIÈRE:

       Vous allez ?

      CHRISTIAN:

       Chez monsieur de Valvert !

      LIGNIÈRE:

       Prenez garde:

       C'est lui qui vous tuera !

       (Lui désignant du coin de l'œil Roxane): Restez. On vous regarde.

      CHRISTIAN:

       C'est vrai !

       (Il reste en contemplation. Le groupe de tire-laine, à partir de ce moment, le voyant la tête en l'air et bouche bée, se rapproche de lui.)

      LIGNIÈRE:

       C'est moi qui pars. J'ai soif ! Et l'on m'attend

       —Dans les tavernes !

       (Il sort, zigzaguant.)

      LE BRET (qui a fait le tour de la salle, revenant vers Ragueneau, d'une voix rassurée): Pas de Cyrano.

      RAGUENEAU (incrédule): Pourtant. . .

      LE BRET:

       Ah ! je veux espérer qu'il n'a pas vu l'affiche !

      LA SALLE:

       Commencez ! Commencez !

       Table des matières

      Les mêmes, moins Lignière; De Guiche, Valvert, puis Montfleury.

      UN MARQUIS (voyant de Guiche, qui descend de la loge de Roxane, traverse le parterre, entouré de seigneurs obséquieux, parmi lesquels le vicomte de Valvert): Quelle cour, ce de Guiche !

      UN AUTRE:

       Fi !. . .Encore un Gascon !

      LE PREMIER:

       Le Gascon souple et froid,

       Celui qui réussit !. . .Saluons-le, crois-moi.

       (Ils vont vers de Guiche.)

      DEUXIÈME MARQUIS:

       Les beaux rubans ! Quelle couleur, comte de Guiche ?

       Baise-moi-ma-mignonne ou bien Ventre-de-biche ?

      DE GUICHE:

       C'est couleur Espagnol malade.

      PREMIER MARQUIS:

       La couleur

       Ne ment pas, car bientôt, grâce à votre valeur,

       L'Espagnol ira mal, dans les Flandres !

      DE GUICHE:

       Je monte

       Sur scène. Venez-vous ?

       (Il se dirige, suivi de tous les marquis et gentilshommes, vers le théâtre. Il se retourne et appelle): Viens, Valvert !

      CHRISTIAN (qui les écoute et les observe, tressaille en entendant ce nom): Le vicomte ! Ah ! je vais lui jeter à la face mon. . . (Il met la main dans sa poche, et y rencontre celle d'un tire-laine en train de le dévaliser. Il se retourne): Hein ?

      LE TIRE-LAINE:

       Ay !. . .

      CHRISTIAN (sans le lâcher): Je cherchais un gant !

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