Les enfants du capitaine Grant. Jules Verne
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Les enfants du capitaine Grant - Jules Verne страница 12
L’agitation de cet inconnu contrastait singulièrement avec la placidité du major; il tournait autour de mac Nabbs, il le regardait, il l’interrogeait des yeux, sans que celui-ci s’inquiétât de savoir d’où il venait, où il allait, pourquoi il se trouvait à bord du Duncan.
Quand cet énigmatique personnage vit ses tentatives déjouées par l’indifférence du major, il saisit sa longue-vue, qui dans son plus grand développement mesurait quatre pieds de longueur, et, immobile, les jambes écartées, semblable au poteau d’une grande route, il braqua son instrument sur cette ligne où le ciel et l’eau se confondaient dans un même horizon; après cinq minutes d’examen, il abaissa sa longue-vue, et, la posant sur le pont, il s’appuya dessus comme il eût fait d’une canne; mais aussitôt les compartiments de la lunette glissèrent l’un sur l’autre, elle rentra en elle-même, et le nouveau passager, auquel le point d’appui manqua subitement, faillit s’étaler au pied du grand mât.
Tout autre eût au moins souri à la place du major.
Le major ne sourcilla pas. L’inconnu prit alors son parti.
«Steward!» cria-t-il, avec un accent qui dénotait un étranger.
Et il attendit. Personne ne parut.
«Steward!» répéta-t-il d’une voix plus forte.
Mr Olbinett passait en ce moment, se rendant à la cuisine située sous le gaillard d’avant. Quel fut son étonnement de s’entendre ainsi interpellé par ce grand individu qu’il ne connaissait pas?
«D’où vient ce personnage? se dit-il. Un ami de lord Glenarvan?
C’est impossible.»
Cependant il monta sur la dunette, et s’approcha de l’étranger.
«Vous êtes le steward du bâtiment? lui demanda celui-ci.
—Oui, monsieur, répondit Olbinett, mais je n’ai pas l’honneur…
—Je suis le passager de la cabine numéro six.
—Numéro six? répéta le steward.
—Sans doute. Et vous vous nommez?…
—Olbinett.
—Eh bien! Olbinett, mon ami, répondit l’étranger de la cabine numéro six, il faut penser au déjeuner, et vivement. Voilà trente-six heures que je n’ai mangé, ou plutôt trente-six heures que je n’ai que dormi, ce qui est pardonnable à un homme venu tout d’une traite de Paris à Glasgow. À quelle heure déjeune-t-on, s’il vous plaît?
—À neuf heures», répondit machinalement Olbinett.
L’étranger voulut consulter sa montre, mais cela ne laissa pas de prendre un temps long, car il ne la trouva qu’à sa neuvième poche.
«Bon, fit-il, il n’est pas encore huit heures. Eh bien, alors, Olbinett, un biscuit et un verre de sherry pour attendre, car je tombe d’inanition.»
Olbinett écoutait sans comprendre; d’ailleurs l’inconnu parlait toujours et passait d’un sujet à un autre avec une extrême volubilité.
«Eh bien, dit-il, et le capitaine? Le capitaine n’est pas encore levé! Et le second? Que fait-il le second? Est-ce qu’il dort aussi? Le temps est beau, heureusement, le vent favorable, et le navire marche tout seul.»
Précisément, et comme il parlait ainsi, John Mangles parut à l’escalier de la dunette.
«Voici le capitaine, dit Olbinett.
—Ah! Enchanté, s’écria l’inconnu, enchanté, capitaine Burton, de faire votre connaissance!»
Si quelqu’un fut stupéfait, ce fut à coup sûr John Mangles, non moins de s’entendre appeler «capitaine Burton» que de voir cet étranger à son bord.
L’autre continuait de plus belle:
«Permettez-moi de vous serrer la main, dit-il, et si je ne l’ai pas fait avant-hier soir, c’est qu’au moment d’un départ il ne faut gêner personne. Mais aujourd’hui, capitaine, je suis véritablement heureux d’entrer en relation avec vous.»
John Mangles ouvrait des yeux démesurés, regardant tantôt
Olbinett, et tantôt ce nouveau venu.
«Maintenant, reprit celui-ci, la présentation est faite, mon cher capitaine, et nous voilà de vieux amis. Causons donc, et dites-moi si vous êtes content du Scotia?
—Qu’entendez-vous par le Scotia? dit enfin John Mangles.
—Mais le Scotia qui nous porte, un bon navire dont on m’a vanté les qualités physiques non moins que les qualités morales de son commandant, le brave capitaine Burton. Seriez-vous parent du grand voyageur africain de ce nom? Un homme audacieux. Mes compliments, alors!
—Monsieur, reprit John Mangles, non seulement je ne suis pas parent du voyageur Burton, mais je ne suis même pas le capitaine Burton.
—Ah! fit l’inconnu, c’est donc au second du Scotia, Mr Burdness, que je m’adresse en ce moment?
—Mr Burdness?» répondit John Mangles qui commençait à soupçonner la vérité.
Seulement, avait-il affaire à un fou ou à un étourdi? Cela faisait question dans son esprit, et il allait s’expliquer catégoriquement, quand lord Glenarvan, sa femme et miss Grant remontèrent sur le pont.
L’étranger les aperçut, et s’écria:
«Ah! Des passagers! Des passagères! Parfait. J’espère, Monsieur
Burdness, que vous allez me présenter…»
Et s’avançant avec une parfaite aisance, sans attendre l’intervention de John Mangles:
«Madame, dit-il à miss Grant, miss, dit-il à lady Helena, monsieur… Ajouta-t-il en s’adressant à lord Glenarvan.
—Lord Glenarvan, dit John Mangles.
—Mylord, reprit alors l’inconnu, je vous demande pardon de me présenter moi-même; mais, à la mer, il faut bien se relâcher un peu de l’étiquette; j’espère que nous ferons rapidement connaissance, et que dans la compagnie de ces dames la traversée du Scotia nous paraîtra aussi courte qu’agréable.»
Lady Helena et miss Grant n’auraient pu trouver un seul mot à répondre. Elles ne comprenaient rien à la présence de cet intrus sur la dunette du Duncan.
«Monsieur, dit alors Glenarvan, à qui ai-je l’honneur de parler?
—À Jacques-Éliacin-François-Marie Paganel, secrétaire de la société de géographie de Paris, membre correspondant des sociétés de Berlin, de Bombay, de Darmstadt, de Leipzig, de Londres, de Pétersbourg, de Vienne, de New-York, membre honoraire de