Le Suicide: Etude de Sociologie. Durkheim Émile

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Le Suicide: Etude de Sociologie - Durkheim Émile

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inférieure donne beaucoup plus de suicides que les autres régions; mais l'avance qu'elle a sur ce point ne saurait être attribuée à la présence d'éléments allemands, puisque ceux-ci sont plus nombreux dans la Haute-Autriche, le Salzbourg et le Tyrol transalpin où l'on se tue deux ou trois fois moins. La vraie cause de ce chiffre élevé, c'est que l'Autriche inférieure a pour chef-lieu Vienne qui, comme toutes les capitales, compte tous les ans un nombre énorme de suicides; en 1876, il s'en commettait 320 par million d'habitants. Il faut donc se garder d'attribuer à la race ce qui provient de la grande ville. Inversement, si le Littoral, la Carniole et la Dalmatie ont si peu de suicides, ce n'est pas l'absence d'Allemands qui en est cause; car, dans le Tyrol cisalpin, en Galicie, où pourtant il n'y a pas plus d'Allemands, il y a de deux à cinq fois plus de morts volontaires. Si même on calcule le taux moyen des suicides pour l'ensemble des huit provinces à minorité allemande, on arrive au chiffre de 86, c'est-à-dire autant que dans le Tyrol transalpin, où il n'y a que des Allemands, et plus que dans la Carinthie et dans la Styrie où ils sont en très grand nombre. Ainsi, quand l'Allemand et le Slave vivent dans le même milieu social, leur tendance au suicide est sensiblement la même. Par conséquent, la différence qu'on observe entre eux quand les circonstances sont autres, ne tient pas à la race.

      Il en est de même de celle que nous avons signalée entre l'Allemand et le Latin. En Suisse, nous trouvons ces deux races en présence. Quinze cantons sont allemands soit en totalité, soit en partie. La moyenne des suicides y est de 186 (année 1876). Cinq sont en majorité français (Valais, Fribourg, Neufchâtel, Genève, Vaud). La moyenne des suicides y est de 255. Celui de ces cantons où il s'en commet le moins, le Valais (10 pour 1 million) se trouve être justement celui où il y a le plus d'Allemands (319 sur 1,000 habitants); au contraire, Neufchâtel, Genève et Vaud, où la population est presque tout entière latine, ont respectivement 486, 321, 371 suicides.

      Pour permettre au facteur ethnique de mieux manifester son influence si elle existe, nous avons cherché à éliminer le facteur religieux qui pourrait la masquer. Pour cela, nous avons comparé les cantons allemands aux cantons français de même confession. Les résultats de ce calcul n'ont fait que confirmer les précédents:

       Cantons suisses.

      /* +——————————-+—————-+——————————-+——————+ |Catholiques allemands|87 suicides|Protestants allemands|293 suicides| +——————————-+—————-+——————————-+——————+ | —— français |83 —— | —— français |456 ——— | +——————————-+—————-+——————————-+——————+ */

      D'un côté, il n'y a pas d'écart sensible entre les deux races; de l'autre, ce sont les Français qui ont la supériorité.

      Les faits concordent donc à démontrer que, si les Allemands se tuent plus, que les autres peuples, la cause n'en, est pas au sang qui coule dans leurs veines, mais à la civilisation au sein de laquelle ils sont élevés. Cependant, parmi les preuves qu'a données Morselli pour établir l'influence de la race, il en est une qui, au premier abord, pourrait passer pour plus concluante. Le peuple français résulte du mélange de deux races principales, les Celtes et les Kymris, qui, dès l'origine, se distinguaient l'une de l'autre par la taille. Dès l'époque de Jules César, les Kymris étaient connus pour leur haute stature. Aussi est-ce d'après la taille des habitants que Broca a pu déterminer de quelle manière ces deux races sont actuellement distribuées sur la surface de notre territoire, et il a trouvé que les populations d'origine celtique sont prépondérantes au sud de la Loire, celles d'origine kymrique au nord. Cette carte ethnographique offre donc une certaine ressemblance avec celle des suicides; car nous savons que ceux-ci sont cantonnés dans la partie septentrionale du pays et sont, au contraire, à leur minimum dans le Centre et dans le Midi. Mais Morselli est allé plus loin. Il a cru pouvoir établir que les suicides français variaient régulièrement selon le mode de distribution des éléments ethniques. Pour procéder à cette démonstration, il constitua six groupes de départements, calcula pour chacun d'eux la moyenne des suicides et aussi celle des conscrits exemptés pour défaut de taille; ce qui est une manière indirecte, de mesurer la taille moyenne de la population correspondante, car elle s'élève dans la mesure où le nombre des exemptés diminue. Or il se trouve que ces deux séries de moyennes varient en raison inverse l'une de l'autre; il y a d'autant plus de suicides qu'il y a moins d'exemptés pour taille insuffisante, c'est-à-dire que la taille moyenne est plus haute[59].

      Une correspondance aussi exacte, si elle était établie, ne pourrait guère être expliquée que par l'action de la race. Mais la manière dont Morselli est arrivé à ce résultat ne permet pas de le considérer comme acquis. Il a pris, en effet, comme base de sa comparaison, les six groupes ethniques distingués par Broca[60] suivant le degré supposé de pureté des deux races celtiques ou kymriques. Or, quelle que soit l'autorité de ce savant, ces questions ethnographiques sont beaucoup trop complexes et laissent encore trop de place à la diversité des interprétations et des hypothèses contradictoires pour qu'on puisse regarder comme certaine la classification qu'il a proposée. Il n'y a qu'à voir de combien de conjectures historiques, plus ou moins invérifiables, il a dû l'appuyer, et, s'il ressort avec évidence de ces recherches qu'il y a en France deux types anthropologiques nettement distincts, la réalité des types intermédiaires et diversement nuancés qu'il a cru reconnaître est bien plus douteuse[61]. Si donc, laissant de côté ce tableau systématique, mais peut-être trop ingénieux, on se contente de classer les départements d'après la taille moyenne qui est propre à chacun d'eux (c'est-à-dire d'après le nombre moyen des conscrits exemptés pour défaut de taille) et si, en regard de chacune de ces moyennes, on met celle des suicides, on trouve les résultats suivants qui diffèrent sensiblement de ceux qu'a obtenus Morselli:

      Tableau VIII

      /* +—————————————————+————————————————-+ | DÉPARTEMENTS À HAUTE TAILLE. | DÉPARTEMENTS À PETITE TAILLE. | +———————+—————+————+——————-+—————+————+ | | Nombre | Taux | | Nombre | Taux | | | des | moyen | | des | moyen | | | exemptés | des | | exemptés | des | | | |suicides| | |suicides| +———————+—————+————+——————-+—————+————+ | |Au-dessous| | |De 60 à | 115 | | 1er groupe (9|de 40 pour| 180 |1er groupe |80 pour |(sans la| | départ.) |mille | |(22 départ.).|mille |Seine | | |examinés. | | |examinés | 101). | +———————+—————+————+——————-+—————+————+ | 2e groupe (8 | | |2e groupe (12|De 80 | | | départ.) |De 40 à 50| 249 | départ.)… |à 100. | 88 | +———————+—————+————+——————-+—————+————+ | 3e groupe (17| | |3e groupe (14| | | | départ.) |De 50 à 60| 170 | départ.). |Au-dessus | 90 | +———————+—————+————+——————-+—————+————+ | |Au-dessous| | |Au-dessus | 103 | |Moyenne |de 60 pour| 191 |Moyenne |de 60 |(avec la| |générale |mille | |générale. |pour mille|Seine). | | |examinés. | | |examinés. |93 (sans| | | | | | |la | | | | | | |Seine). | +———————+—————+————+——————-+—————+————+ */

      Le taux des suicides ne croît pas, d'une manière régulière, proportionnellement à l'importance relative des éléments kymriques ou supposés tels; car le premier groupe, où les tailles sont le plus hautes, compte

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