Troïlus et Cressida. William Shakespeare
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PANDARE.—Vous verrez.
CRESSIDA.—Alors le moins fou en donnera à l'autre7.
Note 7: (retour)
Jeu de mots sur noddy, niais, et nod, signe de tête, etc.
(Suit Hector.)
PANDARE.—Voilà Hector; le voilà: c'est lui, lui; regardez, c'est lui. Voilà un homme!—Va ton chemin, Hector.—Voilà un brave homme, ma nièce! O brave Hector! Voyez son regard! Voilà une contenance! N'est-ce pas un brave guerrier?
CRESSIDA.—Oh! très-brave!
PANDARE.—N'est-il pas vrai? cela fait du bien au coeur de le voir. Regardez combien d'entailles il y a sur son casque. Voyez là-bas: voyez-vous? Regardez bien! il n'y a pas à plaisanter: ce n'est pas un jeu; ce sont des coups, les ôtera qui voudra, comme on dit: mais ce sont bien là des entailles.
CRESSIDA.—Sont-ce des coups d'épée?
(Pâris passe.)
PANDARE.—D'épée? de quelque arme que ce soit, il ne s'en embarrasse guère. Que le diable l'attaque, cela lui est bien égal. Par la paupière d'un dieu, cela met la joie au coeur, de le voir.—Là-bas, c'est Pâris qui passe.—Regardez là-bas, ma nièce. N'est-ce pas un beau cavalier aussi? N'est-ce pas?... Hé! c'est bon, cela.—Qui donc disait qu'il était rentré blessé dans la ville aujourd'hui? Il n'est pas blessé. Allons, cela fera du bien au coeur d'Hélène. Ah! je voudrais bien voir Troïlus à présent: vous allez voir Troïlus tout à l'heure.
CRESSIDA.—Quel est celui-là?
(Hélénus passe.)
PANDARE.—C'est Hélénus.—Je voudrais bien savoir où est Troïlus:—C'est Hélénus.—Je commence à croire que Troïlus ne sera pas sorti des murs aujourd'hui.—C'est Hélénus.
CRESSIDA.—Hélénus est-il homme à se battre, mon oncle?
PANDARE.—Hélénus? Non,—oui, il se bat passablement bien.—Je me demande où est Troïlus.—Ah! écoutez, n'entendez-vous pas le peuple crier? à Troïlus?—Hélénus est un prêtre.
CRESSIDA.—Quel est ce faquin qui vient là-bas?
(Troïlus passe.)
PANDARE.—Où? là-bas? C'est Déiphobe. Oh! c'est Troïlus! Voilà un homme, ma nièce! Hem! le brave Troïlus: le prince des chevaliers!
CRESSIDA.—Silence; de grâce, silence!
PANDARE.—Remarquez-le: considérez-le bien.—O brave Troïlus! Regardez-le bien, ma nièce: voyez-vous comme son épée est sanglante, et son casque haché de plus de coups que celui d'Hector! Et son regard, sa démarche! O admirable jeune homme! il n'a pas encore vu ses vingt-trois ans! Va ton chemin, Troïlus, va ton chemin. Si j'avais pour soeur une grâce, ou pour fille une déesse, il pourrait choisir. O l'admirable guerrier! Pâris... Pâris est de la boue au prix de lui; et je gage qu'Hélène, pour changer, donnerait un oeil par-dessus le marché.
(Suivent une troupe de combattants, soldats, etc.)
CRESSIDA.—En voici encore.
PANDARE.—Ânes, imbéciles, benêts, paille et son, paille et son! de la soupe après dîner. Je pourrais vivre et mourir sous les yeux de Troïlus: ne regardez plus, ne regardez plus: les aigles sont passés; buses et corbeaux, buses et corbeaux! J'aimerais mieux être Troïlus qu'Agamemnon et tous ses Grecs.
CRESSIDA.—Il y a Achille parmi les Grecs. C'est un héros qui vaut mieux que Troïlus.
PANDARE.—Achille? un charretier, un crocheteur, un vrai chameau.
CRESSIDA.—Bien, bien.
PANDARE.—Bien, bien?—Avez-vous quelque discernement? Avez-vous des yeux? Savez-vous ce que c'est qu'un homme? La naissance, la beauté, la bonne façon, le raisonnement, le courage, l'instruction, la douceur, la jeunesse, la libéralité et autres qualités semblables; ne sont-elles pas comme les épices et le sel, qui assaisonnent un homme?
CRESSIDA.—Oui, un homme en hachis, pour être cuit sans dattes8 dans le pâté; car alors la date de l'homme ne compte plus.
PANDARE.—Vous êtes une drôle de femme; on ne sait pas sur quelle garde vous vous tenez9.
Note 8: (retour)
Pour comprendre ce jeu de mots, il faut savoir qu'autrefois les dattes étaient un ingrédient qui entrait dans les pâtés.
Note 9: (retour)
Expression empruntée à l'escrime; mais il y a le verbe to lie, qui est employé dans un sens très-étendu ici, comme presque toujours quand Shakspeare a quelque calembour en tête.
CRESSIDA.—Je me tiens sur mon dos pour défendre mon ventre; sur mon esprit pour défendre mes ruses; sur mon secret pour défendre ma vertu; sur mon masque pour défendre ma beauté, et sur vous pour défendre tout cela; je me tiens enfin sur mes gardes, et je ne cesse de veiller.
PANDARE.—Nommez-moi une de vos gardes.
CRESSIDA.—Je m'en garderai bien, et c'est là une de mes principales gardes. Si je ne puis garder ce que je ne voudrais pas laisser toucher, je puis bien me garder de vous dire comment j'ai reçu le coup, à moins que l'enflure ne soit si grande que je ne puisse le cacher, et alors il est impossible de s'en garder.
PANDARE.—Vous êtes de plus en plus étrange.
(Entre le page de Troïlus.)
LE PAGE.—Seigneur, mon maître voudrait vous parler à l'instant même.
PANDARE.—Où?
LE PAGE.—Chez vous. Il est là qui se désarme.
PANDARE.—Bon page, va lui dire que je viens. (Le page sort.)—Je crains qu'il ne soit blessé. Adieu, ma chère nièce.
CRESSIDA.—Adieu, mon oncle.
PANDARE.—Je vais venir vous rejoindre tout à l'heure, ma nièce.
CRESSIDA.—Pour m'apporter, mon oncle...
PANDARE.—Oui, un gage de Troïlus.
CRESSIDA.—Par ce gage!... vous êtes un entremetteur. (Pandare sort). Promesses, serments, présents, larmes, et tous les sacrifices de l'amour, il les offre pour un autre que lui. Mais je vois plus de mérite dans Troïlus, dix mille fois, que dans le miroir des éloges de Pandare: et pourtant je le tiens à distance.