Le secrétaire intime. George Sand
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Le page sortit, et peu après une sonnette cachée dans les draperies du lit de Saint-Julien fut ébranlée avec autorité. Le jeune comte comprit, et se hâta de sortir de sa chambre. Au bout de quelques pas il vit Galeotto sur le seuil de la sienne.
«Mon jeune maître, dit Saint-Julien, me voici, j'ai entendu votre appel.
—C'est bien, dit le page; maintenant retournons chez vous, je vais vous aider à vous habiller. Cela est d'une haute importance, ajouta-t-il, voyant que Julien faisait quelque cérémonie; j'accomplis ma mission, laissez-moi faire.»
Alors Galeotto tira de sa poche une clef de vermeil dont il se servit pour ouvrir les tiroirs d'un grand coffre de cèdre qui servait de commode dans la chambre de Saint-Julien. Il y prit des vêtements d'une forme étrange, devant lesquels le jeune Français se récria, saisi de répugnance:
«Vous êtes un niais, mon bon ami, lui dit le page; vous craignez d'être ridicule en vous affublant d'un costume de comédie. Il ne fallait pas vous mettre sous la domination d'une femme. Vous oubliez donc que nous jouons ici les premiers rôles après le singe et le perroquet? J'ai fait comme vous la première fois qu'on m'ôta ma petite soutane râpée (car je m'étais enfui du séminaire par-dessus les murs), pour me mettre ce justaucorps de soie, ces bas brodés et ces plumes, qui me donnent l'air d'un kakatoès. Je pleurai, je criai (j'avais douze ans alors); je voulus déchirer mes manchettes et jeter mon bonnet sur les toits; mais la Ginetta, qui est une fille d'esprit, me fit la leçon, et je vous assure que je me trouve aujourd'hui fort à mon avantage. Voyez, ajouta le malin page en se promenant devant une glace où il se répétait de la tête aux pieds; cette petite jambe fine et ce pied de femme ne seraient-ils pas perdus sous un pantalon de soldat et sous une botte hongroise? Croyez-vous que ma taille fût aussi souple et mes mouvements aussi gracieux sous les traits d'un dolman ou sous le drap de votre frac grossier? Quant à mes dentelles, elles ne sont pas beaucoup plus blanches que mes mains, c'est en dire assez; et mes cheveux, que vous trouvez peut-être un peu efféminés, Monsieur, c'est la Ginetta qui les frise et les parfume. Allez, mon cher, fiez-vous aux femmes pour savoir ce qui nous sied; là où elles règnent, nous ne sommes pas trop malheureux.
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