Le dernier vivant. Paul Feval
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J'ai reçu mission de livrer à la publicité le récit d'un événement auquel je pris dans le temps une part indirecte. Mon rôle, au milieu des singulières aventures qui vont être mises sous les yeux du lecteur, n'eut qu'une importance tardive, mais contribua quelque peu au dénouement inespéré du drame.
Le malheureux éclat donné par la dernière guerre aux agissements de certains hommes d'argent, patriotes au point de manger la patrie, a rappelé l'attention publique vers l'origine souvent peu honorable—et parfois infâme—des fortunes acquises dans les fournitures militaires.
Il ne faut point chercher ailleurs la raison d'être de ce livre, où la question d'argent tient en apparence peu de place, noyée qu'elle est dans un véritable océan d'aventures. Chacun a intérêt à bien établir qu'aucun argent volé n'est entré chez lui, soit anciennement, soit depuis peu, en un temps où les accusations pleuvent, remplaçant la grêle des balles et des obus.
Le cours des années, en éclaircissant les rangs des compagnons de ma jeunesse, avait laissé un cher, un excellent ami, seul juge de la question de savoir s'il fallait taire à tout jamais cette histoire, plus curieuse que la plupart des romans.
Mon ami a décidé que l'histoire devait être écrite et j'ai pris la plume.
Geoffroy de Rœux.
PS. Les noms des personnes et ceux des localités sont, comme de raison, déguisés.
Les ciseaux de l'accusée
I
Comment je retrouvai Lucien—Bureau de M. de Méricourt
(Juillet 1866.) Je connaissais vaguement, par les journaux et aussi par nos amis communs—qui avaient autant de répugnance à parler que moi à interroger,—l'affreux malheur dont la vie de Lucien Thibaut était accablée. Jamais il ne m'en avait entretenu lui-même dans ses lettres, quoiqu'il m'écrivît assez souvent.
Cette réserve, qui pourrait paraître bizarre, car j'étais son meilleur camarade d'enfance, sera expliquée par les faits.
J'étais à Paris depuis plus d'une semaine, cherchant l'adresse