Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique. Бенджамин Франклин
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J'ai trouvé dans cette dernière brochure d'excellentes observations à opposer aux critiques qui avoient paru contre mon auteur, & auxquelles j'avois entrepris de répondre; c'est ce qui m'a engagé à resserrer ce que j'avois écrit dans ce dessein, pour ne pas multiplier les êtres sans nécessité. Je me suis contenté d'ajouter à la suite des principales expériences critiquées quelques-unes des réponses dont j'avois eu intention de faire un ouvrage séparé. Au lieu d'être mises en notes, elles y sont distinguées par des guilmets, ce qui m'a semblé plus commode pour les lecteurs. Les expériences contenuës dans ce second supplément ne sont pas moins sûres que celles qui avoient été publiées auparavant. Elles ont été répétées avec le même succès. Sans avoir égard aux dates des lettres, je les ai arrangées tout différemment de ce qu'elles étoient dans la première édition de cet ouvrage; j'en ai même partagé quelques-unes en plusieurs fragmens que j'ai placés suivant l'ordre des matières: c'est dans la même vûe que j'ai mis une suite uniforme aux paragraphes.
Enfin je n'ai rien négligé pour répandre dans cette seconde édition toute la clarté qui a pû dépendre de mes soins. Ils se trouveront bien récompensés, si les changemens que j'ai faits du consentement de Mr. Franklin, sont approuvés du public.
Au reste j'ai pensé que ceux qui n'ont pas fait une étude particulière de l'électricité seroient bien-aises d'en connoître les progrès depuis son origine jusqu'aux découvertes de M. Franklin. L'histoire qu'en a faite M. de Secondat pour l'Académie de Bordeaux en 1748. me rendoit ce travail facile; on verra que j'ai profité de cet excellent ouvrage; j'y ai ajouté des choses ou qui n'étoient pas venuës alors à la connoissance de M. de Secondat, ou qu'il avoit crû devoir négliger, & j'y ai joint les découvertes qui ont été faites sur le même sujet depuis son histoire jusqu'à présent. J'espère qu'en allant par cette voye à mon objet principal, qui est de mettre les Lecteurs en état de mieux juger du mérite de mon auteur, & de la valeur de son ouvrage, je ne leur laisserai rien à désirer sur les faits principaux de l'électricité.
HISTOIRE ABRÉGÉE
DE
L'ÉLECTRICITÉ.
L
a première chose qui a fait reconnoître l'Électricité, est la vertu d'attirer que l'on a remarquée en certains corps, après qu'ils ont été frottés. Le premier de tous, dans lequel ont ait observé cette vertu, c'est l'ambre jaune connu des anciens sous le nom d'Electrum; c'est de ce nom que cette vertu a retenu celui d'Électricité, & l'on appelle corps électriques ceux qui en sont pourvûs. Il seroit difficile & peut-être impossible de déterminer le tems où l'on a observé pour la première fois que l'ambre-jaune, après avoir été frotté, attire les brins de paille dont on l'approche. Ce qu'en disent quelques-uns des auteurs anciens qui en ont fait mention, comme Thalès de Milet, Plutarque, Pline, &c. prouve que l'observation de ce phénomène est très-ancienne, aussi ne se trouve-t-il guères de traités de Physique où il n'en soit parlé; mais personne que l'on sçache ne s'étoit avisé de faire sur ce sujet des recherches suivies avant Gilbert médecin Anglois qui vivoit vers l'an 1600. après avoir recueilli sur l'aimant les découvertes de ceux qui l'avoient précédé & avoir fait lui-même un grand nombre d'observations nouvelles sur les propriétés de cette merveilleuse pierre, il crut devoir considérer les propriétés de l'Electrum qui paroissent avoir du rapport à celles de l'aimant. Il avoit pû d'abord regarder cette résine comme une espèce d'aimant dont la vertu a besoin d'être excitée par le frottement. Quoi qu'il en soit, il parle de cette vertu comme d'une chose que l'on connoissoit de tout tems. On avoit aussi reconnu la même propriété dans le Jayet, mais cette remarque étoit récente. Il s'agissoit de la chercher encore dans d'autres corps, c'est à quoi il s'appliqua. L'ambre-jaune étoit mis alors au rang des choses les plus précieuses; il servoit à l'ornement des autels & aux parures inventées par le luxe. Le Jayet étoit aussi une matière fort estimée; avant l'invention des glaces on l'employoit à faire des miroirs.
Gilbert, qui avoit tant étudié toutes les propriétés de l'aimant, avoit sans doute remarqué qu'il falloit une moindre force pour mettre en mouvement une aiguille mince & légère posée en équilibre sur un pivot bien poli, comme sont les aiguilles aimantées, que pour élever d'une seule ligne un corps beaucoup plus léger. C'est pourquoi il se servit habilement de ce moyen pour reconnoître l'électricité dans les substances où elle est trop foible pour se manifester d'une autre manière. «Faites, dit-il, une aiguille de quelque métal que ce soit, de la longueur de deux ou trois pouces, légère & très-mobile sur un pivot, à la manière des aiguilles aimantées: approchez d'une des extrémités de cette aiguille de l'ambre jaune ou une pierre précieuse légèrement frottée, luisante & polie, l'aiguille se tournera sur le champ.» Ce fut vraisemblablement par ce moyen qu'il reconnut que non-seulement l'ambre & le jayet ont cette propriété d'attirer, mais qu'elle est commune à la plupart des pierres précieuses, comme le diamant, le saphir, le rubis, l'opale, l'améthyste, l'aigue-marine; le cristal de roche: qu'on la trouve aussi dans le verre, la bélemnite, le soufre, le mastic, la cire d'Espagne, la résine, l'arsenic, le sel-gemme, le talc, l'alun de roche. Toutes ces différentes matières, quoiqu'avec différens dégrés de force, lui parurent attirer non-seulement les brins de paille, mais tous les corps légers, comme le bois, les feuilles, les métaux en limaille ou en feuille, les pierres, les terres, & même les liqueurs comme l'eau & l'huile.
La Physique est encore redevable à Gilbert de beaucoup d'autres observations sur l'Électricité. C'est lui qui nous a appris qu'elle est plus facilement excitée par un frottement léger & rapide que par un frottement plus rude: que le tems le plus sec & le vent de nord le plus froid sont les plus favorables pour l'Électricité: que l'humidité de l'air & à plus forte raison le souffle des animaux l'affoiblissent & même la détruisent en peu de tems: que l'eau produiroit le même effet, si l'on moüilloit le corps électrique: qu'une toile mise entre ce corps & celui qu'on veut attirer, empêche totalement l'attraction: qu'une étoffe de soye placée de même ne l'empêche pas entièrement: que les corps électriques n'attirent point la flamme d'une bougie, mais attirent fortement la fumée de cette bougie éteinte.
Pour expliquer les phénomènes de l'électricité, ceux de l'aimant, & ceux de la pésanteur, Gilbert imagina des hypothèses ingénieuses, auxquelles pourtant il se fioit moins qu'à ses expériences. L'attraction, suivant son opinion, est causée par des écoulemens très-subtils; l'air est l'écoulement électrique de la terre & l'instrument de la pésanteur. C'est peut-être sur cette idée de Gilbert que le célèbre Otto de Guerike s'avisa de faire des observations sur un globe de soufre qu'il excitoit à l'électricité par un mouvement qui imitoit en quelque forte celui de la terre.
Otto de Guerike, dit l'ingénieux M. Dufay dans son premier mémoire sur l'électricité, a imaginé de faire tourner sur son axe par le moyen d'une manivelle, une boule de soufre grosse comme la tête d'un enfant. Cette boule étant muë avec rapidité, si l'on applique la main dessus elle devient électrique & attire les corps légers qui lui sont présentés; si on la détache