Le tour de France en aéroplane. H. de Graffigny
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PRÉSIDENT DU TOURING-CLUB DE FRANCE
En hommage à la persévérance qu'il a déployée pour créer et développer le tourisme «sous toutes ses formes» dans notre pays. Je dédie ce livre de tourisme aérien à travers les sites pittoresques de notre patrie, et que j'ai écrit ayant dans la mémoire la devise du T.C.F.
FAIRE CONNAÎTRE ET AIMER LA FRANCE!
HENRI DE GRAFFIGNY.
CHAPITRE PREMIER
A LA GRANDE SEMAINE D'AVIATION DE CHAMPAGNE
AUX EXPÉRIENCES D'AVIATION DE BÉTHENY.—UN GROUPE D'ENTHOUSIASTES.—LE MARQUIS DE LA TOUR-MIRANNE ET SON AMI OUTREMÉCOURT.—UN JEUNE MÉCÈNE DES INVENTEURS.—LE «PETIT BlSCUITIER» ET SES IDÉES SUR LA LOCOMOTION AÉRIENNE.—UN PROJET ORIGINAL.
—Hurrah pour Glen Curtis!!...
—Vive Blériot!... Blériot premier!... Blériot gagnant!...
—Farman for ever!....
Ces exclamations enthousiastes perçaient la grande rumeur de la foule massée dans les tribunes et derrière les barrières du vaste aérodrome de Bétheny. La «Grande Semaine d'aviation de Champagne» battait son plein depuis quatre jours, et les records établis l'année précédente par les premiers hommes-oiseaux, les Wright, s'effondraient comme des châteaux de cartes. Toutefois, l'honneur de l'une des plus sensationnelles épreuves: la coupe Gordon-Bennett pour l'aviation, restait à la grande république américaine, et un compatriote des Wright: Curtis, enlevait à ses compétiteurs le trophée convoité.
Il n'est pas besoin de rappeler, d'ailleurs, les diverses péripéties de cette première grande manifestation du sport aérien, dont tous les journaux de l'époque ont rendu compte dans ses moindres détails, et qui a donné une impulsion nouvelle à ce mode de locomotion, car c'est dans les plaines de Champagne que les aviateurs ont pris conscience de leur force et trouvé la solution définitive des problèmes qu'ils étudiaient depuis si longtemps.
Les grands oiseaux, aux ailes dorées par les derniers rayons du soleil couchant, passaient et repassaient devant les tribunes bondées d'un public élégant, et chacune de leurs réapparitions soulevait des tempêtes de vivats, d'applaudissements et de cris d'encouragement. Puis, à mesure que l'atmosphère s'assombrit et que la nuit commença à étendre son voile de crêpe sur la campagne, les aéroplanes se rapprochèrent du sol et atterrirent l'un après l'autre auprès de leurs hangars.
Un seul continua obstinément à voler presque au ras du sol. C'était Farman, le recordman du premier kilomètre effectué en aéroplane au-dessus du sol européen, et qui voulait conquérir le grand prix de Champagne de cinquante mille francs.
Les spectateurs, qui se pressaient depuis le matin aux barrières pour assister aux évolutions des hommes-oiseaux, se hâtaient de regagner Reims par tous les moyens de locomotion possibles. Les autos ronflaient, pendant qu'un train d'une interminable longueur stoppait devant les quais de la station improvisée de Bétheny-Aviation.
Plusieurs jeunes gens à la mise élégante, qui occupaient les premiers rangs de la grande tribune, et s'étaient fait remarquer par leurs exclamations enthousiastes, s'attardaient pour scruter dans l'obscurité, d'instant en instant plus épaisse, le retour du biplan de Farman.
—Venez-vous, La Tour-Miranne, dit amicalement un grand jeune homme qui avait adopté la mode surannée de protéger son oeil gauche sous un verre de montre auquel pendait un ruban de soie moirée, de la largeur d'un doigt. Il commence à faire frais!
—Me voici, Outremécourt, répondit au bout d'un instant l'interpellé. J'aurais voulu cependant voir si Farman va continuer à tourner dans le noir. Voilà combien de temps déjà qu'il est en l'air?...
—Deux heures et demie au moins...
—Exactement, deux heures trente-sept minutes, quarante-huit secondes, rectifia un troisième adolescent, au torse replet, à la bonne mine réjouie, et qui répondait au nom de Médouville.
—Il a dépassé les temps de Paulhan et de Latham, en ce cas, reprit celui qui avait été appelé La Tour-Miranne.
—Certainement, et c'est à lui que reviendra incontestablement le prix de Champagne, maintenant! Il est trop tard pour qu'un autre concurrent puisse le lui disputer.
—En ce cas, pourquoi continue-t-il à voler malgré la nuit?...
—Sans doute pour nous montrer ce qu'il est capable de faire avec son biplan, riposta Médouville.
—A moins que, comme cela est arrivé hier, il ne puisse plus couper l'allumage de son moteur, dit Outremécourt, tout en descendant l'escalier de la tribune. Il a éprouvé une fameuse souleur, ce brave Farman! Un peu plus, il se jetait contre l'un des hangars!...
—Enfin, ce qui est certain, conclut La Tour-Miranne en s'installant au volant d'une élégante voiturette dont le chauffeur venait de mettre le moteur en marche et d'allumer les phares, ce qui est certain, c'est que nous venons d'assister cet après-midi à un-spectacle inoubliable!
Avant de pousser son levier d'embrayage et de démarrer, le jeune homme se pencha vers ses interlocuteurs.
—Nous nous retrouverons ce soir?... interrogea-t-il. Les jeunes gens se consultèrent du regard.
—Nous ferons sans doute un tour à l'Universelle, vers dix heures, se décida à répondre Médouville. Vous y verra-t-on?
—Certainement. N'est-ce pas dans ces salons que se rencontrent les modernes rois de l'air que nous venons de voir évoluer avec une incomparable maestria?... C'est donc entendu!
La Tour-Miranne tira à lui le levier qu'il tourmentait depuis un instant; un grincement caractéristique se fit entendre, en même temps que les battements des pistons s'accéléraient, mais ces mouvements désordonnés ne durèrent qu'un moment; l'allure du moteur redevint vite normale, et l'auto démarra doucement pour se mettre à la file des autres véhicules regagnant en hâte l'antique cité champenoise.
Outremécourt et Médouville, de leur côté, s'étaient dirigés vers la gare, où ils retrouvèrent plusieurs personnes de leur connaissance attendant également le train devant les ramener à Reims. Pendant le court trajet de Bétheny