Derniers Contes. Эдгар Аллан По
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Quand Lady Schéhérazade en fut à ce point de son récit, dit l'Isitsoôrnot, le roi se retourna de son côté gauche sur son côté droit, et dit:
«Il est en effet fort étonnant, ma chère reine, que vous ayez omis jusqu'ici ces dernières aventures de Sinbad. Savez-vous que je les trouve excessivement curieuses et intéressantes?»
Sur quoi, la belle Schéhérazade continua son histoire en ces termes:
«Sinbad poursuit ainsi son récit:—Je remerciai l'homme-animal de sa bonté, et bientôt je me trouvai tout à fait chez moi sur la bête. Elle nageait avec une prodigieuse rapidité à travers l'Océan, dont la surface cependant, dans cette partie du monde, n'est pas du tout plate, mais ronde comme une grenade, de sorte que nous ne cessions, pour ainsi dire, de monter et de descendre.»
«Cela devait être fort singulier,» interrompit le roi.
«Et cependant rien n'est plus vrai,» répondit Schéhérazade.
«Il me reste quelques doutes,» répliqua le roi, «mais, je vous en prie, veuillez continuer votre histoire.»
«Volontiers» dit la reine. «La bête, poursuivit Sinbad, nageait donc, comme je l'ai dit, toujours montant et toujours descendant; nous arrivâmes enfin à une île de plusieurs centaines de milles de circonférence, qui cependant avait été bâtie au milieu de la mer par une colonie de petits animaux semblables à des chenilles[3].»
«Hum!» fit le roi.
«En quittant cette île,» continua Schéhérazade (sans faire attention bien entendu à cette éjaculation inconvenante de son mari) nous arrivâmes bientôt à une autre où les forêts étaient de pierre massive, et si dure qu'elles mirent en pièces les haches les mieux trempées avec lesquelles nous essayâmes de les abattre[4].
«Hum!» fit de nouveau le roi; mais Schéhérazade passa outre, et continua à faire parler Sinbad.
«Au delà de cette île, nous atteignîmes une contrée où il y avait une caverne qui s'étendait à la distance de trente ou quarante milles dans les entrailles de la terre, et qui contenait des palais plus nombreux, plus spacieux et plus magnifiques que tous ceux de Damas ou de Bagdad. A la voûte de ces palais étaient suspendues des myriades de gemmes, semblables à des diamants, mais plus grosses que des hommes, et au milieu des rues formées de tours, de pyramides et de temples, coulaient d'immenses rivières aussi noires que l'ébène, et où pullulaient des poissons sans yeux.[5]»
«Hum!» fit le roi.
«Nous parvînmes ensuite à une région où nous trouvâmes une autre montagne; au bas de ses flancs coulaient des torrents de métal fondu, dont quelques-uns avaient douze milles de large et soixante milles de long[6]; d'un abîme creusé au sommet sortait une si énorme quantité de cendres que le soleil en était entièrement éclipsé et qu'il régnait une obscurité plus profonde que la nuit la plus épaisse, si bien que même à une distance de cent cinquante milles de la montagne, il nous était impossible de distinguer l'objet le plus blanc, quelque rapproché qu'il fût de nos yeux[7].
«Hum!» fit le roi.
«Après avoir quitté cette côte, nous rencontrâmes un pays où la nature des choses semblait renversée—nous y vîmes un grand lac, au fond duquel, à plus de cent pieds au-dessous de la surface de l'eau, poussait en plein feuillage une forêt de grands arbres florissants[8].»
«Hoo!» dit le roi.
«A quelque cent milles plus loin, nous entrâmes dans un climat où l'atmosphère était si dense que le fer ou l'acier pouvaient s'y soutenir absolument comme des plumes dans la nôtre[9].»
«Balivernes!» dit le roi.
«Suivant toujours la même direction, nous arrivâmes à la plus magnifique région du monde. Elle était arrosée des méandres d'une glorieuse rivière sur une étendue de plusieurs milliers de milles. Cette rivière était d'une profondeur indescriptible, et d'une transparence plus merveilleuse que celle de l'ambre. Elle avait de trois à six milles de large, et ses berges qui s'élevaient de chaque côté à une hauteur perpendiculaire de douze cents pieds étaient couronnées d'arbres toujours verdoyants et de fleurs perpétuelles au suave parfum qui faisaient de ces lieux un somptueux jardin; mais cette terre plantureuse s'appelait le royaume de l'Horreur, et on ne pouvait y entrer sans y trouver la mort[10].»
«Ouf!» dit le roi.
«Nous quittâmes ce royaume en toute hâte, et quelques jours après, nous arrivâmes à d'autres bords, où nous fûmes fort étonnés de voir des myriades d'animaux monstrueux portant sur leurs têtes des cornes qui ressemblaient à des faux. Ces hideuses bêtes se creusent de vastes cavernes dans le sol en forme d'entonnoir, et en entourent l'entrée d'une ligne de rocs entassés l'un sur l'autre de telle sorte qu'ils ne peuvent manquer de tomber instantanément, quand d'autres animaux s'y aventurent; ceux-ci se trouvent ainsi précipités dans le repaire du monstre, où leur sang est immédiatement sucé, après quoi leur carcasse est dédaigneusement lancée à une immense distance de la «caverne de la mort[11].»
«Peuh!» dit le roi.
«Continuant notre chemin, nous vîmes un district abondant en végétaux, qui ne poussaient pas sur le sol, mais dans l'air[12]. Il y en avait qui naissaient de la substance d'autres végétaux[13]; et d'autres qui empruntaient leur propre substance aux corps d'animaux vivants[14]. Puis d'autres encore tout luisants d'un feu intense[15]; d'autres qui changeaient de place à leur gré[16]; mais, chose bien plus merveilleuse encore, nous découvrîmes des fleurs qui vivaient, respiraient et agitaient leurs membres à volonté, et qui, bien plus, avaient la détestable passion de l'humanité pour asservir d'autres créatures, et les confiner dans d'horribles et solitaires prisons jusqu'à ce qu'elles eussent rempli une tâche fixée[17].»
«Bah!» dit le roi.
«Après avoir quitté ce pays, nous arrivâmes bientôt à un autre, où les oiseaux ont une telle science et un tel génie en mathématiques, qu'ils donnent tous les jours des leçons de géométrie aux hommes les plus sages de l'empire. Le roi ayant offert une récompense pour la solution de deux problèmes très difficiles, ils furent immédiatement résolus—l'un, par les abeilles, et l'autre par les oiseaux; mais comme le roi garda ces solutions secrètes, ce ne fut qu'après les plus profondes et les plus laborieuses recherches, et une infinité de gros livres écrits pendant une longue série d'années, que les Mathématiciens arrivèrent enfin aux mêmes solutions qui avaient été improvisées par les abeilles et par les oiseaux[18].»
«Oh! oh!» dit le roi.
«A peine avions nous perdu de vue cette contrée, qu'une autre s'offrit à nos yeux. De ses bords s'étendit sur nos têtes un vol d'oiseaux d'un mille de large, et de deux cent quarante milles de long; si bien que tout en faisant un mille à chaque minute, il ne fallut pas à cette bande d'oiseaux moins de quatre heures pour passer au dessus de nous; il y avait bien plusieurs millions de millions d'oiseaux[19].
«Oh!»