LUPIN: Les aventures complètes. Морис Леблан

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LUPIN: Les aventures complètes - Морис Леблан

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et crut discerner le rythme d’une respiration. Il fut rassuré comme par une présence amie.

      Il chercha le fauteuil, puis, par petits gestes insensibles, rampa vers la table, tâtant l’ombre de son bras étendu. Sa main droite rencontra un des pieds de la table.

      Enfin ! Il n’avait plus qu’à se lever, à prendre la perle et à s’en aller. Heureusement ! Car son cœur recommençait à sauter dans sa poitrine comme une bête terrifiée, et avec un tel bruit qu’il lui semblait impossible que la comtesse ne s’éveillât point.

      Il l’apaisa dans un élan de volonté prodigieux, mais, au moment où il essayait de se relever, sa main gauche heurta sur le tapis un objet qu’il reconnut tout de suite pour un flambeau, un flambeau renversé ; et aussitôt, un autre objet se présenta, une pendule, une de ces petites pendules de voyage qui sont recouvertes d’une gaine de cuir.

      Quoi ? Que se passait-il ? Il ne comprenait pas. Ce flambeau… cette pendule… pourquoi ces objets n’étaient-ils pas à leur place habituelle ? Ah ! Que se passait-il dans l’ombre effarante ?

      Et soudain, un cri lui échappa. Il avait touché… oh ! à quelle chose étrange, innommable ! Mais non, non, la peur lui troublait le cerveau. Vingt secondes, trente secondes, il demeura immobile, épouvanté, de la sueur aux tempes. Et ses doigts gardaient la sensation de ce contact.

      Par un effort implacable, il tendit le bras de nouveau. Sa main, de nouveau, effleura la chose, la chose étrange, innommable. Il la palpa. Il exigea que sa main la palpât et se rendit compte. C’était une chevelure, un visage… et ce visage était froid, presque glacé.

      Si terrifiante que soit la réalité, un homme comme Arsène Lupin la domine dès qu’il en a pris connaissance. Rapidement, il fit jouer le ressort de sa lanterne. Une femme gisait devant lui, couverte de sang. D’affreuses blessures dévastaient son cou et ses épaules. Il se pencha et l’examina. Elle était morte.

      – Morte, morte, répéta-t-il avec stupeur.

      Et il regardait ces yeux fixes, le rictus de cette bouche, cette chair livide, ce sang tout ce sang qui avait coulé sur le tapis et se figeait maintenant, épais et noir.

      S’étant relevé, il tourna le bouton de l’électricité, la pièce s’emplit de lumière, et il put voir tous les signes d’une lutte acharnée. Le lit était entièrement défait, les couvertures et les draps arrachés. Par terre, le flambeau, puis la pendule – les aiguilles marquaient onze heures vingt – puis, plus loin, une chaise renversée, et partout du sang, des flaques de sang.

      – Et la perle noire ? murmura-t-il.

      La boîte de papier à lettres était à sa place. Il l’ouvrit vivement. Elle contenait l’écrin. Mais l’écrin était vide.

      – Fichtre ! se dit-il, tu t’es vanté un peu tôt de ta chance, mon ami Arsène Lupin… La comtesse assassinée, la perle noire disparue… la situation n’est pas brillante ! Filons, sans quoi tu risques fort d’encourir de lourdes responsabilités.

      Il ne bougea pas cependant.

      – Filer ? Oui, un autre filerait. Mais Arsène Lupin ? N’y a-t-il pas mieux à faire ? Voyons, procédons par ordre. Après tout, ta conscience est tranquille… Suppose que tu es commissaire de police et que tu dois procéder à une enquête… Oui, mais pour cela il faudrait avoir un cerveau plus clair. Et le mien est dans un état !

      Il tomba sur un fauteuil, ses poings crispés contre son front brûlant.

      L’affaire de l’avenue Hoche est une de celles qui nous ont le plus vivement intrigués en ces derniers temps, et je ne l’eusse certes pas racontée si la participation d’Arsène Lupin ne l’éclairait d’un jour tout spécial. Cette participation, il en est peu qui la soupçonnent. Nul ne sait en tout cas l’exacte et curieuse vérité.

      Qui ne connaissait, pour l’avoir rencontré au Bois, Léontine Zalti, l’ancienne cantatrice, épouse et veuve du comte d’Andillot, la Zalti dont le luxe éblouissait Paris, il y a quelque vingt ans, comtesse d’Andillot, à qui ses parures de diamants et de perles valaient une réputation européenne ? On disait d’elle qu’elle portait sur ses épaules le coffre-fort de plusieurs maisons de banque et les mines d’or de plusieurs compagnies australiennes. Les grands joailliers travaillaient pour la Zalti comme on travaillait jadis pour les rois et pour les reines.

      Et qui ne se souvient de la catastrophe où toutes ces richesses furent englouties ? Maisons de banque et mines d’or, le gouffre dévora tout. De la collection merveilleuse, dispersée par le commissaire priseur, il ne resta que la fameuse perle noire. La perle noire ! C’est-à-dire une fortune, si elle avait voulu s’en défaire.

      Elle ne le voulut point. Elle préféra se restreindre, vivre dans un simple appartement, avec sa dame de compagnie, sa cuisinière et un domestique, plutôt que de vendre cet inestimable joyau. Il y avait à cela une raison qu’elle ne craignait pas d’avouer : la perle noire était le cadeau d’un empereur ! Et presque ruinée, réduite à l’existence la plus médiocre, elle demeura fidèle à sa compagne des beaux jours.

      – Moi vivante, disait-elle, je ne la quitterai pas.

      Du matin jusqu’au soir, elle la portait à son cou. La nuit, elle la mettait dans un endroit connu d’elle seule.

      Tous ces faits rappelés par les feuilles publiques stimulèrent la curiosité, et, chose bizarre, mais facile à comprendre pour ceux qui ont le mot de l’énigme, ce fut précisément l’arrestation de l’assassin présumé qui compliqua le mystère et prolongea l’émotion. Le surlendemain, en effet, les journaux publiaient la nouvelle suivante :

      « On nous annonce l’arrestation de Victor Danègre, le domestique de la comtesse d’Andillot. Les charges relevées contre lui sont écrasantes. Sur la manche en lustrine de son gilet de livrée, que M. Dudouis, le chef de la Sûreté, a trouvé dans sa mansarde, entre le sommier et le matelas, on a constaté des taches de sang. En outre, il manquait à ce gilet un bouton recouvert d’étoffe. Or ce bouton, dès le début des perquisitions, avait été ramassé sous le lit même de la victime.

      « Il est probable qu’après le dîner, Danègre, au lieu de regagner sa mansarde, se sera glissé dans le cabinet aux robes, et que, par la porte vitrée, il a vu la comtesse cacher la perle noire.

      « Nous devons dire que, jusqu’ici, aucune preuve n’est venue confirmer cette supposition. En tout cas, un autre point reste obscur. À sept heures du matin, Danègre s’est rendu au bureau de tabac du boulevard de Courcelles : la concierge d’abord, puis la buraliste ont témoigné dans ce sens. D’autre part, la cuisinière de la comtesse et sa dame de compagnie, qui toutes deux couchent au bout du couloir, affirment qu’à huit heures, quand elles se sont levées, la porte de l’antichambre et la porte de la cuisine étaient fermées à double tour. Depuis vingt ans au service de la comtesse, ces deux personnes sont au-dessus de tout soupçon. On se demande donc comment Danègre a pu sortir de l’appartement. S’était-il fait faire une autre clef ? L’instruction éclaircira ces différents points. »

      L’instruction n’éclaircit absolument rien, au contraire. On apprit que Victor Danègre était un récidiviste dangereux, un alcoolique et un débauché, qu’un coup de couteau n’effrayait pas. Mais l’affaire elle-même semblait, au fur et à mesure qu’on l’étudiait, s’envelopper de ténèbres plus épaisses et de contradictions plus inexplicables.

      D’abord une demoiselle de Sinclèves,

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