LUPIN: Les aventures complètes. Морис Леблан

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LUPIN: Les aventures complètes - Морис Леблан

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eu soin de les vérifier, elles devaient céder à l’effort, car lui, au cours de l’après-midi, en avait tourné l’espagnolette de façon qu’elle n’entrât plus dans les gâches.

      Les croisées cédèrent. Alors, avec des précautions infinies, il les entrebâilla davantage. Dès qu’il put glisser la tête, il s’arrêta. Un peu de lumière filtrait entre les deux rideaux mal joints ; il aperçut Gervaise et Ludovic assis à côté du coffre.

      Ils n’échangeaient que de rares paroles et à voix basse, absorbés par leur travail. Arsène calcula la distance qui le séparait d’eux, établit les mouvements exacts qu’il lui faudrait faire pour les réduire l’un après l’autre à l’impuissance, avant qu’ils n’eussent le temps d’appeler au secours, et il allait se précipiter, lorsque Gervaise dit :

      – Comme la pièce s’est refroidie depuis un instant ! Je vais me mettre au lit. Et toi ?

      – Je voudrais finir.

      – Finir ! Mais tu en as pour la nuit.

      – Mais non, une heure au plus.

      Elle se retira. Vingt minutes, trente minutes passèrent. Arsène poussa la fenêtre un peu plus. Les rideaux frémirent. Il poussa encore. Ludovic se retourna, et, voyant les rideaux gonflés par le vent, se leva pour fermer la fenêtre…

      Il n’y eut pas un cri, par même une apparence de lutte. En quelques gestes précis, et sans lui faire le moindre mal, Arsène l’étourdit, lui enveloppa la tête avec le rideau, le ficela, de telle manière que Ludovic ne distingua même pas le visage de son agresseur.

      Puis, rapidement, il se dirigea vers le coffre, saisit deux portefeuilles qu’il mit sous son bras, sortit du bureau, descendit l’escalier, traversa la cour, et ouvrit la porte de service. Une voiture stationnait dans la rue.

      – Prends cela d’abord, dit-il au cocher et suis-moi.

      Il retourna jusqu’au bureau. En deux voyages ils vidèrent le coffre. Puis Arsène monta dans sa chambre, enleva la corde, effaça toute trace de son passage. C’était fini.

      Quelques heures après, Arsène Lupin, aidé de son compagnon, opéra le dépouillement des portefeuilles. Il n’éprouva aucune déception, l’ayant prévu, à constater que la fortune des Imbert n’avait pas l’importance qu’on lui attribuait. Les millions ne se comptaient pas par centaines, ni même par dizaines. Mais enfin le total formait encore un chiffre très respectable, et c’étaient d’excellentes valeurs, obligations de chemins de fer, Villes de Paris, fonds d’État, Suez, mines du Nord, etc.

      Il se déclarait satisfait.

      – Certes, dit-il, il y aura un rude déchet quand le temps sera venu de négocier. On se heurtera à des oppositions, et il faudra plus d’une fois liquider à vil prix. N’importe, avec cette première mise de fonds, je me charge de vivre comme je l’entends… et de réaliser quelques rêves qui me tiennent au cœur.

      – Et le reste ?

      – Tu peux le brûler, mon petit. Ces tas de papiers faisaient bonne figure dans le coffre-fort. Pour nous, c’est inutile. Quant aux titres, nous allons les enfermer bien tranquillement dans le placard, et nous attendrons le moment propice.

      Le lendemain, Arsène pensa qu’aucune raison ne l’empêchait de retourner à l’hôtel Imbert. Mais la lecture des journaux lui révéla cette nouvelle imprévue : Ludovic et Gervaise avaient disparu.

      L’ouverture du coffre eut lieu en grande solennité. Les magistrats y trouvèrent ce qu’Arsène Lupin avait laissé… peu de chose.

      Tels sont les faits, et telle est l’explication que donne à certains d’entre eux l’intervention d’Arsène Lupin. J’en tiens le récit de lui-même, un jour qu’il était en veine de confidence.

      Ce jour-là, il se promenait de long en large, dans mon cabinet de travail, et ses yeux avaient une petite fièvre que je ne leur connaissais pas.

      – Somme toute, lui dis-je, c’est votre plus beau coup ?

      Sans me répondre directement, il reprit :

      – Il y a dans cette affaire des secrets impénétrables. Ainsi, même après l’explication que je vous ai donnée, que d’obscurités encore ! Pourquoi cette fuite ? Pourquoi n’ont-ils pas profité du secours que je leur apportais involontairement ? Il était si simple de dire : « Les cent millions se trouvaient dans le coffre, ils n’y sont plus parce qu’on les a volés. »

      – Ils ont perdu la tête.

      – Oui, voilà, ils ont perdu la tête… D’autre part, il est vrai…

      – Il est vrai ?…

      – Non, rien.

      Que signifiait cette réticence ? Il n’avait pas tout dit, c’était visible, et ce qu’il n’avait pas dit, il répugnait à le dire. J’étais intrigué. Il fallait que la chose fût grave pour provoquer de l’hésitation chez un tel homme.

      Je lui posai des questions au hasard.

      – Vous ne les avez pas revus ?

      – Non.

      – Et il ne vous est pas advenu d’éprouver, à l’égard de ces deux malheureux, quelque pitié ?

      – Moi ! proféra-t-il en sursautant.

      Sa révolte m’étonna. Avais-je touché juste ? J’insistai :

      – Évidemment. Sans vous, ils auraient peut-être pu faire face au danger… ou du moins partir les poches remplies.

      – Des remords, c’est bien cela que vous m’attribuez, n’est-ce pas ?

      – Dame !

      Il frappa violemment sur ma table.

      – Ainsi, selon vous, je devrais avoir des remords ?

      – Appelez cela des remords ou des regrets, bref un sentiment quelconque…

      – Un sentiment quelconque pour des gens…

      – Pour des gens à qui vous avez dérobé une fortune.

      – Quelle fortune ?

      – Enfin… ces deux ou trois liasses de titres…

      – Ces deux ou trois liasses de titres ! Je leur ai dérobé des paquets de titres, n’est-ce pas ? Une partie de leur héritage ? Voilà ma faute ? Voilà mon crime ?

      – Mais, sacrebleu, mon cher, vous n’avez donc pas deviné qu’ils étaient faux, ces titres ?… vous entendez ?

      – ILS ÉTAIENT FAUX !

      Je le regardai, abasourdi.

      – Faux, les quatre ou cinq millions ?

      – Faux, s’écria-t-il rageusement, archi-faux ! Faux, les obligations, les Ville de Paris, les fonds d’État, du papier,

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